MEMORANDUM DU GROUPE DE RÉFLEXION SUR L'ÉDUCATION
L’objectif du Groupe dans le contexte de crise généralisée de l’Education est de donner à la réflexion sur ce secteur une dimension prospective (sur le moyen et long terme), plus profonde que la recherche de solutions segmentées et cloisonnées
Qui sommes nous ?
Un Groupe de Réflexion sur l’Education au Sénégal (GRES) composé de personnalités et d’expertises diverses issues de l’Université Cheikh Anta Diop et de l’Université Gaston Berger de Saint Louis, de la société civile, du monde diplomatique. :
QUEL EST NOTRE OBJECTIF ?
L’objectif du Groupe dans le contexte de crise généralisée de l’Education est de donner à la réflexion sur ce secteur une dimension prospective (sur le moyen et long terme), plus profonde que la recherche de solutions segmentées et cloisonnées aux manifestations de cette crise que sont les grèves, contestations et revendications intermittentes de l’élémentaire au supérieur, de l’enseignement classique aux daaras.
Une analyse sans complaisance par une approche systémique de l’Education au Sénégal
Après une analyse approfondie à partir d’introductions et de présentations d’articles et de travaux des différents collègues, le GRES a établi plusieurs idées fortes qui doivent structurer toute réflexion stratégique et prospective sur la question.
QUEL EST L’ETAT DES LIEUX ?
L’école sénégalaise en crise de modèle, de contenu et de finalité
L’école sénégalaise dans sa globalité ne se donne pas d’orientations stratégiques répondant à un modèle partagé par la société sénégalaise et les acteurs qui l’animent. Plus de 30 ans après les Etats généraux de l’éducation, il n’en reste pas grand-chose en termes de choix réalisé, tenu et évalué.
Aujourd’hui, le passage à une éducation de masse pour atteindre les Objectifs du Millénaire pour le Développement provenant des injonctions et paradigmes des institutions multilatérales et dépendant de leurs financements dans un contexte de crise économique et de manque de moyens a suscité plus d’interrogations que de résultats.
Les interrogations
♣️ Quel est finalement le modèle d’éducation sénégalais et son fil conducteur?
♣️ Quels sont ses objectifs ?
♣️ Quels sont les continuités à entretenir et les ruptures justifiées à faire ?
♣️ Quelles normes minimales de qualité au-delà des chiffres maquillés ou pas ?
♣️ Faut-il préserver la possibilité de former une élite et comment ?
L’école sénégalaise reste également marquée par l’extrême dispersion et la coexistence de différents modèles d’école (de plus en plus nombreux) sans sens commun, ni principe directeur.
Les différents modèles d’école au Sénégal
♣️ école dite « française »
♣️ école dite « franco-arabe », privée et publique
♣️ école coranique (elle-même de différents types)
- daara tarbiyya
- daaras modernes
- daaras qui se prétendent tels, sans contrôle
♣️ écoles communautaires de base
♣️ écoles privées confessionnelles catholiques
♣️ réseaux, croissant, d’écoles étrangères
♣️ cases des tout petits
♣️ maisons de l’outil
♣️ Enseignement technique et professionnel
Par ailleurs, une grande partie de la population reste réticente à l’école dite française et les réponses sont encore incomplètes et peu satisfaisantes. Plus globalement, l’école incarne beaucoup moins qu’avant les valeurs sociales et citoyennes et les Sénégalais ont perdu foi dans le sens de l’école comme ascenseur social.
Si les chiffres sont avancés positivement quant à l’atteinte d’objectifs quantitatifs, le consensus est général concernant la baisse grave de la qualité et l’inadaptation des curricula.
L’inversement de l’image de l’école publique porteuse de qualité devant l’école privée désormais sans grève et garantissant les standards et les minimas de quantum horaire est désormais une réalité. Dans ce contexte, les initiatives privées se multiplient de la maternelle à l’université, de l’école laïque, catholique, franco arabe, bilingue, turc (yavuz selim), iranienne (IMI), aux écoles musulmanes moyen-orientales, etc. Se mettent ainsi en place parallèlement plusieurs systèmes d’éducation forgés de l’extérieur, avec des conceptions différentes.
S’y ajoute le vaste secteur dit informel qui compte des milliers d’écoles coraniques allant des daaras structurés permanents aux daaras où la mendicité prime sur l’enseignement.
Toutes ces écoles rendent compte de l’inégale prise en charge par l’Etat et la perte de contrôle sur le domaine le plus stratégique de l’avenir de notre nation. Au demeurant, l’école continue à discriminer les enfants (classes pléthoriques ou moyennement remplies, répartition inégale de la formation informatique, des enseignants de qualité, privés contre public, enseignement laic contre enseignement religieux, médersas musulmanes contre daaras, etc.) et est paradoxalement une fabrique d’injustice et d’inégalités dans les chances de réussite entre Sénégalais.
De manière générale, les réformes qui sont faites dans le sens d’intégrer l’arabe, le religieux et les langues nationales pour répondre à la demande d’une école plus « sénégalaise » constituent des tactiques pour gagner de nouveaux publics et non des choix stratégiques d’enseignement et d’éducation adossés à un projet de société global. L’école d’aujourd’hui marquée par une dispersion extrême reflète et renforce une désintégration des référentiels traditionnels endogènes, sur le fondem.
De l’historicité et de l’ancrage de l’éducation religieuse au Sénégal
Le Sénégal est un pays à plus de 95% de musulmans et à presque 100% de croyants. Les ordres d’enseignement chrétiens sont proportionnellement bien représentés dans l’espace de l’offre éducationnelle avec une image saine et ouverte, malgré quelques insuffisances et leur dynamisme n’est plus à démontrer.
L'éducation islamique qui est une constante dans les sociétés musulmanes sénégalaises a a contrario, un déficit de reconnaissance, de respect et de structuration. Pourtant l'instruction est une obligation et l'accomplissement du rituel est fortement lié à un ensemble de règles que le musulman doit respecter, en collectivités ou en intimité.
Pr Abdoul Aziz Kébé
Pr Penda Mbow
Dr Fatou Kiné Camara
Dr Cheikh Guèye
Dr Bakary Samb
Dr Souleymane Gomis