NOËL ARRIVE...
Catholique pratiquant, Lepold Sédar Senghor a su, avec intelligence, forger la nation sénégalaise en s’appuyant sur ses ressorts et ses valeurs cardinales qui ont cimenté les communautés
Noël au chaud ! Le temps de référence change. L’atmosphère hésite entre douceur et fraîcheur. Peu importent les évolutions saisonnières, le culte subsiste. A cet égard, nos frères chrétiens se montrent toujours enthousiastes pour célébrer la Nativité avec ferveur et jovialité. A l’approche de la fête et en habits de lumières, Dakar, la capitale, donnait le ton. Avec faste. Les rues s’illuminaient de mille feux, enjolivant les soirées plongées dans une ambiance féérique la dernière semaine de l’année qui s’achève. Au Sénégal, cette fête appartient en principe à la minorité catholique dont les moments de réjouissance se diffusent à une vaste échelle d’un pays majoritairement musulman !
Le Sénégal offre ainsi à la face du monde le visage lisse d’une nation diverse, ouverte et tolérante où coexistent, sans heurts, toutes les confessions religieuses. Les lieux de culte (églises et mosquées) voisinent ou jalonnent les quartiers dans une belle harmonie. Le dialogue islamo-chrétien a de profondes racines pour faire fleurir la paix, socle de vie d’une société qui accepte les différences et les nourrit même si elle ne les entretient proprement.
Ces acquis, fruit d’une tradition séculaire, structurent les rapports entre hommes et femmes qui, en s’appropriant la lettre, acquièrent l‘esprit et développent une puissante culture de paix. Celle-ci prévaut dans le pays. Les familles conjuguent la paix dans tous les temps. Elles la vivent dans leur chair. Par tous les moyens, elles tentent de préserver ce précieux héritage qui est un entrelacement de destins croisés, un enchevêtrement de parcours mais aussi et surtout un idéal de vie partagé.
Que de cimetières catholiques incorporant des tombes de musulmans ! Que de lieux de cultes chrétiens disséminés dans des zones à forte prédominance musulmane ! Plusieurs facteurs se conjuguent pour donner naissance à ce trait socioculturel éminent. Mais un homme l’a incarné au plus haut point : Léopold Sédar Senghor, premier président de la République. Catholique pratiquant, ce grammairien agrégé, poète de haute facture, a su, avec intelligence, forger la nation sénégalaise en s’appuyant sur ses ressorts et ses valeurs cardinales qui ont cimenté les communautés. Lesquelles ont fini de faire de leurs différences, une richesse chantée, louée et vantée.
Cette singularité bien sénégalaise se reflète dans de nombreuses familles mixtes, à l’école, dans les corps assermentés, les pouvoirs politiques, économiques et sociaux. A l’inauguration au mois de septembre dernier de la majestueuse mosquée Massalikoul Djinane, l’archevêque Benjamin Ndiaye, à la tête d’une délégation de l’Archidiocèse de Dakar, a rendu visite à Sérigne Mountakha MBacké, Khalife Général des Mourides. Mémorable rencontre ponctuée d’amabilités entre deux hommes de Dieu qui ont su parler le même langage de paix pour se comprendre et envoyer un signal clair aux croyants.
Les mêmes croyants, les mourides notamment, se sont vu ouvrir les portes de l’église de Bopp, lorsque la rue a paru petite et exiguë pour contenir les nombreux fidèles venus à la fois pour la prière du vendredi et l’ouverture de la Grande Mosquée. Les faits révèlent en eux la grandeur des guides religieux, leur clairvoyance et l’actualité de l’enseignement qu’ils professent. L’universalité du message divin peut s’apprécier comme un dénominateur commun entre gens lettrés, de surcroît gens de Livres. Sans prétendre à l’œcuménisme, l’unité qui en découle favorise l’éclosion de la concorde au grand bonheur des populations en quête de rédemption face à un quotidien chaque jour plus éprouvant.
Au cours de l’histoire, des épisodes riches en péripéties ont rythmé la marche du Sénégal. Le président Senghor, d’extraction rurale, a pu s’adresser aux paysans dans un langage dépouillé, séduisant les foules et convaincant les guides religieux. C’est ainsi qu’il reçut le soutien de l’incomparable Sérigne Fallou Mbacké, de l’héroïque Thierno Seydou Nourou Tall et du fin lettré Khalifa Ababacar Sy. Décidé à descendre dans l’arène politique, Sérigne Cheikh Tidiane Sy Al Makhtoum, rend visite à Sérigne Abdoul Ahad MBacké pour lui faire part de son intention de combattre Senghor. « Je peux tout t‘offrir sauf cet objet de ta requête. Simplement parce que ton père et ton oncle Sérigne Fallou ont prié pour Senghor. » Le débat était clos entre les deux hommes connus pour leur intelligence vive et leur habileté qui frise la romance.
Avec le recul, des décennies plus tard, ce savoureux tête-à-tête traduit l’éloquence de nos guides religieux, leur savoir-faire social et leur sens aigu des responsabilités quand l’exigent justement la situation ou les contextes. Les problèmes, même complexes, trouvaient des solutions. Parfois avec une déroutante simplicité. Gardons-nous encore aujourd’hui ces réflexes de bons sens, cette lucidité ou cette lecture subtile d’une société en proie aux soubresauts ? Il est permis d’en douter au regard de la parole désacralisée, insensée et irréfléchie.
La parole abrupte et discourtoise envahit l’espace public. Elle tient même lieu de vérité. Alors qu’elle en est dépouillée. Personne ne s’en aperçoit. Ou plutôt cela n’offusque personne. Dans le fond, cette parole est d’autant plus fausse qu’elle est désarticulée, parce que désincarnée. L’opinion publique ne s’en émeut pas outre mesure. Ceux qui professent cette parole, souvent des irresponsables (au sens d’acteurs assujettis à la reddition), tiennent le haut du pavé. Leurs ritournelles : le franc CFA, le pétrole et le gaz, « France dégage » ! Eux ne s’engagent pas. Du moins dans des projets de transformation. Ils ressemblent plutôt à des ascètes de la Thébaïde.
Ils occupent indistinctement les médias pour hurler, vociférer. Un mal d’orgueil stupide ruine leur élan basé sur le dégoût ! Leur médiocrité se diffuse, se répand par le truchement de médias très peu regardant sur la source émettrice, la véracité ou le manque de sérieux. Des médias anesthésiés par l’urgence, tétanisés par l’empressement relayent sans discernement des propos immondes. La paresse des médias, ajoutée à l’outrecuidance d’hommes de petite vertu, renforce la propagation de contre-vérités qui se libèrent à flots continus. Qui croire, le mensonge ou la rumeur ? L’archevêque de Kinshasa, Fridolin Ambongo, a voix au chapitre : « il n’y a pas d’un côté les anges et de l’autre les démons ». Parole de sage…
Joyeux Noël. Bonne année 2020, pleine de résolutions positives…