NOUS APPROPRIER NOTRE PATRIMOINE POUR CÉLÉBRER LE 8 MARS
La célébration de la journée internationale des droits des femmes, repose ici au Sénégal, le souvenir et l’actualité de la résistance héroïque des femmes de Ndeer
La célébration du 8 Mars, journée internationale des droits des femmes, repose ici au Sénégal, le souvenir et l’actualité de la résistance héroïque des femmes de Ndeer qui, le Mardi 07 Mars 1820 (Talaaay Ndeer), sous la conduite de Linguère Fatim Yamar Khouryaye Mbodj, avaient choisi de « mourir en femmes libres » en s’immolant par le feu, préférant le sacrifice collectif suprême à la soumission, à l’esclavage et au déshonneur.
Ce jour- là, les femmes déguisées en soldats hommes, résistèrent héroïquement et repoussèrent dans un premier temps les guerriers maures et toucouleurs venus attaquer le royaume du Waalo pendant que la plupart des hommes étaient occupés aux travaux champêtres et que le Brack (le Roi) était parti se faire soigner à Saint-Louis, en compagnie des principaux dignitaires du royaume. Après le second assaut des assaillants, la Linguère, avant de s’immoler, prit le soin de faire évacuer ses deux filles, Ndieumbeut Mbodj et Ndaté Yalla Mbodj, âgées respectivement de 12 et 10 ans.
Rien d’étonnant alors de retrouver, bien des années plus tard, en 1855, la Reine Ndatté Yalla Mbodj à la tête de la résistance contre le général Faidherbe et la conquête coloniale française. Comment, sur le même registre, ne pas magnifier la geste de la prêtresse Aline Sitooy Diatta, présentée parfois comme une reine, née en 1920 à Kabrousse en Casamance, et morte en 1944 en déportation à Tombouctou, au Mali, exilée et emprisonnée par le colonialiste français ? Héroïne de la résistance casamançaise, elle aurait d’abord travaillé comme docker avant de migrer sur Dakar où elle reçoit la mission quasi divine de retourner en Casamance et de libérer son peuple.
Dans son Kassa natal, cette femme meneuse d’hommes entraîne toute la basse Casamance dans la désobéissance civile face à l’oppression coloniale française, inspirant des mouvements de révolte, et demandant notamment aux paysans casamançais de se détourner des cultures de rentes, dictées par les colons, au profit des cultures vivrières. Considérée comme dangereuse, elle est alors arrêtée et jugée par l’administration coloniale et déportée à Tombouctou où elle meurt à l’âge de 24 ans seulement.
L’histoire des femmes résistantes du Waalo et de la Casamance démontre à la jeunesse féminine sénégalaise, et plus généralement aux patriotes femmes et hommes de notre pays, que nous pouvons avec fierté et dignité nous adosser à nos propres valeurs, à notre patrimoine, loin de tout mimétisme, dans le combat pour la conquête aussi bien de l’indépendance nationale et de la souveraineté populaire, que de l’égalité et de l’équité des genres. Sur cette trajectoire, les dynamiques portées par divers mouvements de femmes dont notamment Yewwu Yewwi et le COSEF, ont été relayées à un moment donné par les pouvoirs exécutif et législatif jusqu’à l’adoption de lois sur la parité. Oui à la parité, une parité non pas de démagogie mais de qualité, incarnée par des citoyennes et des citoyens parfaitement au fait de leurs droits et de leurs devoirs, c’est à dire de leurs responsabilités vis-à-vis des peuples de leur pays et de leur continent.
La journée du 8 Mars est donc pour nous celle des femmes mais aussi de tous les hommes de progrès la célèbrent à leurs côtés, autour du combat commun pour une société réellement émancipée, sans oppression ni exploitation ni discriminations, une société libre et épanouie, une société pleinement humaine. Il est important sous ce rapport de rappeler que l’origine du 8 Mars trouve sa source dans les luttes ouvrières et les manifestations de femmes qui agitèrent l’Europe et l’Amérique du Nord au tournant des XIXème et XXème siècles, avec l’émergence d’idéologies révolutionnaires et l’affirmation de combats progressistes réclamant de meilleures conditions de vie et de travail, l’égalité entre les hommes et les femmes ainsi que le suffrage universel.
La consécration d’une journée internationale des femmes a été proposée pour la première fois en 1910 par la journaliste Clara Zetkin, membre dirigeant de la 1ère Internationale Socialiste, lors de la conférence internationale des femmes socialistes tenue à Copenhague /Danemark. Mais c’est avec la grève de 1917 des ouvrières de Saint Pétersbourg /Russie pour «le pain et la paix », sous l’impulsion des révolutionnaires russes de l’époque conduits par le Parti Communiste avec à sa tête Vladimir Ilitch Oulianov dit Lénine, que la tradition du 8 mars se met progressivement en place.
Après la Deuxième Guerre mondiale, la Journée internationale des femmes devient une tradition généralisée dans le monde entier, avec les mobilisations des mouvements féministes des années 70, jusqu’à ce que, à partir de 1975, Année internationale de la femme, l'Organisation des Nations Unies ait décidé de consacrer le 8 mars comme Journée internationale des droits des femmes. Cette Journée doit être une occasion pour faire le point sur les luttes et les réalisations passées, mais aussi pour se projeter sur l’avenir, en se penchant sur les combats, opportunités et défis à prendre en charge par les générations actuelles et futures.
Le Président Mao Ze Dong nous enseigne : « Les femmes portent sur leurs épaules la moitié du ciel, et elles doivent la conquérir. » Dans la même veine, le Président Thomas Sankara, trop tôt arraché à notre affection, souligne, parlant du rôle des femmes : « Rien de complet, rien de décisif, rien de durable ne pourra se faire dans notre pays tant que cette importante partie de nous-mêmes sera maintenue dans cet assujettissement imposé durant des siècles par les différents systèmes d’exploitation ».
Et d’ajouter : « Cet être dit faible mais incroyable force inspiratrice des voies qui mènent à l’honneur, cet être, vérité chamelle et certitude spirituelle, cet être-là, femmes, c’est vous ! Vous, berceuses et compagnes de notre vie, camarades de notre lutte, et qui de ce fait, en toute justice, devez-vous imposer comme partenaires égales dans la convivialité des festins des victoires de la révolution ».
Dans la continuité de la journée du 7 mars 1820, en fidélité à la mémoire des femmes de Ndeer, en hommage à toutes les résistantes et à tous les combattants des causes justes d’ici et d’ailleurs, nous disons : bonne fête du 8 mars, restons debout et dignes, hier, aujourd’hui et demain !