PAR DEVOIR ET PAR AMITIÉ, (IN) CERTITUDES
EXCLUSIF SENEPLUS - Par devoir de lectrice, et par amitié féministe, je souhaite continuer à vous penser féministe - Voici donc, Ndèye Fatou, mes supputations et mes questions
De toutes les notes de lecture que j’ai eues à faire, celle-ci est de loin l’une des plus déplaisantes. Ndèye Fatou Kane et moi nous sommes connues il y a quelques quatre ou cinq années sur Facebook lorsque nous commentions un post sur… le féminisme au Sénégal. Bien que n’ayant jamais eu l’occasion de nous rencontrer, nous avons échangé quelques messages sur ledit réseau. Y compris à propos du malheur de vivre que j’ai eu grand plaisir à lire. Puis l’annonce quelques mois plus tard de la publication de « Vous avez dit féministe ?» , j’étais si impatiente de lire (enfin) un ouvrage sur le féminisme par une jeune contemporaine que j’ai tout fait pour me le procurer rapidement.
Après la constatation de la brièveté de l’ouvrage qui fait 102 pages hors bibliographie, je me suis délectée de la lecture de votre avant-propos et principalement la mise en contexte historique. Par la suite, je me réjouissais de cette promesse de l’avant-propos très alléchant: « Vous avez dit féministe ? se veut donc une modeste contribution à la cause féministe telle que je la conçois. En ma quadruple identité de Hal-Pulaar, Sénégalaise, Africaine et jeune femmes de la génération »Y ». Comment les luttes féministes portées par des femmes de par le monde, en Afrique, et enfin dans mon pays le Sénégal, ont elles eu et continuent d’avoir une incidence dans ma façon d’appréhender le monde qui m’entoure ? Est-ce que ma perception desdits événements peut être altérée par le fait que je sois une femme ? Comment déconstruire la notion de « genre » qui a quelque peu empiété sur les luttes féministes d’antan, et quelles solutions proposer ? Voilà autant de questions auxquelles j’essaie de répondre tout le long de Vous avez dit féministe ? » (13)
Je me suis rapidement laissée emporter par le brio de vos résumés des quelques ouvrages et extraits biographiques marquants des quatre auteures choisies : Simone de Beauvoir (Le Deuxième Sexe), Hawa Thiam (Parole aux Négresses), Mariama Bâ (Un chant écarlate, et Une si Longue lettre), et Chimamanda Ngozi Adichie (ses ouvrages : Autour de ton cou, L’hibiscus pourpre, et Americanah ; ainsi que ses vidéos : Le danger d’une histoire unique et Nous sommes tous des féministes). Puis au terme du chapitre au titre éponyme de six pages tant attendu de Vous avez dit féministe ? (59-65)…mon excitation s’était éteinte . Mon regard sombre s’est alors promené sur Propos sur le féminisme contemporain (67-77) par… Jean-Aimé DIBAKANA, sociologue et romancier, mais qui est-ce donc ? Pourquoi n’est-il pas co-auteur de l’ouvrage? À la fin de ma lecture de ces 10 pages que j’ai interrompu 1000 fois pour soit réfléchir, taper son nom sur Google, ou essayer de comprendre, j’avais perdu le fil…Je refermai l’ouvrage. (In)certitudes (79-102), la nouvelle qui clôturait l’ouvrage allait devoir attendre! Le lendemain, je relus encore les chapitres précédents avant de me plonger dans (in)certitudes. Puis je refermai l’ouvrage avant de me plonger dans la lecture d’un autre recueil de poésie acheté en même temps et qui me fit beaucoup de bien : « À nos humanités révoltées » de Kiyémis.
Plusieurs mois passèrent, entre la tentation du silence complice mais combien confortable et celle du devoir de réponse, par fidélité à cette cause si personnelle qu’est le féminisme qui m’ a fait vous connaître. Brimant à plusieurs reprises ma franchise spontanée, refrénant mon trop-plein d’entrain contre une nouvelle sagesse, réprimant les mots qui jouaient à saute-mouton pour forcer la barrière de mes lèvres, je préférai le silence. Je trouvai des justifications, des excuses, des opportunités de continuer à me taire : « cet ouvrage est salutaire car il permet le débat sur le féminisme parmi les jeunes générations » ; ou encore « entre féministes, il faut se soutenir ». De plus, il y avait cette note de lecture de Aminata Thior qui résumait déjà assez bien mon sentiment.
L’anglais a cette expression que j’aime car elle me porte : « in my heart of hearts » qui veut dire : « au plus profond de moi ». Au plus profond de moi donc, je savais qu’il me fallait rompre cette tyrannie qui fait que trop souvent, nous hésitons à critiquer, surtout constructivement, car la critique est confondue pour être portée sur une personne et non sur une chose. Et cette chose est ici un ouvrage qui cimente une pensée toujours insaisissable pour moi et censée être articulée dans : Vous avez dit féministe ? Voilà, à moi les incertitudes : Ndèye Fatou Kane, êtes-vous une féministe ? Si oui, de quel féminisme vous réclamez-vous qui nourrit votre « modeste contribution à la cause féministe telle que vous la concevez» dans cet ouvrage? À la fin de sa lecture, je n’ai toujours pas de réponse à ces deux questions. Cet ouvrage veut-il dire : « Vous avez dit féministe ? Mon œil ! » ou « Vous avez dit féministe ? J’en suis une ! »?
N’en sachant toujours rien, je vais vous poser la question directement là où cette conversation a commencé. Sur Twitter. Mais avant tout, ce serait vous manquer de respect que de ne pas me donner la peine de chercher moi-même la réponse dans votre ouvrage que vous vous êtes donnée la peine de produire.
Par devoir de lectrice, et par amitié féministe, je souhaite continuer à vous penser féministe. Malgré tout. Voici donc, Ndèye Fatou, mes supputations et mes questions. Basées sur vos propres mots : Vous avez dit féministe ? (59-65) et je suis tentée aussi de faire une lecture critique des Propos du sieur Dibakana, sociologue et romancier, sur le féminisme contemporain vu que son « analyse » fait quand même 10 pages (67-77) ! Au fil de la lecture de ces 6 pages dans lequel vous articulez votre pensée, j’essaie de vous expliquer Ndèye Fatou, pourquoi j’ai du mal à vous suivre et à vous situer, surtout, et partage avec vous mes questions.
Après la synthèse des quatre chapitres précédents (59-60), vous évoquez la bibliographie qui vous a servie de source (principalement les ouvrages des 4 auteures), ainsi que des liens externes vers des articles ou des vidéos consultés, et un article sur les FEMEN (dont il manque le lien dans la bibliographie) qui vous sert de prélude. Les FEMEN seraient difficilement classifiables et illustreraient par cela même à quel point « le féminisme est travesti » et « n’est pas fédérateur » ? (61) Qu’est-ce à dire ? Pourriez-vous s’il vous plaît préciser votre pensée ?
Puis vous retournez à la raison qui a motivé la rédaction de cet ouvrage : « Une discussion un peu houleuse, un trop-plein d’arguments et une voix grimpant dans les aigus, et on est une féministe ! Dans une époque où compartimenter les individus est une activité fort en vogue, j’ai l’impression que nous assistons à un duel Féministes VS Le reste du monde. » (61) Trouvez-vous péjoratif de vous faire traiter de féministe ? Etes-vous féministe Ndèye Fatou Kane?
Puis vous faites un détour au verset 1 sourate IV intitulée An-Nisa (les femmes) du Coran : « Entendons-nous bien : loin de moi l’idée de me mettre dans une logique de prôner l’égalité homme/femme de manière utopique et de la réclamer à hue et à dia. Mais ne pourrions-nous pas réfléchir à partir de la notion d’individus avant toute chose ? (61) ou encore : « Beaucoup de femmes, qu’elles aient mon âge ou pas, se réclament féministes à tort et à travers. Le débat est faussé à mon sens, car se dire féministe, équivaut à renforcer encore plus la stigmatisation du genre féminin »(62). Donc il ne faudrait plus se réclamer féministe ? Juste se réclamer un individu ? Et renier sa liberté à qui le souhaite de se réclamer féministe en se faisant tribunal du féminisme ?
« Il faudrait s’atteler à une entreprise de déconstruction, en abandonnant toute forme d’affaiblissement. Soyons des femmes, conscientes de notre féminité mais refusons que l’on nous réduisent à cette seule identité. Soyons avant toute chose des individus… » (62) Est-ce cela le changement de paradigme que vous proposez Ndèye Fatou ?
« Beaucoup d’ONG ont instauré une série de programmes axés autour du woman empowerment sous couverts de la thématique du genre,ceci afin de permettre aux femmes d ‘être plus «fortes» en substance. Le débat est faussé selon moi, car il ne faut pas que nous nous placions sur un ring prêtes à en découdre avec les hommes. » (63) Mais que voulez-vous dire ? « Genre », Ndèye Fatou, n’est pas synonyme de « femmes ». De la même manière trouveriez-vous, si vous le souhaitez, des programmes qui s’adressent à promouvoir davantage l’inclusion des hommes, ou des communautés toutes entières, qui sont labellisés sous l’étiquette « genre » je pense qu’il s’agit là d’un détail. De plus, le genre est une notion qui a été contestée et continue de l’être par beaucoup de féministes africaines déjà car ce ne serait pas le principe organisateur de toutes les sociétés.
Après avoir évoqué les années 70-80, vous demandez « Aujourd’hui plus que jamais, qu’a-t-on fait du combat mené par la première vague de féministes sénégalaises ? Quel héritage nous ont-elles laissé ? (…) Il me semble important de nous appuyer sur le parcours de ces femmes de valeur pour prendre nos marque dans la société. » (64) D’accord, cet ouvrage que vous venez d’écrire est important en ce qu’il contribue à mettre en lumière de travail de quatre féministe, mais ce serait bien de citer aussi ces féministes africaines de la 2e , 3e et 4e vague, il y a eu continuité. Donc il faut résumer leur action, à défaut de les détailler. Mais heureusement, nous n’avons pas besoin d’inventer la roue, leur travail a déjà été résumé par ailleurs (comme dans le magazine AWA qui est digitalisé ici ou le site d’African Feminist Forum, à défaut de lire la prolifique production littéraire ou académique sur le sujet ), et nous devons faire l’effort de citer ce travail dans nos références bibliographiques. Par exemple, Mouvements sociaux de femmes de feue Ndèye Sokhna Guèye disponible gratuitement sur le site du CODESRIA : https://www.codesria.org/spip.php?article2397&lang=en ou le féminisme de Fatou Sow par exemple)
« De plus en plus de femmes de ma génération ont fait des études, parcourent le monde et s’intéressent à quantité de sujets ; en somme s’accomplissent personnellement. Donc il nous faut changer de paradigme et sortir de tous ces procédés affaiblissants pour les femmes. » D’accord : Comment ? Que proposez-vous ?
« De plus, j’ai remarqué un désintéressement en ce qui concerne les luttes des femmes. Il est vrai qu’il y a une poignée de femmes de ma génération portant les combats de nos aînées, mais force est de reconnaître que ceux-ci ne sont plus une priorité…une continuité aurait dû être établie, de sorte qu’à l’heure actuelle, l’on s’approprie les luttes de nos illustres aînées, de sorte que jamais, au plus grand jamais, la flamme du féminisme ne s’éteigne ! » (64-65) Mais il y a eu continuité ! Et le passage du flambeau ne se fera pas de gaieté de cœur ou de manière incantatoire sur les réseaux sociaux (seulement), il faut arracher et s’approprier notre part de ce combat, activement (The revolution won’t be televised !).
« L’inclusion des hommes à qui le négativisme entourant le terme féminisme est à imputer. » D’accord pour l’inclusion des hommes, mais le souhaitent-ils tous? Que se proposent-ils d’apporter en tant qu’alliés? Je trouve le terme d’”inclusion” galvaudé car qui le souhaite (homme ou femme) trouvera le moyen d’être utile à une cause. Pas parce qu’un carton d’invitation lui est envoyé pour venir à la table, mais parce que l’ultime objectif du féminisme n’est pas la seule cause féminine, car il est juste utopique de vouloir remplacer une oppression par une autre. La finalité est que toutes les personnes “opprimées” ou “discriminées” en société du fait qu’elles soient nées hommes, ou femmes, qui se réclament comme tels, ou autre, cesse de subir une discrimination basée sur cette identité socialement assignée ou personnellement revendiquée.
« Les enjeux du XXIe siècle autour du féminisme devraient tourner autour d’un changement de paradigme, de façon à ce que chaque fois que le vocable féminisme est prononcé, l’on ne détourne pas la tête… Tel devrait être notre combat, nous jeunes femmes de la génération Y ! » (65) D’accord, encore une fois, comment ? Que préconisez-vous ?
« Tout est question de contexte » je suis d’accord avec ces propos de votre mère, qui font écho aux propos de la mienne et c’est sur cette base que je me permets de ne pas être d’accord avec le sieur Dibakana. Car si l’on suit son raisonnement : « parce que tout est question de contexte », nous africaines, ne méritons pas le féminisme (qu’il définit comme anti-africain) à moins qu’il ne s’agisse parfois du contraire : le féminisme ne nous mériterait pas car nous n’avons pas de problème « de genre » dans nos sociétés.
67-77 : Propos sur le féminisme contemporain : Jean-Aimé DIBAKANA, sociologue et romancier.
Que l’article de Dibakana basé sur idées reçues, accusations sexistes gratuites et clichés figure dans un ouvrage qui traite de la pensée de quatre féministes soulève des questions sur votre motivation. L’article de Dibakana, comme le vôtre choisit de commencer sélectivement par un cliché et un extrême : les FEMEN. Pourquoi choisir de diaboliser le féminisme ? Cet article dès son propos liminaire résout la question à laquelle elle prétend répondre : « Pourtant né au XVIIIe siècle, le féminisme en tant que discours sur les rapports sociaux de sexe en faveur de celui dit « faible » interroge encore sur la structuration et le fonctionnement de nos sociétés. Et ses récentes formes d’expression, telle citée plus haut, sont le signe que les objectifs qu’il s’assigne sont loin d’être atteints, quel que soit le lieu de la planète où l’on se trouve. Dès lors, l’on peut se poser quelques questions : le féminisme sert-il (encore) à quelque chose ? (MAIS OUI monsieur, vu que comme vous le dites dans la phrase précédente, ses objectifs sont loin d’être atteints !) Les valeurs qu’il défend sont-elles universelles ? Aujourd’hui, ses discours ne desservent-ils pas (parfois) les femmes ? » (68)
Pareil dans la section : le féminisme sert-il (encore) à quelque chose ? vous évoquez les droits acquis par les femmes sans pouvoir totalement en jouir ainsi que l’apparition de nouvelles questions sociales… qui vous’amènent à la conclusion p.70 qu’« il semble néanmoins clair que le féminisme en tant que doctrine préconisant l’expression des droits et du rôle des femmes dans la société reste nécessaire ». Mais cela, monsieur vous y avez déjà répondu, donc exercice de style (raté) ?
p.71 Les valeurs qu’il défend sont-elles universelles ?
Cette partie constitue à mon avis, la plus grande insulte aux féministes non-occidentales qui étaient féministes bien avant l’apparition du terme « féminisme » car vous leur reniez par votre complexe d’infériorité puant, le droit et le choix de se revendiquer comme telles parce que soi-disant trop sous-développées (y compris intellectuellement) pour être à même d’articuler une pensée féministe. Vous leur refusez, à ces femmes, et aux alliés qui ont soutenu ce combat en Afrique ou en Asie, leur part d’histoire, leur legs et leur futur. Vous insultez les générations de féministes africaines, musulmanes ou laïques, ou autres qui m’ont inspirée à en être une. Selon vous, « bien qu’ayant également puisé à d’autres sources, le discours féministe est sans conteste un discours européanocentré » ou encore « Concernant leur terrain de revendication, les valeurs féministes ne peuvent s’exprimer que sur des terrains où règne la démocratie, que dans des espaces qui autorisent la liberté de penser et d’agir. On peut difficilement imaginer des femmes s’organisant pour revendiquer des droits à la façon de leurs consœurs européennes en Chine, ou en Corée du Nord par exemple. De la même façon, le féminisme (forcément aussi « activiste », « militant ») suppose une certaine autonomie que permettent notamment des moyens matériels, financiers et bien sûr intellectuels. Est-il possible pour des femmes sans emploi, sans qualification, à la charge totale des hommes de se revendiquer des idées féministes ? C’est le cas de beaucoup de femmes à travers le monde, notamment en Afrique et en Asie. (71)»
De plus, vous postulez que les valeurs féministes véhiculent des valeurs purement européennes sinon occidentales (qu’est-ce que cela veut dire ?), donc incompatibles avec les valeurs de certaines cultures. Par exemple, vous citez le droit à l’avortement, ou le droit de refuser d’être mère qui sont des idées rattachées aux premières vagues de féminisme de la génération de De Beauvoir, (mais aussi par certaines féministes contemporaines), qui a théorisé ses idées dans le contexte d’avant-guerre français dans lequel carrière professionnelle et famille étaient difficilement conciliables. De Beauvoir pouvait-elle de son temps penser qu’il serait possible à Ségolène Royal, mère de quatre enfants de se présenter aux présidentielles ? Pouvait-elle imaginer que quelque années plus tard, le journal AWA parlerait à d’autres femmes, africaines, du sens des responsabilités en milieu professionnel après qu’elles se soient battues pour avoir accès à un emploi salarié ? en 1972(26), Kampoti, la femme sans homme en 1964 (9) ou du choix du mari). Monsieur Dibakana, en sortant ces arguments obsolètes, vous voulez refuser aux femmes comme moi le droit de me revendiquer féministe et d’avoir un ou des enfants parce que je le souhaite. Mais de toute façon, nous n’avons pas attendu des réactionnaires comme vous pour trouver des voies pour concilier nos convictions profondes (idéologiques, religieuses , ou autres) et nos ambitions professionnelles et familiales (pour celles qui en ont). De la même manière (et vous serez étonné, il se trouve des femmes africaines aujourd’hui qui ne souhaitent pas être mères, qui revendiquent le droit de disposer de leur corps et qui ne le seront pas, ne vous en déplaise !). Donc gardez pour vous vos considérations infondées sur le « droit au travail salarié qui n’existe pas « en zone rurale africaine » (72), vos considérations sur le droit à l’éducation scolaire (73) ou au risque des femmes (même non-féministes) qui souhaitent la répartition équitable des tâches de ne pas trouver d’époux (73). Votre discours est englobant et dangereux, c’est le type même « d’histoire unique » contre lequel Chimamanda Adichie met en garde (du moins la Chimamanda d’avant la polémique sur la transsexualité).
« Si lutter pour l’extension du droit des femmes est une démarche louable parce qu’humaniste tout simplement, les moyens et les théories mis en œuvres restent discutables. Déjà, appuyer cette lutte sur l’ambition de gommer les différences « naturelles » entre les hommes et les femmes, de soutenir que les hommes et les femmes sont identiques, est-elle judicieuse ? (74) Mais de quel féminisme parlez-vous ? Comme vous le reconnaissez (enfin) en page 75 : il y a différents courants au sein du féminisme, et au sein d’un même courant, différentes théories, par conséquent, en faisant fi de ce facteur depuis le début de votre analyse car cela risquait de desservir votre analyse pour brusquement vous en rappeler à la presque-clôture de votre propos, vous faîtes preuve d’une malhonnêteté intellectuelle flagrante.
Vos propos tels « l’avortement et la contraception ont libéré l’homme et non la femme, ils fragilisent le mariage ou le couple car il sécurise les relations sexuelles extra-conjugales » (76) ou « De même, encourager les femmes à l’ambition de la réussite professionnelle au détriment de leur rôle de mère, n’est-ce pas participer au renforcement de cette course effrénée vers le profit, vers l’intérêt personnel, n’est-ce pas encourager à cette « machinisation » du monde tant décriée à laquelle pousse le capitalisme ambiant ? D’ailleurs, l’on peut aisément imaginer qui, au sein de la famille, en paie le prix fort : les enfants qui n’ont alors aucun des deux parents suffisamment présent pour eux. » (77) sont regrettables et empreints d’une accusation ignominieuse à peine voilée contre la femme coupable d’aspirer à une identité autre que celles d’épouse et de mère.
Enfin, vous tombez plus bas en remettant en cause le bien-fondé du lien entre le féminisme et d’autres causes autres que celles clairement identifiées comme étant celles liées aux femmes (l’écologie par exemple) et questionner l’utilité du féminisme. Pour ma part, en tant que féministe (ne vous en déplaise, je me revendique une conscience politique et me reconnais de la lignée d’autres féministes), j’ai choisi d’allaiter mon enfant pendant 15 mois car cela était ma préférence pour elle, et me permettait de limiter son exposition aux produits chimiques dans les premiers mois de sa vie tout en étant mobile avec elle. Donc oui, j’ai des sensibilités écologiques car je me soucie de cette planète que nous avons en partage, et politiques y compris en tant que féministe panafricaine car je reconnais le travail réalisé par d’autres hommes et femmes africains ou de la diaspora pour que je puisse jouir des droits dont je jouis aujourd’hui.
Nous ne nous tairons pas Dibakana ! Et vous ne nous ferez pas taire !
Puis (in)certitudes ! À la fin de la lecture de cette nouvelle, j’avais des sentiments partagés. Je prends le parti de reposer mon vieux cœur en me rappelant vos propos page 79 : ce n’est que pure fiction.
Merci de nous avoir offert l’opportunité, à moi et à d’autres, de discuter de féminisme en terre africaine du Sénégal, et bien plus encore. Et comme vous l’auguriez dans votre prélude, oui, votre livre n’échappe pas à la polémique. J’attends avec impatience de lire votre réponse (si vous la jugez nécessaire).