PAS DE CHANCE MADAME LE PREMIER MINISTRE
Hadjibou Soumaré, "nouvel arrivé sur la scène politique" comme le dit Mimi Touré, n'est pas n'importe qui - Il va falloir plus que des persiflages pour répondre à ses arguments qui ne doivent rien à l'émotion
La Une du quotidien l'Observateur de ce 02/11/2018 voulait faire la part belle à madame Aminata Touré, ancien Premier ministre du Sénégal et envoyée spéciale de monsieur le président de la Republique. Le titre de l'édition du jour est sans appel :« Mimi sort la grosse artillerie».
Puis il s'en suit deux sous-titres sensés sonner la charge. Et d'abord : « c'est regrettable que la diffusion de fausses nouvelles soit devenue une stratégie...» et ensuite: « l'opposition a essayé depuis 7 ans, de créer, en vain une tension qui pourrait lui être favorable électoralement.» selon madame Aminata Touré
Malheureusement, et juste en dessous de cette titraille guerrière, un autre titre annonce : «LE FMI SONNE L'ALERTE»... Et lorsque l'on se reporte en page 5, on est stupéfait de constater que les déclarations de monsieur Michel Lazare, qui vient de conduire une mission du Fonds Monétaire International dans notre pays, recoupent totalement les propos du président Cheikh Hajibou Soumare, relatives aux difficultés de trésorerie de l'État qui sont sur le point d'asphyxier notre économie. Ces propos auxquels a tenté de répondre Madame Aminata Touré sont confirmés par le FMI, mot pour mot.
Monsieur Lazare nous dit : « les pressions se sont accumulées rapidement dans le secteur budgétaire au cours de ces derniers mois. Il est maintenant prévu que les recettes seront inférieures de 0,9% du PIB à l'objectif fixé pour décembre 2018. Le Sénégal doit faire des efforts au cours des deux derniers mois de l'année pour être en phase avec ses prévisions budgétaires, compte tenu d'une baisse des recettes de 115 milliards...»
Plus loin, monsieur Lazare nous apprend que « le financement élevé de la Poste par le Trésor a contribué à une situation budgétaire difficile. Cela à conduit à une accumulation d'obligations non remplies envers le secteur de l'énergie et des impayés vis à vis de fournisseurs et autres opérateurs économiques.»
Ces points, soulevés par le chef de mission du FMI, sont la substance de l'alerte lancée par le Président Hajibou Soumare. Quelqu'un à qui on apprendra certainement pas à lire entre les lignes d'un rapport des Institutions financières internationales.
Au demeurant, plusieurs journaux du 02 novembre titrent sur les résultats de la mission du FMI : «Le FMI décèle un trou de 100 milliards, Walf Quotidien»; « Tension budgétaire, l'alerte du FMI, le Quotidien» etc.
On pourrait s'imaginer que les journaux se seraient ligués pour casser l'effet de l'entretien de Madame Aminata Touré. Que non! La réalité est que les finances du pays vont mal et qu'il serait temps d'en parler sérieusement. Exercer le pouvoir convoque une notion de responsabilité et de respect des adversaires politiques. Les leçons de patriotisme doivent être réservées à d'autres, qu'à des personnalités dont le parcours au service de la République ne souffre d'aucune ambiguïté. Le Président Soumare a le sens de l'économie de sa parole. Mais lorsqu'il choisit de s'exprimer, il le fait en prenant la pleine mesure du sujet mais aussi de l'opportunité de l'évoquer. En vérité, il nous rappelle que, quand on va au delà des chiffres donnés par un cadrage budgétaire sérieux pour satisfaire, vaille que vaille, des dépenses pour financer la surenchère politique, on finit par être rattrapé par la dure vérité des chiffres. Il ne me surprendrait pas, le connaissant, que des entorses plus graves à l'orthodoxie budgétaire aient pu être relevées et tues par le Président Hajibou Soumare. Au nom de son sens élevé de l'État et de la pleine conscience de ses responsabilités, présentes et à venir.
Le « nouveau arrivé sur la scène politique...» comme le dit Mimi Touré n'est pas n'importe qui. Il va falloir plus que des persiflages pour répondre à ses arguments qui ne doivent rien à l'émotion.
Il s'ajoute à ce contexte, plutôt morose, la diffusion du classement du Top ten du Doing Business 2019. Le Sénégal se classe à la 141 unième place au niveau mondial et à la 21 unième place au niveau africain... On comprend pourquoi ces résultats n'ont fait l'objet d'aucune publicité de la part du Gouvernement si prompt à évoquer des satisfecits extérieurs...
Cela étant dit, je salue l'engagement de madame Aminata Touré qui court sur tous les fronts pour tenter d'éteindre les feux, multiples et variés, qui se déclarent. On a le sentiment qu'elle est bien seule. D'autant plus que le président de la République a demandé aux insulteurs de se taire, l'offre de riposte s'en trouve encore plus réduite.
Pas de chance ! madame le Premier Ministre, défendre l'indéfendable est une mission impossible.