ON PEUT BIEN SAUVER L’ANNEE ACADEMIQUE
« Apprendre à vivre avec le virus » avait tout réglé. Il nécessite seulement des mesures d’accompagnement mais pas des exigences de contingentement inéluctables. Et c’est cela qui a entrainé le fiasco de la reprise
Plus de trois mois sont écoulés à cause d’une pandémie ayant entrainé la fermeture des institutions scolaires. Au Sénégal, leur réouverture est soumise à un certain nombre de conditions à réunir et un dispositif de reprise efficace. C’est à cette problématique que cette réflexion tente d’apporter une réponse. Elle est articulée autour de trois points : le discours qui porte la pandémie ; les attentes de l’école et le dispositif de reprise et de gestion post- covid19.
Le discours qui porte la pandémie
L’apparition du coronavirus en chine a provoqué de vives réactions dans le monde. Trois types discours portent la gestion de la maladie : le discours médical, le discours économique et le discours social. Le discours médical, à travers les spécialistes de l’organisation mondiale de la santé (OMS), déclare la découverte d’une maladie mortelle à transmission rapide avec une possibilité de décimer une pan de la population entière en un temps record. Après quelques semaines de réflexion, elle est déclarée une pandémique. Le protocole de soins curatifs des patients révèle un pourcentage important (80%) de guérisons et révèle en même temps que la tranche d’âge de plus de 50 ans est celle qui décède. Le discours médical fonde les mesures préventives ou barrières (confinement, masque, gèles alcooliques etc.). Mais il faut admettre que ces mesures sont aléatoires, car le mode de transmission reste encore réellement inconnu. Depuis la parution de la maladie les scientifiques travaillent d’arrache-pied pour trouver le remède, le mode transmission et le vaccin. Aujourd’hui aucune de ces trois volontés n’a encore été objectivement réalisée après plus de trois mois. Mieux l’OMS tergiverse dans ses appréciations de la maladie, avec des approches instables qui fracturent l’organisation, aussi bien dans sa crédibilité que dans sa composition et à travers ses spécialistes. Les scientifiques se déchirent jusque même dans les états pour admettre un protocole curatif. Le professeur Raoult de Marseille reste le Galilée de l’hydrochlorique comme mode de soin. Plus loin, un protocole malgache vient jeter de la poudre aux yeux. Brefs rien n’est stable, tout est flou et à suivre. Par conséquent le discours économique prend le dessus et exige la libération sans conditions du secteur productif pour ne pas entrainer une crise plus sévère que le covid19. Il ne peut avoir de résilience contre une récession économique profonde. Or, le monde n’est pas préparé à cette crise. Une seule constante caractérise le discours économique, c’est que les activités doivent reprendre. Du coup, la société se demande à quel saint se vouer, à qui croire ? Les économistes ou les médicaux. A personne finalement. Car entre les deux discours se cache une nébuleuse qui a fini par les discréditer.
Derrière cette crise, soupçonnent les penseurs, se cache la main invisible des firmes pharmaceutiques, des bailleurs de fonds et un projet de guerre froide à base bactériologique. Les penseurs accusent X et dans les réseaux sociaux rament à contrecourant de toute la hiérarchie mondiale en charge de la gestion du covid19. On se résout à une théorie de complot. Les économistes mentent, les organismes mentent, les états mentent, les scientifiques mentent et la planète sombre de jour en jour. Les populations s’autorégulent et rejettent en bloc les décisions honteuses des décideurs. Le discours social reste une opinion sans pertinence, mais il s’est imposé aux populations du fait de la malhonnêteté qui caractérise la gestion de la crise au niveau micro, méso et macro.
Les attentes des acteurs de l’éducation
Au Sénégal les acteurs de l’éducation ont suivi avec respect les recommandations des autorités sanitaires et celles du gouvernement. Sans baisser les bras, ils ont fait preuve d’une multitude de propositions pour une gestion conséquente du système éducatif. « Apprendre à la maison » est né de ces propositions. Même si le dispositif n’est pas efficace, il demeure pertinent en cela qu’il a permis de prendre conscience de la nécessité d’user désormais des tic dans le domaine de l’éducation et de la formation. Evidement l’enseignement à distance est un choix et au même titre que l’enseignement en présentiel, il repose sur des approches scientifiques. Dans un pays comme le Sénégal pour qu’il soit efficace et apte à substituer le présentiel, il faut au minimum vingt-cinq chaines d’une télévision qui fonctionnent simultanément dans la journée, ce qui n’est pas le cas. Autre faiblesse, il s’agit d’un réseau de connexion internet non général sur toute l’étendue du territoire. Or les apprenants sont localisés sur trois sites : la ville, le village et la compagne, ce dernier ayant ici un sens. Les deux premiers peuvent avoir des commodités et mais la compagne est totalement out en électricité et en connexion. Bref, avec cette offre, les acteurs ont continué à suivre l’évolution de la maladie jusqu’au moment où il est constaté le tâtonnement et l’imprécision flagrants des décideurs. La hiérarchie se résout qu’il faut « apprendre à vivre avec le virus » étant entendu que les attentes – un protocole préventif, un protocole curatif et l’attente d’un vaccin – sont encore lointaines. Pour les acteurs de l’éducation, il s’agit maintenant de proposer un dispositif pertinent pour sauver l’année académique, adossé à un dispositif médical préventif pour une reprise réussie.
Cette dernière exigence a paradoxalement tout foiré. « Apprendre à vivre avec le virus » avait tout réglé. Il nécessite seulement des mesures d’accompagnement mais pas des exigences de contingentement inéluctables. Et c’est cela qui a entrainé le fiasco de la reprise, car tout le monde savait que les conditions telles qu’elles sont portées dans le discours des autorités éducatives (de façon sine quoi non) étaient irréalisables.
Pour un dispositif de reprise et de gestion post-covid19
D’emblée voyons à quoi ressemble une année blanche ou une année invalide. d’une manière générale, les deux se valent, mais elles se diffèrent dans les conséquences. une année est blanche lorsque tous les enseignements et activités académiques sont entièrement ou partiellement invalidés. C’est-à-dire tout le monde reprend sans répercussion sur le cycle et sans être redoublant. Par contre dans une année invalide, les passants redoublent leur année et ceux qui sont en position de cartouche sont exclus. L’inconvénient est que l’année blanche est décomptée pendant les candidatures aux offres ponctuées par une limitation d’âge. Bref dans les circonstances actuelles où des solutions sont recherchées pour sauver l’année et pour accompagner les autorités, chacun peut apporter une réflexion. Une année d’études suppose un programme planifié, un quantum horaire et des personnels.
Dans le déroulé, les chapitres premiers relèvent de la révision, les seconds de la découverte et les derniers de la consolidation. en taxonomie, c’est connaitre, apprendre, appliquer. Pour les classes d’examen, analyser, synthétiser et évaluer relèvent généralement de la consolidation. Les quantums horaires varient entre 1400, 1200 heures et 900 heures pour la plupart des pays avec un découpage semestriel. Au premier semestre, les 2/3 du programme sont supposés réalisés.
Bref, dans une crise académique nationale, si les facteurs sont endogènes, les solutions sont endogènes et peuvent être à portée de main. Dans une situation de crise internationale, les causes sont exogènes et les solutions difficilement accessibles. Dans tous les deux cas de figures, il suppose de prendre des mesures pour mettre un terme à la crise. Pour le premier cas, il s’agit de solutions à prendre (conjoncturelles ou durables). Mais pour le second, il s’agit de prendre des décisions. Prendre des solutions suppose que les moyens sont accessibles et sont disponibles, prendre une décision suppose qu’on doit avancer même si les moyens ne sont pas disponibles. L’un comme l’autre comporte des avantages et des inconvénients, mais c’est une fermeté qui les parachève et les donne du crédit. Dans la situation actuelle de l’éducation, il s’agit de prendre une décision qui va engager les ordres d’enseignement et de formation de manière catégorielle. S’agissant des cRFpe (élèves-maitres) et de la Fastef (élèves-professeurs, élèves-inspecteurs), rien ne justifie qu’ils soient logés actuellement dans la même enseigne que les élèves du cycle fondamental. ils doivent reprendre les formations et sans délai. Aujourd’hui la reprise de la formation pour cette catégorie est essentielle et ne peut souffrir d’une contradiction. Et ceci est valable pour toutes les écoles de formation par voie de concours. Les élèves concernés et leurs formateurs sont aptes à respecter les gestes barrières, s’il ne s’agissait que de ça d’ailleurs. S’agissant des élèves du cycle fondamental, il est plus efficace de reprendre à partir du 15 septembre pour faire taire toutes les contradictions et aussi pour une reprise généralisée sans discrimination ; de consacrer les trois mois de septembre, octobre, novembre au complément du quantum horaire et de faire les examens tout le mois de décembre en simultanéité avec les différentes ventilations. Que faire maintenant d’ici septembre ? Les services techniques se consacrent à l’élaboration et à la conception des modalités pratiques de reprise, des examens et des ventilations.
Pour toutes les classes d’examens, la déclaration des résultats va en pair avec la connaissance de son établissement d’accueil. Par exemple, je suis admis au BFEM, je connais immédiatement mon lycée d’accueil en seconde, parce que c’est déjà préparé. La gestion post-covid19 exige la consolidation de l’utilisation des tics dans les enseignements apprentissages et de tous les dispositifs établis pour la formation à distance. Il s’y ajoute la capitalisation des inventions et des découvertes réalisées çà et là par les autorités éducatives avec un accompagnement sans délais des auteurs pour le développement des concepts. Par ailleurs, il serait important de veiller à la gestion continue du matériel et des équipements acquis au sein des écoles pour ne pas les voir vendus dans le marché noir. Des mesures devront être prises et avec des responsabilités assignées.
Dr. Alioune Badara Ndior est formateur au CRFPE de dakar et à l’Ucad