POUR DES SYSTÈMES DE SANTÉ PLUS PERFORMANTS EN AFRIQUE DE L’OUEST
Des failles importantes ont été identifiées lors du travail de recherche effectué par le Think tank citoyen pour l’Afrique de l’Ouest – WATHI, mais également par les nombreux experts en santé publique de la région à qui nous avons donné la parole
Lettre ouverte du Think Tank citoyen pour l’Afrique de l’Ouest WATHI aux chefs d’État des pays membres de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) Pour des systèmes de santé plus performants en Afrique de l’Ouest
Messieurs les chefs d’État,
Il y a plus de 20 ans, en avril 2001, les chefs d’État de l’Union africaine, y compris tous les chefs d’État des pays membres de la CEDEAO, réunis en sommet à Abuja, se sont engagés à accorder plus de ressources au secteur de la santé. Ils déclaraient alors être prêts à « prendre toutes les mesures requises pour assurer que les ressources nécessaires seront mises à disposition, en provenance de toutes les sources possibles et qu’elles seront utilisées de manière efficace ». En outre, ils se sont engagés à « fixer un objectif d’au moins 15% des budgets annuels dédiés à l’amélioration des systèmes de santé ».
Cet engagement reste malheureusement théorique car selon les statistiques les plus récentes sur les dépenses en santé des pays de la région, aucun des pays de la CEDEAO n’a atteint cette part de 15% du budget national allouée au système de santé bien que des efforts remarquables aient été fournis dans certains pays.
Les Nations unies ont consacré le troisième objectif de développement durable à la question de la santé afin d’assurer la santé et le bien-être de tous, d’améliorer la santé procréative, maternelle et infantile, de réduire les principales maladies transmissibles, non transmissibles, environnementales et mentales. Cela démontre l’importance que le concert des nations accorde à cette question de la santé et des systèmes de santé.
La pandémie de la Covid-19 a mis en évidence les faiblesses des systèmes sanitaires de la région, notamment le manque de lits en service de réanimation, d’oxygène, d’équipements de protection individuelle, de personnel médical, d’ambulances ou encore de recherche et production de vaccin. C’est sans doute sur la base de toutes ces faiblesses identifiées et mises en évidence par la pandémie que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a plus d’une fois tiré la sonnette d’alarme sur l’impact de la crise sanitaire en Afrique, prévoyant ainsi des millions de décès liés à la Covid-19 en Afrique.
Par un improbable concours de circonstances, cet impact a été moins important qu’anticipé par l’OMS mais cela ne devrait pas vous empêcher d’accorder plus d’attention, plus de moyens financiers et humains au secteur de la santé dans vos pays respectifs. Bien au contraire, cette pandémie doit être considérée comme une opportunité pour repenser les systèmes de santé, les rendre plus performants et plus forts, capables de résister aux chocs, aux crises sanitaires et capables tout simplement de couvrir les besoins des populations ouest-africaines en matière de services de santé préventifs et curatifs.
Messieurs les chefs d’État,
Durant la pandémie de Covid-19, vous n’avez eu de cesse de rappeler l’importance que vous accordez au secteur de la santé. Afin d’atteindre cet objectif des systèmes de santé forts que vous ambitionnez et dont les populations ont réellement besoin, il est impératif que les mesures idoines soient adoptées et appliquées sur le long terme.
Au vu de cet engagement renouvelé à maintes reprises en faveur des questions liées à la santé publique, nous sommes certains que cette lettre ouverte retiendra toute votre attention car proposant des solutions visant à améliorer le fonctionnement des systèmes de santé en Afrique de l’Ouest. En effet, des failles importantes ont été identifiées lors du travail de recherche effectué par le Think tank citoyen pour l’Afrique de l’Ouest – WATHI, mais également par les nombreux experts en santé publique de la région à qui nous avons donné la parole lors d’entretiens ou de tables rondes virtuelles.
Ces travaux ont conduit à un rapport que nous appelons Mataki intitulé « Comment améliorer le fonctionnement des systèmes de santé au bénéfice des populations ? ». Il fait un état des lieux des systèmes de santé de la région et met l’accent sur cinq grands domaines d’action :
- Mettre en place une politique préventive de lutte contre les maladies au cœur du système de santé ;
- Assurer la formation de ressources humaines suffisantes dans le domaine de la santé, y compris la santé mentale, leur affectation équitable sur les territoires nationaux et leur encadrement effectif ;
- Mieux financer les systèmes de santé pour promouvoir l’accessibilité́ aux soins et aux médicaments ;
- Améliorer le fonctionnement au quotidien de tous les établissements délivrant des services de santé ;
- Renforcer les systèmes de santé nationaux par le développement de la recherche, la mutualisation des ressources au niveau régional et l’institutionnalisation d’un débat public sur les politiques nationales de santé.
Messieurs les chefs d’État,
Toutes ces recommandations sont essentielles en vue de renforcer le fonctionnement des systèmes sanitaires ouest-africains.
Nous attirons cependant votre attention sur la première recommandation qui met l’accent sur la nécessité de lier santé et éducation dans le cadre de la prévention des maladies et des accidents et la troisième recommandation liée au financement, car une politique de financement durable et pérenne est le socle d’un système sanitaire performant.
Il est également urgent de mettre en place des systèmes de suivi de l’efficacité des dépenses publiques de santé qui assurent que les ressources prévues pour les programmes de gratuité mis en place arrivent effectivement au niveau des structures de santé et bénéficient réellement aux couches les plus vulnérables de la population.
Nous vous appelons, à traduire votre engagement envers le secteur de la santé en actions concrètes, notamment en augmentant considérablement la part du budget de vos États consacrée aux dépenses en santé publique afin de se rapprocher au maximum et le plus rapidement possible de l’objectif de 15% du budget national alloué à la santé publique pour chaque pays de la région.
Nous vous invitons également à mettre en place des réformes organisationnelles et la responsabilisation à tous les niveaux, des ministères de la santé aux directeurs d’hôpitaux et de centres de santé pour améliorer significativement la prise en charge des patients et l’image, souvent négative, des prestataires publics de santé.
En vous remerciant par avance de la prise en considération de nos recommandations, nous vous prions d’agréer, messieurs les chefs d’État, l’expression de notre haute considération.