PS, L'ESCALADE !
Depuis 2000, les revers électoraux se succèdent. Le PS s'effrite. La maison socialiste s'écroule et se dépare à l'image de son siège de Colobane, triste comme un jour sans pain

"S'il ne se restera qu'un à la Maison du PS, ce sera OTD. Le parti, c'est le patrimoine que Diouf lui a légué. Il le gardera comme un précieux bijou de famille. Peu importe ce que deviendra le PS. Après lui, le déluge ?"
Aujourd'hui, il est plus facile d'imaginer ce que le PS ne sera plus, que ce qu'il sera. Le legs de Senghor ne sera plus ce grand parti solidement implanté dans tous les hameaux du Sénégal, uni derrière des leaders charismatiques, férus d'expérience politique, imbus de culture administrative, repu de grands fonctionnaires, pour la plus part, sobres dans leur gestion. Ce PS est désormais dans les placards de l'histoire. Certes, il a lui manqué toute la rationalité économique pour mettre le Sénégal sur l'orbite du décollage économique. Il lui a fait défaut cette lucidité politique, pour créer les conditions d'une démocrate d'alternance et non un régime de libertés formelles, où tout fut permis, sauf de changer la superstructure politique.
Mais à quoi devaient servir la démocratie plurielle, la liberté de presse, la liberté syndicale, la liberté d'expression et d'association, si des scores brejnéviens ponctuent des élections truquées, des urnes bourrées, une justice aux ordres, la presse publique prédominante dans un système institutionnel d'information de type globalement autoritaire. Une sorte de parodie de démocratie, plus proche du régime autoritaire que d'une démocratie représentative.
Ce PS avait doté le Sénégal d'une diplomatie respectée et de diplomates respectables. De cadres de bonne facture qui peuplent encore les organisations internationales et les organisations sportives supranationales. Quid du Club Nation et Développement, cercle de qualité l'échelle nationale et de renommée mondiale, où le "Compromis historique" de Gramsci tropicalisé par Doudou Sine, rivalisait d'avec la Participation Responsable de Bara Diouf et le Renouveau syndical de Madia Diop.
Quid du leadership féminin incarné par Caroline Diop, Maïmouna Kane, Arame Diène et autres figures féminines emblématiques ! Une bonne école et des intellectuels de qualité. D'une école de médecine dite l'Ecole de Dakar parmi les plus titrées d'Afrique. Et en somme d'une planification économique de gros calibre, malgré l'indigence en ressources minières et pétrolières qui aurait dû donner à son industrie transformative, un remarquable essor. D'une université rayonnante de valeurs, sève nourricière d'une intelligentsia courue de standard international.
Et pour tout clore, une certaine élégance et une tenue sociétale appréciées partout dans le monde. Seule ombre au tableau, la Casamance, dont il a n'a pas vu venir le conflit désastreux avec des prolongements protéiformes sont encore prégnants. L'ajustement structurelle, des années 70 et 80, la dévaluation du franc CFA des années 90, ont précipité les régimes PS dans la torpeur et la langue de bois, plutôt que de susciter les changements de paradigme dans le mode de gestion patrimoniale, bureaucratique et inefficiente.
Le redressement salutaire à la valeur d'une vision rationnelle des politiques publiques plus congruentes et plus intégrées pointe à l'horizon avec l'arrivée de Mamadou Lamine Loum. Mais la demande sociale était trop forte, trop impatiente, pour attendre les fruits et les usufruits de la rationalité économique du brillant Premier ministre. Un cautère sur une jambe de bois, car la confiance était rompue entre Abdou Diouf et le peuple sénégalais. Les prémisses de cette désaffection étaient perceptibles depuis le fameux congrès sans débat de 1996, au cours duquel Diouf avait virtuellement transmis les rênes du pouvoir, à OTD.
C'est le tournant raté, comme le montrera la suite : départs retentissants de Djibo Ka, Moustapha et tant de cadres politiques et administratifs, démissions en cascade et désintéressement, voire dégoût de la politique, face au délitement des valeurs politiques à partir de 2000. Depuis, le passif politique s'accumule au même rythme que les pratiques passéistes, autour d'une incroyable inefficacité politique, doublée d'un innommable culte de la personnalité. Depuis 2000, les revers électoraux se succèdent. Le PS s'effrite. La maison socialiste s'écroule et se dépare à l'image de son siège de Colobane, triste comme un jour sans pain.
Pis, alors que le secrétaire général du PS croyait en avoir fini avec les vieux frondeurs, voilà que les jeunes et les "un peu" moins jeunes montent au créneau. Ils insupportent l'affaissement du parti, sa culture de l'arrimage au gouvernant, des prébendes et lots de consolation. Ils répugnent à céder au fait du Prince OTD, adoubé par une poignée de courtisans, militants de la 35 ème heure toujours au garde-à-vous, le petit doigt sur le pli du pantalon, prêt à cracher du feu sur les adversaires internes et externes. Très vite à partir de 2000, on est passé au PS de l'étoffe intellectuelle, compétente et savante, au dandysme politique superficiel sans envergure intellectuelle.
Le PS a noyé son destin gouvernemental et son leadership dans le compagnonnage de circonstance, sans souci de son passé, de sa vocation historique et séculaire. Avec une seule et unique préoccupation celle de rester un triste label de parti suiveur et non un bon produit de consommation trempé dans la quête de l'historicité. Le calendrier du parti s'efface pour faire place nette au destin individuel d'un leader, qui ne rêve même plus de pouvoir. Ou plutôt de l'exercice du pouvoir.
Que sera donc le PS de demain à ce rythme d'érosion lente et nettement progressive ? Triste spectacle qu'offre un parti, qui se déchire et tient ses rendez-vous plus souvent devant les prétoires qu'au siège en décrépitude de Colobane. La fronde que mène depuis 2007 Khalifa Sall, prend de l'ampleur. Mais la tête de gondole des révoltés, ne peut s'imaginer leader que dans un PS, qui tomberait comme un fruit mur dans son escarcelle.
Mais c'est sans compter avec la coriace ténacité d'OTD, aux dents longues qui a "croqué Niasse, Djibo, Robert, Abdoulaye Makhtar," et tant d'autres grosses pointures, historiquement et sans doute, professionnellement plus outillées que lui.
Mais, imbattable dans les combinaisons politiques. Face aux valses hésitations de Khalifa Sall, craintif ou calculateur, les JSD, de Babacar Diop ont fait monter les enchères, après les tentatives infructueuses de jacqueries de Malick Noël Seck et Barthélémy Dias. Khalifa Sall préfère s'en tenir à ses sauts de puce périodiques. Il se retient à franchir le pas décisif de sortie du PS. Il espère avoir OTD à l'usure. Il se trompe, car s'il ne se restera qu'un à la Maison du PS, ce sera OTD. Le parti, c'est le patrimoine que Diouf lui a légué. Il le gardera comme un précieux bijou de famille. Peu importe ce que deviendra le PS. Après lui, le déluge ?
Curieux destin d'un parti historique laissé sur le quai de l'histoire comme un voyageur perdu. Barthélémy Dias vient de tirer le tocsin en démissionnant du bureau de l'assemblée nationale duquel, il serait viré à la première réunion. Il tient tout de même à se libérer de la pesante impression d'ingratitude envers le PS Benno, qui l'ont tiré des mains de ses geôliers de Rebeuss. Il irait sans doute plus loin en se délestant de son poste de député, et faire face à un nouveau procès, qui lui pend au nez. Mais son père le valeureux Jean Paul, lui servira de paravent tant qu'il sera auprès du Président Sall.
En attendant, Dias-fils pourra t-il inspirer son mentor Khalifa Sall et le pousser enfin à oser prendre son destin politique en main. Rien n'est moins sûr. Le Maire de Dakar a posé un nouveau jalon dans sa démarcation. Il signera officiellement la pétition de Babacar Diop et ses amis et … prendra part à la marche de Manko Waatu Sénégal, le 14 octobre, coalition dont son mouvement Taxawu Dakar en phase d'élargissement territorial (Taxawu Sénégal), est déjà membre.
Une nouvelle fois encore, l'autorité du patron du PS est mise à rude épreuve. Le contre-feu qu'il a allumé en faisant monter en ligne les jeunesses socialistes du jeune Bounama Sall, a fait flop. Dopés comme des forcenés, ils n‘ont que l'injure à la bouche et la violence en bandoulière. Mais la police est inactive, et peu prompte à sévir devant les jeunes rabat-joie survoltés et revanchards. En d'autres circonstances, elle serait plus prompte à agir.
Mais le PS démontre qu'il est partie intégrale du système, qui lui ouvre grandement les portes du prétoire quand il subit des sévices et les boulevards de la tolérance quand des nervis favorables à OTD, s'acharnent contre leurs adversaires et frères socialistes. Les vieux démons du PS remontent en surface. Un Ps au destin plus que jamais flou !