QUAND L’OCI RENFORCE L’ACCAPAREMENT DU DPM
Focus sur des zones déclarées non aedificandi mais qui sont paradoxalement devenues des titres fonciers, toujours en violation flagrante des textes réglementaires et législatifs du pays
Dans ce troisième et dernier jet, le journaliste-écrivain, Pape Samba Kane met le curseur sur des zones déclarées non aedificandi mais qui sont paradoxalement devenues des titres fonciers, toujours en violation flagrante des textes réglementaires et législatifs de notre pays. Une situation qui s’est exacerbée avec l’Organisation de la conférence islamique (OCI) en 2008 au Sénégal. 12 ans après notre confrère emprunte le même circuit pour mettre à nu l’accaparement des terres par les régimes politiques successifs.
Fann Höck et une partie de Fann Résidence souffrent des mêmes problèmes d’enclavement que la Gueule Tapée et Médine, mais en connaissent d’autres tenant à la santé de leurs habitants, notamment les insomnies et autres troubles liés aux nuisances sonores induites par les vrombissements des voitures roulant à grande vitesse sur cette Corniche naturellement dévolue à une allure de promenade. Personne ne respecte la consigne des 60 km/heure réglementaires difficilement applicable, et même paradoxale sur une infrastructure ayant pour justifications de rendre facile et rapide l’accès au centreville, de rendre fluide la circulation des voitures sortant du plateau aux heures de pointe.
La nuit, les deux voies avec leurs largeurs incitatives sont naturellement considérées par certains usagers comme des circuits automobiles. Et ça vrombit dans les maisons que les trottoirs de la Corniche viennent taquiner, certaines se situant à moins de quatre mètres de la route qui est venue les trouver là. Cette veuve désirant garder l’anonymat- elle estime qu’elle s’est déjà assez fait remarquer en ayant apostrophé un jour le maire Dakar en visite des chantiers- trouve que « la façon dont ils ont traité les riverains que nous sommes prouve que ces gens n’ont aucun sens des responsabilités.
À qui on va se plaindre maintenant ? Et pourquoi ? Est-ce qu’ils vont mettre un agent derrière chaque automobiliste ? » Ses griefs ne portent pas seulement sur les bruits, mais aussi sur les émissions polluantes de gaz des pots d’échappement « que les vents amènent jusqu'à nos chambres » se plaint-elle. Peu après Soumbédioune, venu s’installer plus près de la mer que la Cour de cassation, plus massif et plus laid que le bâtiment abritant l’institution judiciaire, le parc d’attractions Magic Land, autorisé par les socialistes, aujourd’hui couvé par les libéraux, a privatisé plus de deux cents mètres de plages et criques, les soustrayant aux activités économiques, rituelles et de plaisance de populations riveraines n’ayant pas les moyens de se payer la piscine et les autres loisirs de son voisin, le Terrou-bi.
Libanais, comme les promoteurs de Magic Land, les propriétaires du Terrou-bi (deux restaurants, bars, night-club, piscine, casino et salle de machines à sous), les Rahal sont en train d’étendre leurs activités à l’hôtellerie avec la bénédiction des pouvoirs publics, en faisant main basse sur un site stratégique destinée à la surveillance et à la protection de la faune maritime, et par ricochet, sur une petite plage, quasi-réserve naturelle, une zone de ponte pour une espèce protégée de tortue marine. Or, selon un document tout ce qu’il y a d’officiel, cet animal (il s’agit de la tortue caouanne, qui n’atteint sa maturité pour pouvoir pondre et perpétuer l’espèce qu’à l’âge de 30 ans), déjà mis en danger pour les vertus curatives prêtées à sa chair en médecine traditionnelle, est menacé de disparition par divers facteurs dont le document énumère les trois suivants :
« - l’Abandon de grumes, et l’éclairage artificiel du littoral et en mer ;
- la pratique de certaines activités, telles que : les ports, l’exploitation minière, l’encombrement des plages par les véhicules, le tourisme...
- la destruction des habitats marins avec l’urbanisation littorale »
(Rapport national sur l’état de l’environnement marin et côtier. Direction de l’Environnement et des Établissements classés - 2006).
Les gardes forestiers, que l’extension du Terrou-bi a contraint au déguerpissement, avaient pourtant pu, grâce à leur voisinage avec les pêcheurs traditionnels, sensibiliser ces derniers à la protection des tortues de mer, notamment celle-ci, appelée Mawo en wolof. Aujourd’hui, quand ils en prennent une au large, vers les ilots Sarpan, ils la remettent à la mer, en dépit de sa réputation, en tant que mets, parce qu’il serait un puissant aphrodisiaque.
À partir de quel point les agents des Eaux et forêts vont-ils désormais organiser leurs rondes en zodiaques sur l’océan pour surveiller la faune protégée ? Et, à l’occasion, porter secours aux pêcheurs artisanaux sur leurs frêles embarcations ? Je doute que ceux qui ont donné leurs agréments pour l’extension du Terrou-bi et la construction de son hôtel se soient souciés de telles interrogations (NDA : près de dix ans après, juste après la plage de Soumbédioune, avant la Cour suprême, un bâtiment a été construit pour être affecté aux Eaux et forêts).
Sinon, ils n’auraient certainement pas délivré les mêmes autorisations aux promoteurs de l’immense et lumineux complexe immobilier (il faut voir les maquettes sur le site) en construction sur la plage, moins d’un kilomètre plus loin, par le groupe Teylium.
Juste après la Place du Souvenir africain, avec son architecture légère, ses lignes courbes, sa masse en grande partie transparente qui s’intègre assez harmonieusement a son environnement, l’ouvrage cher au chef de l’État du Sénégal (Abdoulaye Wade à l’époque), comporte cependant une esplanade en forme de carte géographique de l’Afrique construite sur les rochers, quasiment au-dessus de l’eau. On a la très nette impression que cette plateforme est déjà sous la menace de l’érosion, voire, plus sûrement d’une brutale poussée de vagues en marée haute, ou lors de ces montées d’eau imprévisibles que connaît la mer en ces endroits (NDA : ce qui est dit ici se vérifie tous les jours qui passe, il suffit d’y faire un tour).
Encore un ensemble de villas luxueuses destinées a la vente par un promoteur privé privilégié auquel on a vite fait d’offrir des pans entiers de plages sous les falaises, parce qu’à l’instar de tous les autres, y compris ceux du Terrou-bi, il avait inscrit son projet dans les ambitions des organisateurs du sommet de l’OCI de loger certains de leurs hôtes dans des villas de luxe.
Le fait qu’aucun des constructeurs d’hôtel, de clinique, et de villas sur ces sites privilégiés n’ait pu achever son chantier à temps (certains au moment où ces lignes étaient écrites construisaient encore NDA) peut faire légitimement penser à une tromperie délibérée sur les délais donnés aux responsables de l’Anoci, rien que pour obtenir les autorisations nécessaires. Mais on peut se demander s’il fallait le prétexte de l’OCI pour voir l’accaparement a des fins privées du Domaine public maritime prendre des allures de foire, et même si c’est avec l’avènement du pouvoir libéral que la spéculation s’est accélérée, force est de reconnaître que le cas de Mermoz-est, face a «Atépa Technologies» est la preuve que le régime précédent ne s’est pas privé de servir sa nomenclature sur les terrains du Domaine public maritime.
Et très souvent à des fins spéculatives d’enrichissement personnel. Les 10 000 mètres carrés que constituent ces terrains, allant de la trémie se trouvant a hauteur d’ « Atépa Technologies », au prochain rondpoint aux deux stèles recouvertes de céramique, et dont prés de la moitie était classée non aedificandi, sont aujourd’hui presque entièrement bâtis et habités par des gens qui les ont achetés.
Certains pouvant brandir des Titres fonciers. Vous vous demandez peut-être comment des terrains ayant pareils statuts peuvent bénéficier de Titre foncier ? Eh bien, nous aussi. Et nous étions loin d’imaginer la réalité racontée par une de nos interlocutrices, architecte, elle aussi. Elle a eu pour client une notabilité de l’ancien régime disposant d’un permis d’occuper sur quelques milliers de mètres carrés de terrain non aedificandi qu’il avait entrepris de morceler au grand étonnement de la technicienne. Quelle ne fut sa surprise, quelques années plus tard, l’alternance étant intervenue, de retrouver son client et de constater que le non aedificandi était devenu TF, certainement muté en violation de toute éthique –ne parlons pas de la loi -, entre peut-être les deux tours de février et mars 2000
12 ANS APRÈS, NOUS AVONS EMPRUNTÉ LE MÊME CIRCUIT
Sur le même circuit, douze ans, après, quelques surprises face à ce que sont devenues nos vieilles connaissances, enfants avortés de l’ANOCI, et prématurés mis sous couveuse et devenus de beaux et riches bâtiments ou encore se débattant pour émerger de leur semi-coma ; et un certain effarement devant le fait que, sans bruit, depuis 2012, ont poussé sur le même circuit, ici ou là, de véritables cités côtières, avec un nombre notable de résidences vouées à la spéculation immobilière de luxe, de résidences privées à jouissance personnelle et des inévitables sites hôteliers. Tout d’abord, le Lagon II a étendu sa privatisation de la plage, en plantant des cactus, végétation plus dissuasive certes que tout grillage, mais qui fait genre et dissimule bien leur intention de s’approprier ce qui est, selon la loi, le bien d’autrui.
Autrui étant le public, les populations. L’ex-Nianing est encore un chantier pour ce qui est vraisemblablement un complexe de loisir, hôtel restaurant, piscine ; avec un gardien peu coopératif devant. La piscine de l’hôtel Teranga ‘aujourd’hui Pullman), située en dehors du bâtiment principal, alors discret, a pignon sur rue aujourd’hui, avec une enseigne ostensible en bleu et blanc « Teranga Beach », inutile de préciser que la plage en contrebas n’accueille plus aucun promeneur. Plus loin, Terrou Baye Sogui a résisté aux convoitises d’alors, et échappe encore aujourd’hui - alors que rien n’a changé dans la gourmandise en terres côtières des en haut d’en haut, au contraire – à la colonisation économico-affairiste.
Sûrement la protection de Mame Coumba Bang ; enfin, espérons-le. Une longue accalmie, due certainement au terrain accidenté sur cette partie de la côte, offre un répit, en paysage encore semi-sauvage sur le rivage, auquel font face l’ambassade et résidence de l’ambassadeur de Grande-Bretagne, celle de Belgique, puis l’ancienne résidence des Premiers ministres sous les socialistes, jusqu’au vieil hôtel Savannah que nous connaissons déjà. Ici, une nouveauté frappante, aux limites des bâtiments de l’établissement, où pouvait encore au moment où nous réalisions cette enquête, en 2008, se glisser un promeneur intrépide, un grillage a été installé sur plusieurs centaines de mètres, jusqu’au lieu où, dans le cadre du sommet de l’Anoci, devait s’ériger ce fameux Eden Rock installé sur les rochers de la plage que surplombe la résidence de l’Union européenne. Cet hôtel au nom paradisiaque est aujourd’hui l’exemple parfait de ce que nous avons appelé les fantômes de béton gris ; enfant avorté des projets du sommet, il est devenu un squat. Ceux qui l’occupent doivent être très débrouillards, ou peut-être très introduits : ils ont de l’électricité, sommairement installée certes, avec des fils qui pendent dehors et, quand nous passons là, un occupant qui fait ses ablutions sur la terrasse sommaire en zinc galvanisé d’un des bâtiments qui composent l’ensemble.
Passée cette étape, la fameuse « Clinique de la Vision » est achevée, rebaptisée « Clinique Belle Vue » ; ses promoteurs, moins mis sous pressions par les délais, ont eu l’inspiration plus poétique pour dénommer leur bijou. Clinique déjà opérationnelle, le beau bâtiment – on est loin de l’avorton à la survie incertaine de 2008 - s’est donné un jumeau : «Résidence Belle Vue». La clinique ophtalmologique s’est découverte une vocation pour le tourisme de luxe, on dirait! Je me demande si les propriétaires de Belle vue vont goûter le voisinage, mais tout à côté d’eux, est en train de pousser un gros machin qui n’était pas là en 2008, au moins quatre étages encore inachevés, mais du solide, qui surplombe leurs résidence et clinique, bâtiment bas qui se la jouent modernistes. Le nouveau gros machin a tout l’air d’un futur hôtel (ici, nous sommes passés en voiture, au ralenti d’ailleurs, mais le panneau indicateur de l’objet des travaux est illisible ; nous ne voudrions pas nous avancer sur ce phénomène, mais plusieurs parmi les dizaines de nouvelles constructions sur cet axe corniche est-ouest, soit dissimulent cet indicateur réglementaire, soit en négligent la clarté exigée).
Après, rien à signaler (que di classique que nous connaissons déjà), jusqu’à l’avenue des Jambars qu’occupe le camp Dial Diop. Elle se termine à gauche du camp par un cul-de-sac où il y avait une poche qui permettait de voir la mer. Eh bien, il n’y a plus de poche. Presque achevée, l’université catholique de l’Afrique de l’Ouest, département d’enseignement supérieur de l’Institution Sainte Jeanne d’Arc (ici le panneau est honnête, toutes indications utiles réglementaires y sont inscrites) occupe une partie de l’espace ; l’autre est un chantier loin de l’achèvement, dont on ne sait pas grandchose. Les deux, peut-être à bonne distance de la rive qu’ils surplombent, participent à cet étouffement de Dakar ayant pris ces proportions qui énervent tout le monde ces jours-ci.
De l’autre côté - l’extrémité droite du camp qui ferme l’avenue -, c’est la foire à la construction. Les chantiers restés inachevés en 2008 ont repris de plus belle, et les nouvelles constructions poussent ; sur cette bretelle, une sorte de demi-cercle, qui, contournée, mène à l’ancien Club des Antilles dont nous avons parlé, le chantier qui fissurait la route selon l’architecte Annie Jouga (voir article introductif) est quasi achevé ; mais il a des voisins sur les chantiers desquels l’activité est frénétique. On dirait que la levée de bouclier médiatique de ces dernières semaines a fouetté, sur tout le parcours, nous allons le constater jusqu’aux Almadies, l’ardeur des promoteurs : « vite, finissons-en ! Avant que cette meute d’activistes, journalistes et autres enragés ne mette du sable dans notre couscous », semble être le mot d’ordre. Rien à signaler de nouveau sur plusieurs centaines de mètres, jusqu’à la porte du millénaire, sauf ce grand espace qui fait face à l’ambassade du japon et destiné à l’érection du Mémorial de Gorée, vide.
Autant les projets entrepreneuriaux et individuels privés vont vite, les chantiers d’utilité publique initiés par l’Etat traînent en longueurs qui souvent signent leur mort prochaine. Espérons que ce ne sera pas le cas pour ce mémorial qui résiste au temps depuis son initiateur, Diouf. Et a résisté à Wade –qui avait presque réussi, pour d’autres desseins, à mettre la main sur l’espace qui donne une vue panoramique sur le large vers l’Îlot Sarpan – grâce à la pugnacité de son maître d’œuvre, le poète Amadou Lamine. Il semble que le président Macky Sall, lui, est déterminé à en commencer et achever la construction. En descendant un peu plus vers l’ouest, un panneau signale clairement, à hauteur du cimetière de la Médina, des travaux pour un ouvrage d’assainissement des eaux usées ; l’État ses maîtres d’œuvre respectent scrupuleusement ce volet de la réglementation, contrairement à beaucoup de privés. Cette dernière observation sied parfaitement pour introduire le deuxième volet de cette conclusion. Car, à partir du tunnel de Soubédioune, jusqu’au rond-point qui fait jonction entre la rue de la résidence privée de Macky Sall et la Corniche, nous n’avons de bâtiments considérables que des vieilles connaissances déjà visitées en 2008. Mais à partir de là, on se rend bien compte qu’après le régime libéral, la curée s’est poursuivie de plus belle. Et jusqu’aux Almadies.
LE MAIRE DU BORD DE MER
Nous allons commencer par là-bas, pour descendre faire la jonction avec ce fameux rond-point et ce qui se passe en contrebas pour finir cet article qui, comme rien que peut contenir un seul journal, ne peut faire le tour de cette ruée vers les terres du littoral dakarois. L’hôtel des Almadies, anciennement Club Med., jadis était caché de la vue depuis le goudron par une végétation dense faite d’arbres et de bosquet, une sorte de forêt en miniature qu’il fallait contourner pour accéder au lieu. Eh bien, cette végétation a été rasée proprement et des chantiers ont commencé à y pousser. Le problème avec ces abus, c‘est qu’ils sont toujours le fait de gens puissants ou protégés par des puissances politiques, tellement que personne ne pense à protester.
À côté de ces chantiers pas encore très avancés, en poussant vers ce lieu de résidence composé de containers habitables qu’occupèrent des festivaliers lors du fameux Fesman de Wade, poussent deux autres chantiers sans indication d’objet visible. Puis vient le campement des festivaliers, longtemps resté en place, et plus pour beaucoup de temps, car les conteneurs ont été déplacés, le terrain déblayé et des engins destinés à des travaux de construction sont en place. Suit la chaîne des hôtels et restaurants de standings différents de la fameuse bretelle menant au lieu de prière des Layènes, et qui commencèrent tous par ces baraquements précaires pour devenir ce qu’ils sont aujourd’hui –nous en avons déjà parlé ...
Toutes les poches qui restaient de cette longue corniche sont aujourd’hui bouchées à la vue, entravant la circulation de l’air du large dans le quartier des Almadies. Dans le lot des constructions plus ou moins achevées, remarquables, des appartements destinées à la location. Et pour ça, les indications en gros caractères bien rouges sont très nettement visibles : «A LOUER». Sur tout le long, une seule construction d’utilité publique, la nouvelle direction de l’Agence pour la sécurité de la navigation aérienne (Asecna) ; un bâtiment très bas. Au sortir de cette nouvelle agglomération, certes petite, tournons à droite comme pour aller vers la ville. À moins de cent mètres du rond-point - face à l’agencesiège de la Bank of Africa (BOA), de l’autre côté de la route -, construite en creusant la roche, au-dessous du niveau du terreplein la surplombant, une vieille connaissance sortie de terre avec l’Anoci et restée inachevée jusqu’il y a très peu de temps. Aujourd’hui, cette léthargie semble avoir pris fin, l’espace occupé s‘est élargie d’autres dépendances, et un coup de pinceau d’une peinture d’un beige discret colore l’édifice. On nous l’avait annoncée, dans la folie des grandeurs de l’Anoci, à l’instar de « Belle Vue » de l’autre côté, comme « une clinique de haut niveau ». Ses promoteurs, selon la clameur publique alors, étaient des Espagnols. Nous le comptions, il y a peu, douze ans après parmi les « fantômes en bétons gris », squatté par cette population interlope qui hante ces lieux qui s‘étendent jusqu’aux rivages derrière la mamelle - celle qui reste des deux, après que la première, comme un sein cancérigène, a subi une ablation, remplacée comme une prothèse par ce fameux et controversé Monument de la Renaissance, cauchemar des défenseurs de l’environnement.
Sur tout cet espace, qui exhibe de fières vielles connaissances, bien loin de la DPM - la clinique des Mamelles, le restaurant La Calebasse, la Pharmacie des Mamelles, tous visibles e la route - le passant ne devine pas que derrière, à part au moins quatre gros bâtiments qui n’étaient pas là il y a douze ans, et sont eux aussi visibles de la rue, a poussé une cité, pas loin du rivage, avec des immeubles en béton de plusieurs étages, dont certains sont franchement laids. Ils ont pris la place de maisons rupestres, certes, mais bien jolies et basses qui ne privaient pas la ville d’air, sûrement rachetées à leurs propriétaires ou à l’État par de riches parvenus.
Pour ceux qui connaissent le coin, c’est tout à côté des bureaux de l’Organisation internationale pour les Migrations (OIM), bâtis sur les rochers. Le rivage, tout en contrebas de l’OIM, est colonisé par un restaurant huppé tenu par un Italien, et généralement fréquenté par des étrangers. Les vagues qui frappent à trois ou quatre mètres arrosent régulièrement sa terrasse. La plage qu’il surplombe, encore fréquentée par le tout-venant, gageons-le, ne le sera plus bien longtemps.
La prochaine étape de ce parcours à rebours sera donc cette plaie béante qu’un privé, sinon inconscient, au moins étourdi, a creusée au bas de la Mamelle qui reste et qui porte le phare, objet et point de départ de l’énorme levée de boucliers médiatique de ces dernières semaines, animée par des activistes, mais qui horripile tout le monde. La goutte d’eau qui a fait déborder le vase trop plein des abus subits par le littoral du point de vue foncier, mais aussi sociologique, environnemental et …moral. On va arrêter l’inépuisable recensement de ce qui s’est fait sur ce Domaine public maritime d’infaisable, parce qu’inacceptable, en indiquant que de La Pointe des Almadies au rond-point voisin de la résidence privée du Chef de l’État - où, sur les berges et les hauteurs qui les surplombent a poussé un vrai quartier, avec ici aussi plein de maisons À LOUER - s’est érigée une cité dont il serait intéressant que les services de l’État nous donnent le nombre d’habitants. Il friserait ou dépasserait celui de certains gros bourgs. Si ses bienheureux habitants, qui pompent l’air pur marin sans scrupule –avec au moins la complicité des autorités d’hier et d’aujourd’hui – poussent loin la hardiesse dont ils ont fait montre pour coloniser le bien d’autrui (le Domaine PUBLIC maritime) ; ils pourront réclamer l’érection de leur cité en commune. Et bientôt éliront le maire du bord de mer. Et ainsi ils feront prendre à leurs édiles un arrêté interdisant leurs plages aux manants de Tilène, Gueule Tapée, Ouakam Ngor.
Sérieusement : si cette curée n'est pas arrêtée, et certains grossiers accaparements réparés, on peut craindre qu'elle mène à une rupture du Contrat social dans notre pays. Pire, la nature qui sait être patiente, pourrait un jour décider de récupérer ce qui lui appartient. Tous ceux qui habitent à la Médina, à la gueule Tapée ou à Fann et même Fass depuis assez de temps pour avoir vu certains phénomènes naturels, qui menèrent la mer, par vagues furieuses, loin dans les terres de ces quartiers, obligeant leurs habitants à aller au marché en pirogues, savent qu’il n’y a rien d’exagéré à envisager pareille catastrophe, aujourd’hui que la moitié peut-être, de l’économie dakaroise est construite sous le nez de Leuk Daour, génie tutélaire de Dakar.