SACRE «NDIOMBOR» !
LA CAMPAGNE DE COUMBA NDEW
Ce pays est renversant : on y marche sur la tête. Il y a le Premier ministre-tête de liste qui s’est métamorphosé en danseur populaire, ou alors cachait-il bien son jeu, il y a le maire de Dakar, candidat lui aussi, qui bat campagne de sa cellule de prison, avec la bénédiction de nombreux fidèles, qui laissent entendre qu’il dérangerait le Pouvoir…Et il y a cet impressionnant bonhomme de 91 ans, Abdoulaye Wade, qui va et vient pour on ne sait quelle raison (on le verrait mal siéger à l’Assemblée nationale), mais qui aurait été appelé à la rescousse…
Un ancien chef de l’Etat parti par la fenêtre à l’époque, pour avoir rêvé d’un impossible troisième mandat, et qui a aujourd’hui assez d’audace pour jeter à la figure de l’actuel président de la République, que lui et son ministre de l’Intérieur ont tout simplement «échoué». Mais avec toute cette polémique ou cette confusion autour des cartes d’électeurs, entre bricolage et rafistolage, autant dire que Macky Sall et son équipe ont prêté le flanc.
Initiée par Me Wade lui-même, et ses alliés, la «marche» d’hier, mardi 25 juillet, sur la Place de l’Indépendance, n’a pas eu grand-chose à voir avec ce qui avait été annoncé, à quelques détails près (de l’insupportable odeur du gaz lacrymogène à de petites arrestations, par ci par là), mais disons qu’il fallait s’y attendre.
Le Préfet avait dit non, Wade avait dit oui, mais c’est tout lui ça ! Toujours là où on ne l’attend pas, puisqu’à la place de cette marche (interdite) qui nous aura plus ou moins tenus en haleine, l’ancien chef de l’Etat s’est plutôt contenté d’une conférence de presse, là-bas au domicile de Me Madické Niang, resté très proche de l’ancien président de la République. En plus de la bienveillante attention de Madame Viviane Wade, et du regard fasciné, parfois amusé, de Mamadou Diop Decroix.
Ce petit détour était prévu, c’était même une sorte de plan B a-t-il donc dit aux journalistes, mais on pourrait soupçonner le très espiègle «Ndiombor», d’avoir tout simplement voulu se jouer de nous, d’avoir voulu que tout le monde ou presque parle de cette marche qui n’aurait pas lieu, histoire de monopoliser et l’espace, et la parole…D’autant plus que pour la presse, «Gorgui» est un très «bon client».
De cette presque-marche, il dit d’ailleurs, avec l’air d’y croire, qu’elle a été un «succès». Tête de liste nationale de la Coalition gagnante Wattu Senegaal, Wade n’a pas marché, mais il a pratiqué son sport favori : la pique assassine ou la phrase qui tue, entre deux éclats de rire presqu’étouffés. Lui qui avait solennellement prié pour ne plus avoir à prononcer le nom de «Macky Sall», s’est pourtant laissé aller…De sa bouche, on entendra dire, par exemple, que l’actuel chef de l’Etat était «persona non grata chez lui à Fatick». Mais attention. Ceci n’est «pas une critique», car pour critiquer Macky Sall, «il faudrait au moins qu’il ait réalisé quelque chose». C’est du Wade, dans le texte !
Un monsieur de 91 ans, qui n’est «vieux» que quand ça l’arrange : lorsqu’il cite Kocc Barma, au nom du respect dû aux aînés, ou aux anciens («Mag mat naa bayyi ci’m reew»), mais certainement pas quand on lui demande si son âge serait contre-indiqué pour la politique. Non, ce n’est pas Wade ça…Lui n’est ni «complexé», ni «grabataire», et il dit d’ailleurs qu’il est plus «costaud» que les vieillards de son âge.
On l’aime ou on ne l’aime pas mais…Sacré «Ndiombor» !