ANALYSE DE LA DERNIÈRE DECISION RENDUE PAR L’ARMP
Spécialiste en passation des Marchés, Moustapha NGAIDO, analyse pour nos lecteurs, la dernière décision rendue par l’ARMP dans le cadre de l’Affaire qui oppose la Sénégalaise des Eaux (SDE) à l’Actuel Ministère de l’Eau et de l’Assainissement (Mea)
Spécialiste en passation des Marchés, Moustapha NGAIDO, Maître de Conférences en Droit Public à la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques (FSJP) de l’Université Cheikh Anta Diop (UCAD) analyse pour nos lecteurs, la dernière décision rendue par l’ARMP dans le cadre de l’Affaire qui oppose la Sénégalaise des Eaux (SDE) à l’Actuel Ministère de l’Eau et de l’Assainissement (Mea).
La Décision no 093/19/ARMP/CRDDEF rendue par le Comité de Règlement des Différends de l’ARMP le 29 mai 2019 pose certaines difficultés sur lesquelles, il est nécessaire de porte un regard. Mais, il importe dans un premier temps de rappeler les faits dans le cadre de cette affaire qui dure depuis plusieurs mois :
1/ Faits de l’espèce
Suite à l’avis général de passation des marchés paru dans le Journal « Le Soleil » en date du 30 décembre 2016, le Ministère de l’Hydraulique et de l’Assainissement (MHA), devenu Ministère de l’Eau et de l’Assainissement (MEA)[1], a lancé l’avis d’appel public à la concurrence no CC DAGE 074 en deux étapes pour désigner un fermier chargé de l’exploitation du service public d’eau potable en milieu urbain et périurbain au Sénégal pour la période allant du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2033. Le titulaire du marché aura à assurer la gestion technique, commerciale, administrative et socioéconomique du service public de l’eau, à partir des ouvrages et équipements hydrauliques mis à sa disposition et destinés à assurer la production et la distribution de l’eau potable sur le périmètre couvrant l’ensemble des zones urbaines et péri-urbaines. Après l’ouverture des plis, trois dossiers de pré-qualification ont été reçus. Au terme de l’évaluation, les trois entreprises ont été préqualifiés[2] : la SDE, SUEZ Groupe et Veolia EAU-CGE. Ils ont par conséquent été invités à remettre une offre de deuxième étape sana prix.
Suite à cette phase, le Comité Technique d’évaluation mis en place par le Ministère a proposé de déclarer les trois offres recevables. Ce qui a permis au Ministère, en tenant compte des observations des soumissionnaires, d’élaborer un Dossier d’Appel d’Offres de la deuxième étape qui sera transmis aux trois candidats. A l’issue de l’évaluation des offres, le CTEO a recommandé l’attribution du marché à SUEZ Groupe qui présentait un prix exploitant du mètre cube d’eau produit et distribué à 298, 5 FCFA HTVA[3]. Estimant que cette décision lui fait grief, la SDE a formé à côté de VEOLIA un recours gracieux conformément à l’article 87 du décret no 2014-1212 du 22 septembre 2014 portant Code des Marchés Publics. Suite au rejet de son recours gracieux, la SDE a décidé d’introduire un recours contentieux à l’ARMP le 05 novembre 2018. L’ARMP a suspendu la procédure d’attribution du marché par décision n°077/18/ARMP/CRD/SUS en date du 07 novembre 2018 et a demandé au Ministère la transmission des éléments nécessaires à l’instruction du dossier.
Par courrier en date du 12 novembre 2018, les pièces du dossier ont été communiquées à l’ARMP. Par une seconde décision n°027/19/ ARMP/CRD/DEF en date du 13 février 2019, l’ARMP a annulé l’attribution provisoire du marché à SUEZ Groupe et ordonné la reprise de l’évaluation par l’Autorité Affermant. Suite à la reprise de l’évaluation, le MHA a, à nouveau, attribué provisoirement par décision n°000350/MHA/DAGE/CM en date du 15 avril 2019, le marché à SUEZ Groupe. Estimant toujours que cette décision lui faisait grief, la Requérante a formé un nouveau recours gracieux en date du 23 avril 2019. Ce nouveau recours gracieux a encore été rejeté par courrier de l’Autorité Affermant. A nouveau, la Requérante a introduit un deuxième recours contentieux soumis à l’ARMP le 30 avril 2019. L’ARMP, par Décision n°034/19/ARMP/ CRD/SUS en date du 07 mai 2019 a suspendu la procédure d’attribution du marché. L’Autorité Affermante a transmis le 23 mai 2019, les pièces du dossier à l’ARMP qui se prononce sur le fonds par sa Décision n°093/19/ARMP/CRD/ DEF, rendue le 29 mai 2019 et qui sera publiée une quinzaine de jours plus tard, sur son site. Le Comité de Règlement des Différends (CRD) a rejeté le recours de la SDE et ordonné la poursuite de la procédure de passation de la Délégation de Service ublic (DSP)
La SDE a contesté cette attribution et comme annoncé par le Président du Conseil d’Administration de la SDE lors de la Conférence de Presse du 19 juin 2019, la Cour suprême sera saisie. Cette saisine pourra être effectuée conformément à l’article 74 de la Loi organique no 2017-09 du 17 janvier 2017 relative à la Cour suprême. La Décision du CRD qui fait un total de 15 pages s’est prononcée sur les points suivants :
1. La situation de conflits d’intérêts ;
2. Sur la conformité de la commission des marchés ayant procédé à l’ouverture des offres techniques ;
3. Sur la validité des offres ;
4. Sur l’objectivité de l’évaluation ; Examinons ces différents éléments en ajoutant une question qui mérite un traitement particulier
2/ Sur le fond
Sur le conflit d’intérêts
La SDE rappelle tout d’abord que SUEZ Groupe dans le cadre d’un groupement est attributaire du marché relatif à la conception/réalisation d’une usine de traitement et de pompage d’eau potable à Keur Momar Sarr (KMS 3) et que cette situation est de nature à lui permettre de détenir des informations qu’elle peut utiliser dans le cadre de la soumission de son offre pour l’attribution de la Délégation de Service Public(DSP), ensuite que SUEZ sera impliquée dans la gestion d’ouvrages conçus et réalisés par sa filiale et qu’enfin en cas d’attribution du marché à SUEZ, ce dernier sera aussi chargé du suivi, du contrôle et de la réception de travaux exécutés par sa propre filiale. Sur ce point, l’Autorité délégante signale que SUEZ n’a pas participé à l’élaboration du Dossier d’Appel d’Offres (DAO) et que si un soumissionnaire est retenu définitivement pour le contrat d’affermage, l’article 9 de l’annexe 6 du contrat d’affermage lui sera applicable et que le marché et que SDE a mal qualifié le marché en question KMS 3.
Pour le CRD, la situation de conflit d’intérêts alléguée n’aurait pas dû être soulevée à ce stade, mais vu que l’AC a tendu une perche à la SDE, il doit prendre en considération les réponses apportées au recours gracieux. Il s’agit aussi d’un avertissement aux Autorités contractantes de manière générale afin qu’elles s’abstiennent de donner des réponses à des questions qui n’ont pas été soulevées à un premier niveau. Le conflit d’intérêt qui nous concerne soulève la question de l’éthique dans le monde des affaires et où il est le plus répandu. En effet, « le commerce puise précisément sa source et trouve sa dynamique dans l’intérêt personnel et égoïste que tout individu au comportement rationnel cherche à satisfaire par son activité »[4]. On peut distinguer 3 types de conflits d’intérêts : l’intérêt réel, apparent ou encore potentiel.
L’intérêt est réel quand il est de nature à procurer véritablement un avantage qui n’est pas hypothétique. Pour le CRD, il ne peut pas y avoir rupture d’égalité entre les candidats dans la mesure où la SDE n’a pas notamment «démontré l’existence d’une information que détiendrait SUEZ Groupe….susceptible de lui procurer un avantage sur ses concurrents » et que par ailleurs, «les travaux de l’usine de KMS 3 résultent d’un marché… dont la procédure de passation a été lancée le 23 avril 2016 et la souscription du marché effective le 18 avril 2018».
D’un autre côté, le CRD indique dans sa décision que le dépôt des offres pour le marché contesté a été clôturé le 5 janvier 2018. Même si SUEZ n’a pas élaboré le DAO de KMS 3, ne se place-t-il pas dans une situation de conflits d’intérêts réel dans la mesure où il est le chef de file du groupement qui a remporté le marché de travaux de conception et de réalisation de KMS 3[5] et est en même temps soumissionnaire à un marché d’affermage dans lequel, il doit assurer l’exploitation d’ouvrages acquis afin de fournir le service public d’eau potable ? En effet, dans l’affermage, qui est défini comme un « contrat par lequel l’Autorité contractante charge le fermier, personne publique ou privée, de l’exploitation d’ouvrages qu’elle a acquis afin que celui-ci assure la fourniture d’un service public, le fermier ne réalisant pas les investissements initiaux » (art. 4.3 du Code des Marchés Publics), la personne publique confie l’exploitation d’un service public, pour une durée déterminée, à un fermier librement choisi. Dans ce type de contrat, Il appartient au gestionnaire d’exploiter l’activité à ses risques et périls en percevant directement des redevances sur les usagers.
Le fermier doit entretenir les ouvrages qui ont été mis à sa disposition, notamment construire des ouvrages ou acquérir des biens nécessaires au service. Toutefois, les travaux de renforcement et d’extension sont à la charge de la structure affermant. Dans notre cas, les travaux qui doivent être exécutés par SUEZ ne peuvent-ils pas être assimilés à des travaux d’extension qu’il aurait à exercer ? Le principe d’égalité de traitement des candidats a l’attribution d’un marché public qui a pour corollaire le principe d’impartialité, implique notamment l’irrégularité des procédures dont le résultat est susceptible d’avoir été affecté par la participation d’une société en situation de conflit d’intérêts.
En France, le juge administratif a une interprétation objective de la notion d’impartialité. Pour le juge, il n’est pas nécessaire de démontrer que l’égalité de traitement des candidats a été rompue par la présence d’une société en situation de conflit d’intérêts, mais de se contenter de justifier que sa présence est de nature «a faire naître un doute» légitime quant à l’impartialité de la procédure (CE, 22 octobre 2014, Société EBM Thermique, n°382495). D’ailleurs, l’article 24 de la Directive 2014/24/ du Parlement Européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics, exige des acheteurs publics qu’ils prennent toutes «les mesures appropriées permettant de prévenir, de détecter et de corriger de manière efficace des conflits d’intérêts survenant lors des procédures de passation de marche, afin d’éviter toute distorsion de concurrence et d’assurer l’égalité de traitement de tous les opérateurs économiques». Le simple fait pour l’AC d’avoir ajouté des restrictions à la participation «suite aux demandes d’éclaircissements des candidats » est constitutif d’une présomption de conflit d’intérêts.
Si, à la limite, le conflit d’intérêts n’est pas réel, il est, au moins potentiel, pour ne pas dire apparent. Dans ce dernier cas, la situation dans laquelle se trouve SUEZ aurait pu être interprétée comme porteuse d’un conflit réel.
Par ailleurs, la Commission Litiges du CRD de l’ARMP aurait pu aussi être saisie sur le fondement de l’alinéa 2 de l’article 23 du décret no 2007-546 du 25 avril 2007 portant organisation et fonctionnement de l’ARMP à partir de dénonciations relativement à cette situation de conflits d’intérêt alléguée.
Toujours par rapport à cette situation de conflit d’intérêts, on peut évoquer les dispositions du même décret par rapport au représentant du secteur privé qui est membre du CRD. L’alinéa 2 de l’article 19 indique que « lorsque le Comité de Règlement des Différends examine des réclamations dans lesquelles les membres du secteur privé ou de la société civile ont des intérêts, ces derniers sont remplacés sur décision du Président du Conseil de Régulation ». Ce dernier a-t-il pris les précautions nécessaires relativement à cette limitation ?
C’est aussi l’occasion de relever que la question du conflit d’intérêts aurait pu être mieux prise en charge dans le Code des Marchés publics en s’inspirant notamment de l’article 17 de la Directive n°04/2005/CM/UEMOA portant procédures de passation, d’exécution et de règlement des marchés publics et des délégations de service public dans l’UEMOA qui indique que : «Ne sont pas admises à participer aux procédures de passation de marches et délégations de service public, en raison des règles relatives au conflit d’interets : –les entreprises dans lesquelles les membres de l’autorité contractante, de l’entité administrative chargée du contrôle des marches publics, la personne responsable du marché ou les membres de la Commission d’ouverture des plis et d’évaluation des offres possèdent des intérêts financiers ou personnels de nature à compromettre la transparence des procédures de passation des marchés publics ; – les entreprises affiliées aux consultants ayant contribué a préparer tout ou partie des dossiers d’appel d’offres ou de consultation ». D’ailleurs, l’article 24 de la Directive de l’Union Européenne précitée est plus éclairant sur cette question.
. Sur l’incompétence de la Commission des Marché
de l’AC Dans son recours, la SDE considère que la Commission des Marchés du Ministère n’était pas compétente sur la période du 3 au 24 janvier 2018, alors que l’ouverture des offres techniques de la première étape a eu lieu le 5 janvier 2018. L’AC en se fondant sur la jurisprudence du CRD est d’avis que l’offre ne peut être annulée pour ce motif. Le CRD en se basant sur les articles 36 du Code des Marchés publics et 6 de l’arrêté no 0864/MEFP du 22 janvier 2015 fixant le nombre et les conditions de désignation des membres des commissions des marchés des Autorités contractantes, pris en application de l’article 36-1 du Code des Marchés publics, note que les membres de la Commission des Marchés sont nommés pour un an et que « pour des soucis d’efficacité administrative, la Commission des marchés a le devoir de continuer ses activités jusqu’à la nomination d’une nouvelle commission pour éviter une paralysie de l’activité ». C’est le raisonnement sur ce point qui pose problème. On a l’impression que le CRD a voulu réguler en invoquant l’efficacité administrative, alors que la régulation ne peut être faite contra lege (en contradiction avec le droit). Le CRD reconnait lui-même l’incompétence de la Commission des Marchés pour la période relevée par la SDE, mais indique qu’il faut éviter la paralysie de l’administration.
Comment pour une procédure de passation d’un contrat dont la durée a été aussi longue, le Ministère de l’Eau et de l’Assainissement n’a pu prendre les dispositions pour élaborer aussi un arrêté ministériel nommant les membres de sa Commission des Marchés dans les délais requis par les textes ? Il est de jurisprudence constante que les règles de compétence sont d’ordre public. Elles peuvent être soulevées à toutes les étapes de la procédure, donc aussi bien devant l’AC que devant le CRD. Les moyens d’ordre public échappent à l’irrecevabilité quelle que soit leur cause juridique (CE Français, Ass. 3 juillet 1998, Syndicat des médecins Ain). On aurait pu évoquer la paralysie de l’administration, si on n’était dans certaines périodes assez troubles. Ce n’est pas le cas en l’espèce. La variété d’incompétence soulevée par la SDE est l’incompétence temporelle.
La compétence de la Commission des Marchés est limitée dans le temps. Elle n’est pas compétente si l’arrêté de nomination de ses membres n’a pas été signé et elle n’est plus compétente à l’expiration de la date prévue par les textes. La jurisprudence sur cette question est ancienne et constante : CS 2 janvier 1970, Longin Col ; Cour Suprême, le 28 avril 1971, Is saga Keïta ; CS , 10 janvier 2013, Zahra Salek…. Si entre le 3 et le 24 janvier 2018 comme le prétend la SDE, la Commission des Marchés n’avait pas été mise en place, elle ne peut de manière rétroactive voir ses actes validés. En effet, l’incompétence d’une autorité administrative ne peut pas être couverte a posteriori par l’accord de l’autorité compétente. L’illégalité relevée à juste raison ne peut être vénielle comme le prétend le CRD.
2.3 Sur la validité
La SDE dans son recours soutient qu’à la date de la réception du courrier demandant la prorogation des offres de la seconde étape, à savoir le 2 avril 2019, les offres des soumissionnaires étaient déjà arrivées à expiration depuis le 28 mars 2019, Dans son argumentaire, le CRD souligne « toutefois, (que) la réception de la demande de prorogation le 2 avril 2019 ne viole aucun des principes directeurs régissant la passation des marchés publics, d’autant plus que tous les candidats, y compris SDE, ont accepté de proroger leurs offres sans soulever la moindre réserve». Le délai de validité des offres est le délai pendant lequel les candidats ont l’obligation de maintenir leur offre. Normalement, les candidats sont tenus par leur offre, dont ils ne peuvent se dégager pendant sa durée de validité, sans que leur responsabilité ne soit engagée.
En principe, une demande de prorogation de la durée de validité des offres qui est faite avant l’expiration du délai de validité ne pose aucune difficulté. La question qui se pose est de savoir quelles sont les conséquences d’une telle demande notifiée après l’expiration de la période de validité des offres, vu que les soumissionnaires sont normalement libérés de toute obligation à l’égard de l’Autorité Affermante à l’issue du délai de validité des offres. Pour le CRD ceci ne peut avoir aucune conséquence sur la poursuite de la procédure de passation du marché, d’autant plus que tous les candidats ont accepté de proroger leurs offres sans soulever la moindre réserve (sic). La jurisprudence française sur cette question contredit le raisonnement du CRD : « la personne publique doit, sous peine d’irrégularité de la procédure de passation, choisir l’attributaire d’un marché dans le délai de validité des offres, elle peut toujours solliciter de l’ensemble des candidats une prorogation ou un renouvellement de ce délai ; que lorsque ce délai est arrivé ou arrive à expiration avant l’examen des offres en raison, comme c’est le cas en l’espèce, …la personne publique peut poursuivre la procédure de passation du marché avec les candidats qui acceptent la prorogation ou le renouvellement du délai de validité de leur offre…» (CE 10 avril 2015, Sté TAT n° 386912). Dans l’affaire SDE-SUEZ-MEA, le délai de validité des offres est apparemment dépassé et la conséquence en est que les offres sont caduques à la date du 28 mars 2019
. Sur l’objectivité de l’évaluation
La SDE réfute le reclassement de certains biens en biens de retour aussi bien par le Ministère que par le CRD. En principe, pour identifier les différentes catégories des biens, il appartient à un cahier des charges de les déterminer. En son absence, on considère que tous les biens nécessaires au fonctionnement du service devaient obligatoirement être qualifiés de biens de retour. Ces biens font nécessairement retour et en principe gratuitement à l’expiration de la DSP, puisqu’ils sont amortis au cours des années d’exécution du contrat. Ce sont des biens qui doivent être remis en bon état d’entretien et de fonctionnement. Quant aux biens de reprise, ils sont la propriété du fermier durant l’exécution du contrat d’affermage et le transfert de propriété n’est opéré éventuellement qu’à la fin de l’affermage.
Le Ministère reproche à la SDE d’avoir fait des projections de branchements sociaux qui tendent à minorer en réalité certains aspects de son offre, C’est ainsi que le CRD considère qu’il appartient à l’AC de fixer ses besoins et que la SDE ne devait pas « limiter d’une manière non conforme au Dossier d’Appel d’Offres, les droits de l’Autorité Contractante, même avec l’option d’achat sur les équipements de télé-relève ». En conséquence, cette non-conformité est déclarée majeure. . Sur la modification de l’Offre de la SDE L’AC a reproché à la SDE d’avoir profité de la demande d’éclaircissements pour apporter des modifications à son offre initiale concernant le poste « autres travaux ». Mais, sur ce point, le CRD n’a pas retenu l’argumentation du Ministère qui tenait à ce que cette non-conformité soit considérée comme substantielle. Pour le CRD, cette non-conformité, au même titre que « d’autres non-conformités, relevées notamment sur la rubrique « autres impôts et taxes », les droits d’enregistrement…ont été jugées non-substantielles, au motif qu’elles ne limitent ni la capacité du fermier à exécuter ses obligations contractuelles, ni la qualité des prestations spécifiées dans le contrats ».
3. Sur l’autorité de la chose décidée La SDE pourrait espérer une suite favorable à son recours, si elle se fonde sur les points soulevés précédemment, en particulier sur le vice d’incompétence ou sur la durée de validité des offres. Le CRD dans ses motifs a été suffisamment exhaustif concernant l’incompétence ou encore la durée de validité des offres. Mais, curieusement, il ne tire pas les conséquences de son raisonnement dans le dispositif. Dans les décisions à caractère juridictionnel, il est important de respecter le formalisme du jugement ou de l’arrêt. En effet, l’autorité de la chose décidée est rattachée au dispositif uniquement. La règle est que les questions qui ont été effectivement discutées soient tranchées dans le dispositif et que c’est seulement cette partie à laquelle il faut se référer pour déterminer la portée de l’autorité de la chose « décidée » ou jugée.
En France, CC Assemblée plénière du 13 mars 2009 (n° 08-16.033) ; Civ. 3e, 1er oct. 2008 (n° 07-17.051) ; Civ. 2e, 20 mai 2010 (n° 09-15.435) ; Civ. 2e, 17 oct. 2013 (n° 12-26.178). Cette jurisprudence ayant permis de mettre fin à une jurisprudence ancienne qui reconnaissait dans certaines circonstances les motifs comme ayant l’autorité de la chose jugée. Sur les 19 points figurant sur le dispositif, il n’est nullement fait état de ces deux vices. En définitive, on peut retenir que le CRD dans sa Décision avait, certes, les moyens de rejeter le recours de la SDE sur certains points, mais il apparaît que sur d’autres points, il est allé au-delà de ce que l’on attend d’un régulateur.
En outre, si dans la première Décision, que nous avons salué, l’ARMP a respecté le principe du contradictoire en recueillant les observations de la SDE, suite au dépôt du Mémorandum du Ministère, dans cette seconde décision de fonds, l’Autorité s’est contentée de la réponse du Ministère sans donner la possibilité à la SDE de répliquer. Ne s’agit-il pas d’un recul par rapport à la première décision ?
[1] Décret no 2019-762 du 07 avril 2019 portant composition du Gouvernement
[2] Publication de l’avis de pré-qualification dans le Journal « Le Soleil » du 24 mai 2017 et dans l’- hebdomadaire « Jeune Afrique » du 08 juin 2017. Un avis rectificatif sera publié dans le journal « Le Soleil » du 19 juin 2017.
[3] Journal le Soleil du 23 octobre 2018, p.22.
[4] V. Magnier, dir. « Avant-propos », in Les conflits d’intérêts dans le monde des affaires, un janus à combattre ?, Paris, PUF, Coll. CEPRISCA, p. 5,en ligne : http://www.ceprisca.fr/wp-content/uploads/ 2016/03/2006-CEPRISCA-CONFLITS-DINTERETS.pdf (Consulté le 18 juillet 2019).
[5] http://www.sones.sn/branch-socio/passation40.php (Consulté le 20 juillet