TIENS BON, BARTH !
EXCLUSIF SENEPLUS - L’entière liberté de domination de l’homme sur l’homme n’a pas de point d’équilibre, l’avidité des plus puissants, sans mécanisme régulateur, ne peut aboutir qu’à l’exclusion des dominés
La mémoire élague, privilégie le meilleur et l’émotion ne retient des turpitudes que les plus outranciers. La peinture des événements qu’elle fournit n’a souvent rien d’historique mais s’avère révélatrice de ce qui a compté pour les gens qui les ont vécus. Il nous revient à l’esprit le climat tendu de 2011. A quelques temps de l’élection présidentielle, un cocktail Molotov semblait privilégier un affrontement inévitable entre tenants du pouvoir et opposition.
Les esprits se sont d’ailleurs échauffés un certain 23 juin alors que l’Assemblée nationale s’apprêtait dans sa majorité, à voter une loi qui instaurait désormais l’élection à la présidentielle, au premier tour, avec 25% des voix. Plus de peur que de mal. Le pouvoir réaliste devant le décor du chaos inéluctable qui se dessinait a pris la sage décision de faire machine arrière. Il y a décidément plusieurs façons d’incarner la souffrance. Certains s’étaient alors cantonnés dans les plaintes de salon à la manière crépusculaire aux frontières du morbide. D’autres décident d’agir pour le bien des générations présentes et futures.
Après le temps des lamentations d’une bonne frange de la population, de jeunes gens avec à leur tête un certain Barthélémy Dias avaient décidé de prendre les devants. Au détriment des souffrances qu’ils devaient endurer, ils avaient quand même pris la résolution de défendre leur patrie. Peu importe le prix à payer, disaient-ils déjà. Cette détermination leur vaudra, pour l’essentiel d’entre eux, une case emprisonnement. Mais cela aura surtout l’ire d’inspirer une bonne frange de la population, qui comme un seul homme se donne rendez-vous devant les grilles de l’Assemblée nationale, pour dire non, à une loi qui dans la mémoire collective dénotait plus d’un recul démocratique qu’autre chose.
Aucune stigmatisation si brutale soit-elle, ne peut faire oublier les nombreuses fois où toutes les voix semblaient aphones, hésitantes voire même inaudibles et que celle de Dias s’est élevée pour s’outrer, pour dénoncer ou pour tout simplement inciter à la réaction. Le courage des hommes se mesure à leur aptitude à affronter d’un air tranquille le péril qui risque de découdre des actes qu’ils posent hardiment ou des propos qu’ils auront à tenir. Devant de pareilles situations, ces hommes à la foi inébranlable font le choix de dire tout haut ce qui se pense tout bas. Pour la suite, peu importe à leurs yeux ! Le courage, ce n’est donc pas l’absence de la peur, mais la capacité d’agir face à la peur. L’expression de sentiment d’injustice qui a animé Barthélemy Dias le jour de la condamnation de Khalifa Ababacar Sall lui vaut d’être aujourd’hui encore incarcéré.
La dégradation de la conscience et des comportements sociaux des citoyens, à des degrés divers permet aux politiques d’imposer des règles au détriment d’une majorité boudeuse mais silencieuse. Cette démission, qui commence seulement à étonner certains d’entre nous, doit nous conduire à une réflexion approfondie sur les moyens à mettre en œuvre pour instaurer un équilibre entre les différents acteurs de la société. Au nom de quoi les membres d’une certaine frange des institutions, dite dame justice, ne doivent être pour rien au monde critiquer ?
La dignité humaine a un prix, qu’une démocratie bien comprise n’a pas le droit de solder. L’entière liberté de domination de l’homme sur l’homme n’a pas de point d’équilibre, l’avidité des plus puissants, sans mécanisme régulateur, ne peut aboutir qu’à l’exclusion des dominés. Barthélémy Dias l’a tellement bien compris qu’il n’hésite guère à aller au charbon pour défendre sa position et son point de vue. En réalité, à travers cette posture, Dias pose les jalons d’un débat qui nous engage tous sans exception aucune. Il nous revient donc, en attendant la suite, de lui rendre un vibrant hommage et de lui dire ceci, tiens bon Barth !
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