TOUS COUPABLES !
Notre fleuron autoroutier est à ce jour, la seule autoroute à travers le monde où il m’ait été donné de constater avec étonnement qu’il n’y a aucune interdiction de circuler - Il semble que, même des bovins et des animaux domestiques peuvent y déambuler
Au Québec, il y a autant de véhicules en circulation que d’habitants, plus de six (6) millions de véhicules selon les statistiques de la Société de l’Assurance Automobile du Québec (bilan 2017 dossier statistique SAAQ). Cela représente environ 10 fois le nombre de véhicules existant sur l’ensemble du territoire Sénégalais.
Mais là où le Sénégal enregistre en 2017, plus de 635 pertes en vies humaines dues à un accident routier (Direction de la protection civile), la Province du Québec n’en compte que 359 en 2017 soit 1,5 accidents mortels pour chaque tranche de 20 mille véhicules et, figurez-vous, au Sénégal, 22 accidents mortels pour chaque tranche de 20 mille véhicules.
On est encore très surpris lorsqu’on réalise qu’au Québec, les conducteurs représentent près de 50 pour cent des victimes tandis que les passagers ne représentent que 14 pour cent.
Cela veut dire que les pertes en vies humaines ne proviennent pas de manière prédominante, des véhicules de transport en commun contrairement au Sénégal où un lourd tribut est supporté par des voyageurs à bord de véhicules de transport public de voyageurs..
Comment est-ce possible ? Toutes les conditions sont réunies pour éviter d’exposer la vie des tiers à des périls. L’État veille à prendre des mesures préventives et coercitives pour ne pas mettre en danger la vie d’autrui. Point n’est besoin de les énumérer ici mais, cependant, il est important que nous mettions l’accent sur quelques manifestations de la mise en danger de la vie d’autrui dans notre écosystème routier.
La première fois que j’ai entendu parler de mise en danger de la vie d’autrui au Sénégal, c’était en pleine panique sur Ébola lorsque l’ancien ministre des affaires étrangères actuel Ministre des forces armées et brillantissime avocat Maître Sidiki Kaba avait menacé un jeune Guinéen qui s’était frauduleusement introduit au Sénégal alors qu’il était porteur ou suspecté de porter le virus Ébola.
J’étais surpris car si une telle infraction est expressément définie dans certains codes en vigueur à travers le monde, ici au Sénégal, il ne m’avait pas encore été donné de la retrouver aussi explicitement dans notre droit positif.
Il y a quelques jours, selon la presse, l’Autorité militaire a, de nouveau, invoqué cette infraction au titre de poursuites, intentées à l’encontre d’un faux informateur du MFDC qui aurait tenté de tendre un traquenard à nos brillants soldats.
Je suis presque enclin à penser que, devenu ministre des Forces Armées, Maître Kaba a dû influer fortement sur la prise d’une telle décision par l’autorité militaire, si tant est que ce que relate la presse est vérifié.
Reconnaissons à l’Autorité, la claire conscience qu’il ne peut y avoir de peine sans loi et qu’en conséquence, cette infraction souvent invoquée doit avoir une base juridique avérée.
Tant mieux, qu’à cela ne tienne. L’essentiel est qu’elle puisse être applicable car son impact serait plus que salutaire. Elle a pour vocation de constituer un arsenal préventif dont la finalité est de sensibiliser tous les acteurs socioéconomiques sur les conséquences éventuelles de leurs agissements ou de leurs négligences sur la vie d’autrui.
Dès lors essayons de faire une énumération succincte de cas impliquant la mise en danger de la vie d’autrui.
Sur l’autoroute à péage, en pleine nuit, circule ou est arrêté un camion sans aucune lumière visible à l’arrière. Mieux, il roule sur la voie la plus à gauche ou sur la voie centrale. Des accidents ayant entraîné, notamment, la mort d’un touriste italien ont eu lieu, récemment, dans les mêmes circonstances
Laisser un tel véhicule circuler sur une autoroute à cette heure, sans signalisation visible, représente, certainement, une mise en danger de la vie d’autrui. Surtout, fait aggravant, lorsqu’un membre des forces de sécurité est posté au péage et a vu un tel véhicule emprunter l’autoroute du soleil.
Mais, après de tels accidents, le défaut par les autorités diverses d’en tirer des enseignements, ne représente-t-il pas une négligence coupable pouvant mettre en danger la vie d’autrui ?
Notre fleuron autoroutier est à ce jour, la seule autoroute à travers le monde où il m’ait été donné de constater avec étonnement qu’il n’y a aucune interdiction de circuler. Tous les véhicules terrestres à moteur y circulent. Tiens, même des bicyclettes sur le tronçon Malick Sy échangeur de Hann.
Il semble que, même des bovins et des animaux domestiques peuvent y déambuler. Les panneaux nous renseignent que nous devons faire attention à leur présence éventuelle.
À l’évidence, la prépondérance d’une logique économique face à une logique de prévention et de protection n’est elle pas une menace à la vie des populations, face à de telles négligences ?
Aucune obligation de rouler à une vitesse minimale et aucune interdiction de circuler sur les voies centrales et de gauche pour les gros porteurs ne sont en vigueur.
Je suis loin de suggérer que ces négligences coupables soient le fait de l’exploitant de cette autoroute, sauf si le cahier des charges auquel il était astreint comportait des contraintes inhérentes à la sécurité. Jusqu’à preuve du contraire, une entreprise de travaux publics n’a pas de prérogative de prescription légale ou réglémentaire.
Cette omission concernant des dispositions tirées du code de la route ne constitue-t-elle elle pas une mise en danger de la vie d’autrui ?
Pas besoin d’épiloguer sur l’état manifeste de danger public que représentent certains tombeaux roulants transportant de pauvres concitoyens n’ayant d’autre choix que de s’agglutiner dans ces véhicules indignes du minimum de confort et de sécurité, représentant un droit naturel de l’être humain. En Europe, par respect de la dignité de la vie des animaux, des directives très drastiques sont prises pour assurer un confort et une sécurité optimale au transport des animaux
En somme, tout le monde est coupable :
- Ceux qui ont abandonné l’entretien des routes et qui laissent les citoyens construire des ralentisseurs sans pré signalisation et infranchissables sur des routes nationales
- Ceux qui ne remettent pas les panneaux de signalisation routière préexistants au prétexte que des citoyens malveillants risquent de voler lesdits panneaux et leur support métallique. Oui c’est carrément stupide mais c’est une triste réalité.
- Ceux qui n’appliquent pas les sanctions prévues au Code pénal en restant sans réaction aucune face à tous ceux qui encombrent la voie publique en restreignant la liberté de passage.
- Les bonbonnes de gaz sont librement transportées en pleine agglomération sur des véhicules non équipés pour ce faire. Mais c’est vrai aussi que des charrettes font ce transport et circulent librement dans les rues de la banlieue et des quartiers huppés de temps en temps.
Chercher les causes de la sinistralité déraisonnable dans notre pays relève d’une fuite de responsabilité quand, éclatants comme un soleil au zénith, tous les éléments d’appréciation sont là sous nos yeux. Mais il faut reconnaître que nous avons la fâcheuse habitude de nous réveiller spontanément après un accident grave. Hélas, on y pense quelques jours, puis on oublie.