TRANSFORMER L’ESSAI
C’est un euphémisme de dire que l’industrie du tourisme et du voyage a été durement bousculée par la crise sanitaire de la COVID-19, mais l’effondrement de notre destination tant redouté n’a pas eu lieu
C’est un euphémisme de dire que l’industrie du tourisme et du voyage a été durement bousculée par la crise sanitaire de la COVID-19, mais l’effondrement de notre destination tant redouté n’a pas eu lieu. Pour cela il faut saluer l’implication du Chef de l’Etat et du Gouvernement, qui ont offert un soutien multiforme et une écoute constante à la filière composée essentiellement de petites et moyennes entreprises, dont la majorité n’ont pas la taille nécessaire pour faire face à une crise de cette ampleur. Ce n’est pas une première.
En effet, il est bon de rappeler qu’en novembre 2013 au lancement de la saison touristique par le Chef de l’Etat, la destination était déjà en phase d’obsolescence avancée; Les performances enregistrées ces dernières années résultent pour l’essentiel, de l’engagement et de la volonté politique du Président de la République qui a placé le tourisme au cœur de ses priorités en matière de politique économique, et déployé des moyens financiers et infrastructurels importants pour soutenir le développement du secteur touristique et des transports aériens. Cependant, il existait toujours une marge de progression significative sur des aspects fondamentaux de la gestion de la destination.
Cette crise a mis en évidence des insuffisances et fragilités que nous trainons depuis longtemps en toute ignorance. Y compris l’esprit de rente et l’enclavement de la filière touristique qu’il faut combattre. Il faut bien le reconnaitre, le modèle économique du tourisme au Sénégal est complètement obsolète. Nous devons abandonner les paradigmes du passé et envisager un nouveau modèle de gouvernance et de développement touristique.
Le projet de hub aérien et touristique est viable et ambitieux certes, mais il faut que notre filière survive à la crise. L’horizon 2035 paraît éloigné et nous devons faire bouger les lignes concrètement et maintenant, c’est la grande difficulté et l’affaire de tous parce qu’il s’agit de la survie de notre économie touristique.
Reconsidérer notre rapport avec l’environnement, l’économie et le numérique devient une priorité de l’heure. Les tendances fortes qui se dégagent nous l’imposent ; La révolution digitale qui entraine des mutations de plus en plus saccadées dans l’environnement touristique, la question de la durabilité et la pandémie qui menace la survie des entreprises et impose des tensions partout, sont des phénomènes qui incitent aujourd’hui les destinations à porter une plus grande attention sur le court terme. La reprise de manière inégale des activités dans le monde fait également de la flexibilité une priorité absolue.
Chaque flux et reflux de l’épidémie crée des défis pour les destinations qui sont obligées de réajuster leurs propres plans de relance. C’est pourquoi nous devons être prêts, et capables de nous adapter et suivre l’évolution rapide et toujours instable de l’environnement touristique mondial. La relance de la destination demande une planification tactique sur un horizon de 12 à 24 mois, s’intégrant dans la stratégie du ministère qui s’étend aux 5 années à venir ; C’est bien possible.
Les actions prioritaires de ce plan concerneraient des réglages incontournables comme la restructuration de l’offre touristique, la transformation digitale de l’ensemble de notre écosystème et la mise en place d’un observatoire car nos données ne doivent plus rester uniquement aux mains des grandes plateformes et des entreprises internationales, mais servir nos modèles de développement et éclairer nos décisions stratégiques. Ne laissons surtout pas les autres nous dicter les termes de notre avenir.
La gouvernance des destinations est devenue une question centrale qui déborde la compétence exclusive des organismes institutionnels; Toutes les parties prenantes de la filière sont concernées, sans discrimination aucune comme c’est le cas au Sénégal, où les réseaux et autres lobbys sont aux premières loges, les associations professionnelles, syndicats et sociétés formés au gré des programmes publics et des disponibilités budgétaires. Vivons le temps de la rupture ! Il faut transformer l’essai dans un grand sursaut collectif, come au rugby. Nous avons toujours souffert de la tendance à annoncer d’énormes visions dans des plans stratégiques, attirant l’adulation et le battage médiatique, alors que ceux-ci sont rarement accompagnés de plans de développement des ressources et des capacités pour les exécuter et les mettre en œuvre. Quid du Plan stratégique de développement durable du tourisme au Sénégal (2014 – 2018), du programme de développement touristique de Saint – Louis et sa région (2012 – 2013), et du plan marketing du ministère du tourisme (2017 - 2018)? Le plus difficile est la mise en œuvre de stratégies pour transformer la vision en résultats. « Une vision sans exécution n’est qu’une hallucination »Thomas Edison.
La stratégie et les capacités sont les deux faces proverbiales d’une même pièce de compétitivité et doivent être abordées de manière intégrée, simultanément! Au regard des ambitions exprimées au plus haut niveau de l’Etat et des moyens très importants mis en œuvre depuis 2 ans, nous voyons grand et sommes en droit d’attendre mieux et plus.
Bien cordialement