LE PRÉSIDENT DES BLANCS
Les outrances discursives, la harangue insolente, exclusiviste et raciste de Trump contre les minorités et ses obscénités sexistes auront été oblitérées par le ressentiment des classes moyennes blanches vis-à-vis de l'aristocratie washingtonienne
Il suffisait d'intervertir la date du 9 novembre (9-11) pour avoir 11-9 (11 septembre). Si le 11 septembre 2001 a plongé notre monde dans une nouvelle forme de terrorisme avec les attaques du World Trade Center, ce 9 novembre 2016, date de la présidentielle des États-Unis, peut être ressenti comme un séisme politique qui risque de plonger notre monde dans une ère d'incertitude. Donald Trump, l'homme anti-establishment, l'outsider impudent qui a insulté les Noirs et outragé les Latinos, le harceleur sexiste qui a humilié les femmes et menacé les musulmans a, contre vents et marées, bousculé les codes de la morale politique jusqu'à son élection à la présidence des États-Unis.
Le tribun outrancier qui a fait mentir les vaticinations médiatiques et autres projections défaitistes des intellectuels du système, le loup solitaire qui a battu campagne sans corpus idéologique, sans experts dans le domaine des finances, sans spin doctors est élu 45e président des États-Unis. Seul contre tout le gratin intellectuel de Washington et les caciques parti républicain qui, depuis les primaires jusqu'au duo final contre Hillary Clinton, n'ont jamais réussi à empêcher sa candidature à la présidentielle des USA, Trump, grâce au soutien de la classe moyenne blanche, d'une partie non négligeable des élites blanches, de femmes hispaniques voire des Noirs, a su distiller un discours populiste, démagogique captivant bâti sur le "Make America great again". Ce sentiment de superpuissance que la classe blanche laissée sur le carreau par l'élite semble avoir perdu depuis le 40e président américain Ronald Reagan qui incarnait le "America is back" est de retour au pays de l'Oncle Sam.
Les outrances discursives, la harangue insolente, exclusiviste et raciste de Trump contre les minorités et ses obscénités sexistes auront été oblitérées par le ressentiment des classes moyennes blanches vis-à-vis de l'aristocratie washingtonienne. Iconoclaste et fantasque qualifié de schizophrène, le renard politique qu'aucun chef d'État n'attendait ou ne souhaitait sa victoire déposera ses baluchons à la Maison blanche dans la stupéfaction générale le 20 janvier prochain.
Les classes moyennes oubliées sous le magistère d'Obama, président qui n'a jamais eu les coudées franches avec un Congrès à dominante républicaine hostile à sa politique, ont voté avec colère contre l'ex-First Lady en qui elles voient la continuité de politique d'Obama. Le réel électoral a vaincu l'idéal intellectuel. C'est dire que la souveraineté des peuples triomphe toujours devant la volonté des élites. Et loin d'être la révolution d'une masse exclue par la politique de Washington, l'élection de Trump est simplement une évolution dans la façon de choisir démocratiquement ses dirigeants.
Aujourd'hui que l'impulsif Trump est élu président des États-Unis, chef suprême des armées, appuiera-t-il à la moindre incartade sur le bouton nucléaire pour satisfaire ses folies ubuesques ? Mettra-t-il à exécution ses menaces en expulsant des États-Unis les 11 millions d'immigrants irréguliers et en construisant le mur onéreux (17 milliards de dollars) à la frontière mexicaine pour stopper l'immigration clandestine et l'introduction de la drogue dans le continent américain ? Va-t-il remettre en cause les accords de libre-échange signés avec le Canada et donner un coup d'arrêt au traité transatlantique négocié depuis 2013 avec l'Union européenne ? Va-t-il mener une politique discriminatoire et stigmatisante vis-à-vis des musulmans qui veulent se rendre au pays de l'Oncle Sam connu pour sa culture d'ouverture et inclusive ? Va-t-il mettre son climato-scepticisme en exergue jusqu'à tuer les accords de Paris sur la COP 21 ? Autant de questions que l'on se pose et qui, peut-être, trouveront réponses quand Trump, l'imprévisible, s'installera à la Maison blanche.
En tout cas, les premiers mots "Je serai le président de tous les Américains… A tous les républicains, les démocrates et les indépendants qui composent le pays, je dis qu'il est temps de nous rassembler afin de former un peuple uni " de Donald Trump, à la suite de sa victoire, laissent croire que le candidat insolent de la campagne électorale, qui a divisé profondément l'Amérique, a dupé beaucoup de ses électeurs en commençant à se muer, dès potron-minet, en rassembleur rassurant.