UN MEURTRE, DE PETITES DÉCISIONS ET DU PHARISAÏSME
EXCLUSIF SENEPLUS - L’université sénégalaise est un baromètre du malaise social - Les performances et failles du système d’attribution et des modalités de perceptions incombent à Macky Sall - Et il a failli
Le meurtre de l’étudiant de l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, Fallou Sène, est un nouvel acte de tragédie. En plus de mettre à nu leur incompétence, nos gouvernants font montre d’un grand laxisme qui provoque un drame nous rappelant un autre subi par la communauté estudiantine, le meurtre de Bassirou Faye. A l’époque, le président Macky Sall avait promis de payer les bourses à date convenable, de redonner à l’enseignement supérieur son lustre d’antan. Si ces promesses avaient été respectées, le jeune Fallou Sène serait encore parmi nous en train de se fabriquer un destin. Les propos du leader de Rewmi, Idrissa Seck, et ceux énoncés dans un communiqué du Parti démocratique sénégalais (Pds) appelant à la démission de Macky Sall ne sont pas de morbides exagérations.
La perte d’une âme, de surcroît jeune, est suffisamment grave pour prendre ces propositions comme des loufoqueries politiciennes. Une autorité digne, consciente de sa mission, aurait démissionné quand un problème causant des pertes en vies humaines persiste sans qu’il n’y apporte remède pendant six longues années. Le meurtre de ce jeune étudiant, après plusieurs autres ignominies, traduit un manque de sérénité et interroge l’humanité de ceux qui prétendent mener la barque Sénégal.
L’université sénégalaise est un baromètre du malaise social. D’Abdoulaye Wade à Macky Sall, et même bien avant, on constate une certaine impuissance des pouvoirs publics à résoudre ces équations. Cet espace d’acquisition de connaissances, en plus de jeter des milliers de jeunes Sénégalais dans le sombre désespoir, est devenu l’exutoire des frustrés légitimes se sentant abandonnés par des gouvernants qui ne n’apportent aucune solution à leurs nombreuses interrogations. On se satisfait de quelques petites sanctions contre le maillon le plus faible de la chaîne.
Le limogeage du directeur du Centre régional des œuvres universitaires de Saint-Louis et du recteur de l’Université Gaston Berger, c’est de la poudre aux yeux. C’est ce qu’on appelle de « petites décisions » contre le moyen bruyant. Le vrai responsable, c’est celui qui a promis aux étudiants de leur payer leurs bourses à temps, de prendre en charge leurs préoccupations pédagogiques et sociales sans le faire. Le vrai responsable, c’est celui qui n’a pas veillé à la transparence dans l’attribution des bourses dont une partie importante était octroyée à des fonctionnaires véreux et des copains du copain d’en haut. Les performances et failles du système d’attribution et des modalités de perceptions incombent à Macky Sall. Et il a failli. La moindre des décences aurait été qu’il demandât pardon au peuple sénégalais.
Malheureusement, comme à son habitude, il préfère verser dans le théâtralisme en dénonçant l’attitude outrageuse et laxiste de ses ouailles qu’il est censée aiguiller. Un petit discours teinté d’autoritarisme et truffé de promesses, une « délégation mortuaire » dirigée par Aminata Tall, présidente du Cese, et quelque prodigalité pour se concilier la bienveillance de la famille de Fallou Sène dont il a causé la perte et pour afficher sa « grande compassion » pour les malheurs qu’il a provoqués. Avec Macky Sall, on a fini par banaliser l’horreur. C’est le propre des autocrates de multiplier les monstruosités pour faire tomber le martyr dans la routine. En 2019, le peuple martyr brisera cette routine atroce dans laquelle il croupit.