UN NOUVEAU TOURNANT POUR LE BÉNIN
Mandat unique
Ouestafnews - L’instauration du mandat unique voulue par le président béninois Patrice Talon suscite la discorde. Les observateurs relèvent les inconvénients et les avantages d’une telle initiative pour le Bénin, un pays longtemps considéré comme une place forte de la démocratie en Afrique de l’ouest.
Lire le texte du projet de révision
« Pour le Bénin, le mandat unique pourrait inciter le président élu à se concentrer sur la réussite économique et sociale de son mandat et non à sa réélection », a déclaré Georges Vivien Houngbonon, joint par Ouestafnews.
Selon ce chercheur béninois établi en France, le mandat unique peut être vue comme un moyen de préservation de la vie démocratique, car il enlève « au président élu la tentation d'étouffer l'opposition ».
Devant la presse, à l’issue d’un conseil des ministres tenu le 15 mars 2017, le ministre d’Etat et secrétaire général de la présidence, Pascal Irène Koukpaki, a fait savoir que le texte du projet de révision est désormais sur la table de l’Assemblée nationale.
En effet plusieurs voix s’étaient élevées contre le gouvernement qui tardait à rendre public ce texte, empêchant l’ouverture de débats sérieux au sein de l’opinion publique. De l’avis de Georges Vivien Houngbonon, il y a aussi lieu d’exposer les probables inconvénients de cette nouvelle entreprise constitutionnelle au Bénin.
En l’en croire, il faut craindre une tentation du président élu « à se servir sachant qu'il n'attend pas de sanction de la part des électeurs ». A cela s’ajoutent « le renforcement d'un parti politique dominant et stable, et la prédominance des politiques publiques de court terme au détriment du long terme ».
« L’essentiel pour moi ce n’est pas la durée du mandat qui compte, ni la possibilité d’en bénéficier plus d’un. Le plus important c’est ce qu’on en a fait », estime l’ancien président Nicéphore Soglo, dans des propos rapportés par la presse béninoise. Selon lui, le mandat unique et le mandat renouvelable comporte chacun des avantages et des inconvénients.
« Est-ce qu'il y a une seule raison de penser que le mandat unique sera moins bénéfique pour la gouvernance que le mandat de 5 ans renouvelable une fois […] ? La réponse est non », note un ancien ministre du président sortant Boni Yayi, le professeur Victor Topanou.
Son ancienne collègue au sein du gouvernement Yayi, Marie-Louise Gbédo, ancienne ministre de la Justice, par ailleurs présidente des femmes juristes du Bénin, fait partie des pourfendeurs du mandat unique.
Un mandat unique de six ans
Le président Patrice Talon a été élu en mars 2016. Il s’est engagé dans une panoplie de réformes économiques et politiques qui lui valent bien des critiques émanant d’une partie de l’opinion, après le lancement d’un nouveau programme économique dénommé « Bénin Révélé ».
Ce dernier s’attaque à la révision constitutionnelle avec sa proposition phare du mandat unique accompagné d’un mécanisme de financement public pour les partis politiques en fonction de leur présence au parlement.
Consulté par Ouestafnews, le texte du projet propose une révision de l’article 42 qui stipule que « le président de la République est élu au suffrage universel direct pour un mandat de six ans non renouvelable. En aucun cas, nul ne peut exercer plus d'un mandat présidentiel ».
Dans l’exposé des motifs, le gouvernement souligne le mandat unique est vu comme un moyen de recadrer l’attelage institutionnel qui offre « au président de la République d'importantes possibilités d'exercer ses pouvoirs et de contrôler les institutions en disposant des moyens de l'Etat pour son triomphe personnel et la réitération de son mandat ».
Sur les 160 articles que compte l’actuelle Constitution (qui date de 1990), le texte propose la révision de 43 dispositions et l’introduction de quinze nouvelles autres.
Après la très symbolique conférence nationale de 1990, le Bénin, longtemps considéré comme une vitrine de la démocratie en Afrique de l’ouest, s’engage dans un nouveau tournant. Le projet, si l’on se base sur les récentes sorties du gouvernement, ne fera pas l’objet d’un référendum. Son approbation va certainement passer par l’Assemblée nationale où un vote favorable des 4/5 des membres est requis.