UN SOMMET DE PLUS
EXCLUSIF SENEPLUS - Ce 5ème Sommet UA et UE était naïvement attendu comme un moment indiqué pour véritablement lancer le "partenariat stratégique" évoqué déjà dans l’accord de Cotonou - Aucun plan n’a été élaboré, aucun engagement précis pris
« A Abidjan les dirigeants Africains et Européens ont rendez vous avec l’Histoire », l’expression a fait florès à la veille du 5eme Sommet Union Africaine et Union Européenne qui s’est tenue à Abidjan les 29 et 30 novembre 2017.
C’est que l’événement survenait au moment ou le monde entier voyait avec horreur la résurgence en Libye de la traite négrière sous la forme de marché d’esclaves ou de jeunes Africains migrants vers l’Europe étaient vendus comme du bétail. Au moment ou la faillite de la plupart des Etats Africains à faire droit aux libertés fondamentales et à aux besoins essentiels des citoyens est patente.
Dans le même temps, l’Afrique est en train de perdre la guerre contre le terrorisme religieux et identitaire à laquelle s’est alliée l’Europe et la France en particulier. Les Boko Haram, les Vengeurs du Delta, les Shabab, les groupes jihadistes et indépendantistes qui sévissent au Mali, dans le Sahel jusqu’au sud algérien, au Maroc et en Tunisie sont sur l’offensive.
Les armées africaines et celles alliées de la France ainsi que les troupes d’appoint des Nations Unies sont partout sur la défensive. Dans ce contexte ce 5ème Sommet Union Africaine et Union Européenne était naïvement attendu comme un moment indiqué pour véritablement lancer le « partenariat stratégique » évoqué déjà dans l’accord de Cotonou (2000).
Il était notamment attendu que l’Union Européenne s’engage pour un montant susceptible de contribuer de manière décisive à la mise en place effective de la Force Africaine en Attente. Le Conseil de l’Union européenne avait reconnu en effet dés 2005 que «Sans paix, il ne peut y avoir de développement durable » et s’engageait à soutenir la création et le renforcement de la Force Africaine en Attente de l’Union Africaine afin de contribuer à instaurer la stabilité indispensable au développement durable de l’Afrique.
Un New Deal en Afrique financé par l’Union Européenne a même été espéré. On a estimé en effet que dans l’esprit du plan mis en œuvre par Franklin Delano Roosevelt aux USA de 1929 à 1932, de Grands Travaux d’infrastructures et de travaux publics permettront le développement de l’agriculture moderne et de l’industrie.
Ces travaux à haute intensité de main d’œuvre permettraient aussi d’offrir des emplois décents aux 30 millions de jeunes Africains qui viennent chaque année sur le marché du travail. En fait le 5eme Sommet n’aura traité ni de la Force Africaine en Attente ni d’un New Deal pour l’Afrique.
Malgré l’intitulé de son agenda « Investir dans la Jeunesse », le Sommet n’a abouti qu’à des résolutions relatives à l’établissement d’une « Task Force » en Libye, au « démantèlement des réseaux de trafiquants d’êtres humains », la facilitation du « retour des migrants dans leurs pays d’origine », à « la relocalisation des demandeurs d’asile », et à « la protection des migrants le long de routes migratoires ».
Si l’éducation et la formation, la paix et la sécurité, la mobilisation d’investissements pour la croissance économique et la migration ont bien été identifiés comme des priorités, aucun plan n’a été élaboré, aucun engagement précis pris. Or ainsi que l’indique la Banque Africaine de Développement (BAD) le chômage et le sous emploi sont le lot des 10 millions des 13 millions de jeunes qui viennent chaque année sur le marché de l’emploi en Afrique.
Comment mobiliser les investissements requis pour créer les millions d’emploi nécessaires puisqu’en 2050 déjà, l’Afrique comptera plus de deux milliards d’habitants dont 60% aura moins de 25 ans ? Comment assurer le passage des économies de subsistance actuelle à des économies industrielles ? Comment faire le grand bond en avant par le numérique ?
Il ne faut pourtant jeter la pierre ni à l’Union Européenne, ni à la France ni à aucun autre Etat. Il n’est ni de la responsabilité ni de l’intérêt de l’Union Européenne de poser les défis de l’Afrique et de lui offrir un quelconque Plan. Le statu quo est même tout bénéfice pour l’Union Européenne.
Elle jouit de plus vis-à-vis de l’Afrique qui représente 9% de son commerce à l’échelle mondiale d’un excédent commercial grandissant. L’Afrique lui assure une fourniture stable et régulière en pétrole, gaz et autres matières premières agricoles et minières.
Sa flotte de pêche écume à moindre cout toutes les mers d’Afrique, de l’Atlantique à l’Océan Indien. Ses Accords de Partenariat (APE) qui s’imposent de plus en plus aux différents états africains ne feront que conforter cette situation.
Il est de la responsabilité des Chefs d’Etat africains de réclamer une Nouvelle Donne.
Ce sont eux qui sont responsables du chômage de masse des jeunes ! C’est leur mal gouvernance qui sert de terreau au terrorisme. C’est donc à eux donc de concevoir le « Plan » pour faire face à la demande des Africains en éducation, en santé, en emplois et en sécurité notamment afin que l’atteinte des Objectifs du Développement Durable en 2030 ne soit pas différée encore une fois.
C’est à peu prés ce que le président Ghanéen Nana Akufo-Addo dira au président français Emmanuel Macron venu lui rendre visite juste après la clôture du Sommet. « …Il est temps que les africains cessent de conduire leurs politiques sur la base de ce que souhaitent l’Union Européenne ou la France. Soixante (60) ans après les indépendances, il est temps que les africains financent eux-mêmes leur éducation et leur santé. Il est urgent de rompre avec la mentalité de l’assistanat et de mendiants éternels. L’énergie de sa jeunesse qu’elle perd dans la quête d’un ailleurs, doit être investie sur le continent, en lui offrant des perspectives réelles. Les gouvernants africains doivent s’astreindre à une gouvernance rigoureuse et faire de la reddition de compte leur cheval de bataille… »