UNE INTERVIEW, ÇA SE PRÉPARE…
Interview, entretien à bâtons rompus, entretien documentaire… le dialogue entre un journaliste et une personne-ressource, ça se prépare. Et avec rigueur !
Que cet échange doive se dérouler en studio ou ailleurs, le journaliste doit s'y préparer, au lieu de croire que l'interview, c'est juste poser des questions, peu importe l'ordre dans lequel on les pose et la manière mise à cela, la bonne maîtrise du sujet, laquelle se sent à travers la pertinence des questions. Ajoutons-y l'assurance, la bonne tenue de l'intervieweur lui-même qui n'est pas forcément bon parce qu'il a, pour ainsi dire, maltraité son "invité", jusqu'à faire de cette rudesse une marque de fabrique et un style qui le font redouter.
Gare au retour de flamme au lendemain du jour où un invité teigneux, perspicace et au caractère trempé dans l'acier aura renversé l'ordre instauré par l'intervieweur. C'est ce qui est, vraisemblablement, arrivé à l'animateur de l'émission Faram Facce de la chaîne de télévision dakaroise Tfm. Par deux fois, le présentateur a perdu la face devant ses invités.
Devant l'une des figures de proue du parti d'opposition Rewmi, Abdourahmane Diouf, un universitaire brillant dans son argumentation, posé dans ses allures… "Je risque de vous recadrer tout au long de l'émission", a-t-il averti son hôte à l'émission de Tfm. Et on n'avait pas fini de commenter cette dérouillée que le journaliste, essayiste et polémiste Abdou Latif Coulibaly, secrétaire général du gouvernement, fit encore au présentateur de Faram Facce à qui l'invité fait grief de n'avoir pas lu le livre "Le Sénégal sous Macky Sall : De la vision à l'ambition, Les réalisations à mi-mandat". Eh oui ! Préparer l'interview aurait été, entre autres préalables, de lire le livre de l'interlocuteur.
L'interview, le journaliste doit en rester maître plutôt que de laisser, de fait, l'interlocuteur en dicter la conduite, le rabrouer avec une rudesse telle qu'il n'aurait plus le courage de poser des questions pertinentes, pouvant paraître comme gênantes. Bien préparer son interview, pour poser "les bonnes questions qui appellent les bonnes réponses" plutôt que de laisser l'interviewé s'engouffrer dans une brèche qui laissera découvrir que l'intervieweur ne maîtrise pas son sujet.
Le présentateur de "Faram Facce" se sera rendu un service d'autant plus mauvais que ses invités à venir auront découvert le défaut de sa cuirasse d'intervieweur qui ne maîtrise pas les sujets et compense cette insuffisance par une agressivité déplacée en certaines circonstances.
L'interview et les questions qu'on y pose ne sont pas une formalité… Pour réaliser une bonne interview, le journaliste ne doit pas se contenter d'entendre parler son interlocuteur ; il doit l'écouter ; l'écouter, c'est le suivre pour, entre autres, placer ces fameuses questions relances qui donnent du piquant à l'entretien et sont la preuve que le journaliste a été en présence de son interlocuteur. Bien suivre son interviewé pour ne pas s'en laisser conter, se laisser mener en bateau, se faire raconter des contrevérités…
Ce n'est pas pour rien que l'interview est catégorisée "genre majeur". N'importe quel journaliste ne peut la réaliser selon les règles de l'art dont la moindre n'est pas un bon background, mais aussi un caractère ferme. En effet, il y a des interlocuteurs difficiles, pas du tout commodes, d'autres de mauvaises du genre à vous dire "répondez à ma question ou l'entretien s'arrête-là" alors qu'ils ont eux-mêmes accepté de se prêter à la règle questions-réponses du journaliste).
Il y a de ces personnes dont le malin plaisir est de tenter de déstabiliser le journaliste pour le plonger dans le doute sur ses propres capacités… "Ce n'est pas la peine de prendre un air naïf pour poser une question qui n'en est pas une", a rembarré, un jour, Nicolas Sarkozy alors pas encore président de la République de France, à un journaliste à la télévision française.