À VAINCRE SANS PÉRIL...
La levée de l’immunité parlementaire du député Khalifa Sall va symboliser une étape décisive dans le démantelement méthodique de nos institutions - Il est plus que temps pour les forces vives de la nation d’exiger la libération de l’otage Khalifa Sall
La levée de l’immunité parlementaire du député Khalifa Sall va symboliser une étape décisive dans le démantèlement méthodique de nos Institutions, auquel s’est attelée la Coalition Benno Bokk Yakaar, avec à sa tête, le président de l’APR.
Il est vrai que l’emprisonnement d’adversaires politiques est bien ancré dans les mœurs au Sénégal. Combien de nuits Me Abdoulaye Wade a-t-il dû passer à "l’hôtel zéro étoile" de Rebeuss, avant d’accéder à la magistrature suprême, le 19 mars 2000 ? Lui-même élu Président, a eu à faire incarcérer Mr Idrissa Seck, alors considéré comme favori à l’élection présidentielle de 2007, coupable à ses yeux de divers délits (détournement de fonds dans les chantiers dans la ville de Thiès, corruption, faux et usage de faux, atteinte à la défense nationale et à la sûreté de l'État)
Les dissensions nées du partage du butin finiront par être aplanies par le protocole de Rebeuss, présentant la double caractéristique d’être tout à la fois célèbre et secret. Ensuite, en 2009, le régime libéral tentera, sans succès, de faire arrêter pour blanchiment d’argent Mr Macky Sall qu’il percevait déjà comme une menace pour sa stratégie de dévolution monarchique du pouvoir.
La nouveauté, s’agissant du maire de Dakar, Khalifa Sall, c’est l’absence de négociations susceptibles d’aboutir à un nouveau protocole nébuleux, la faiblesse de la résistance, voire la complicité de certains partis politiques et organisations de la société civile à cette forfaiture, avec en toile de fond, la volonté de plus en plus affirmée d’empêcher la participation d’un adversaire politique aux prochaines élections présidentielles.
Le hold-up électoral observé lors des dernières législatives du 30 juillet dernier, point d’orgue d’une déliquescence avancée du processus électoral, est révélateur de l’installation progressive d’un vide institutionnel lourd de dangers pour la survie de la Nation et de la République.
En effet, le jeu de yoyo autour de l’immunité parlementaire arbitrairement refusée au nouveau député Khalifa Sall a fini de mettre à nu les gros mensonges sur la séparation et l’équilibre des pouvoirs, auxquels ne font semblant de croire que les thuriféraires du pouvoir actuel et de tous ceux qui l’ont précédé.
Accordons-nous avec l’ancien député Babacar Gaye, citant la Commission d'évaluation des Privilèges et Immunités du Parlement européen qui estime que "l’immunité parlementaire n'est pas un privilège au bénéfice personnel du membre du Parlement, mais plutôt une garantie d'indépendance du Parlement et de ses membres vis-à-vis des autres pouvoirs" !
De fait, selon les dispositions de l’article 61 de la Constitution, l’Assemblée Nationale a la possibilité de demander la levée de la détention provisoire du député-maire Khalifa Sall. Mais hélas ! Les honorables députés, surtout ceux de la majorité, redevables de leur mandat - non pas au peuple souverain - mais au Président de la République, font la sourde oreille, semblent courber l’échine et perdre le peu d’honneur, dont ils étaient encore crédités par l’opinion.
Sinon, comment comprendre, que la séance inaugurale de la treizième législature ait pu se tenir le 14 septembre dernier, sans que soit réglée la question préjudicielle de l’immunité parlementaire nouvellement acquise par le député Khalifa Sall, depuis la proclamation, un mois plus tôt, des résultats des législatives par le Conseil constitutionnel ?
Dans le même ordre d’idées, il est incompréhensible que le Procureur écrive au Président de l’Assemblée Nationale pour la levée de l’immunité parlementaire du maire de Dakar, alors qu’une fin de non-recevoir avait été opposée aux nombreux recours de ses avocats sur cette question.
L’exil forcé de Karim Wade et la prise en otage du maire Khalifa Sall ne suffisent pas à garantir à l’actuel président sa réélection lors des présidentielles de 2019. Mais même dans ce cas, notre pays pourrait être confronté à une crise politique majeure comme ce fut le cas de la Côte d’Ivoire, qui a connu une décennie d’instabilité sous Laurent Gbagbo élu lors d’élections, dont certains candidats comme Ouattara avaient été arbitrairement écartés.
C’est pourquoi, il est plus que temps pour les forces vives de la Nation d’exiger la libération de l’otage Khalifa Sall et le retour aux vieilles traditions démocratiques, qui jusque-là, ont valu à notre pays, son excellente réputation de modèle démocratique en Afrique et dans le monde entier.