VENDREDI SAINT DES FAUX TERRORISTES
EXCLUSIF SENEPLUS - Arrêtez de chercher des mirages de « terroristes » dans les foules en colère de nos rues. Vous avez pris l’ombre pour la proie ; la conséquence pour la cause ; la colère sociale pour la haine des étrangers
Sud Quotidien : « La rue dicte sa loi » ;
L’AS : « L’Etat se radicalise » ;
Walf Quotidien : « La chienlit s’installe » ;
Le Quotidien : « Diome saccage Sonko » ;
Voilà donc la Une de ce samedi des cinq quotidiens majeurs. C’est moi qui les qualifie ainsi. « Le Témoin » de mon ami MON fait comme d’habitude « week-end anticipé ». Pour le qualificatif de « majeur », il vous souviendra que je fais toujours du parti pris dans mes réactions face à la vie et aux épreuves qu’elle nous impose. Cinq « Unes » donc, de nos quotidiens les plus significatifs et qui influencent, qu’on le veuille ou non, nos choix et décisions, nous anesthésient, nous revitalisent, vaccinent (tiens! cette actualité-là a disparu des radars), n’ont absolument pas vu des terroristes dans les rues de Dakar ce vendredi. Et plus significatif encore, ils n’ont donné aucun crédit au méli-mélo du premier flic du pays. D’ailleurs, on est mal barrés avec un tel flic ! Et dire qu’il est le premier d’entre eux !
Malgré tous les efforts louables du ministre de l’Intérieur, Antoine Diome, pour dramatiser ce que nous vivons depuis quelques jours, surtout ce vendredi, les « faiseurs d’opinions » (quelle belle blague !) qui ont pignon sur rue, ont dit : « désolé monsieur le ministre, avec toute la trouille que vous voulez nous foutre, on n’a pas vu de terroristes avec kalachnikovs et bombes à simplex faire exploser des bus et Ndiagasylla Ndiaye bondé, des immeubles et autres monstruosités caractéristiques du terrorisme et des terroristes. Vous pouvez faire mieux pour faire...exploser notre « trouillomètre ».
Alors, vous croyez que ces milliers, voire millions, de gens qui étaient dans les rues de « toutes » nos grandes villes ce vendredi, accepteront cette exécrable définition, qualification de la colère qu’ils crachaient, avec leurs tripes, leurs narines enfumées ?
Dites, vous croyez que ces milliers de jeunes, de beaucoup moins jeunes aussi, qui « faisaient leur marché » dans les magasins Auchan, ployant sous le poids des sacs de riz, bouteilles d’huile et autres boîtes de lait (ou même des liqueurs, tiens) étaient des djihadistes ? Non, monsieur le ministre les déçus de vos politiques malgré vos « grands projets » ; les candidats recalés ou à la recherche du prix de la pirogue pour aller en Europe ou, plus probablement, mourir dans le ventre de l’océan, les prisons et camps abjects libyens, les centres de rétention de l’Europe… Ces « terroristes », monsieur, ce sont les "banabanas" qui squattent nos rues et ruelles ; ces mécaniciens de fortunes, menuisiers de circonstances (comme leur vie) ; des collégiens des salles de classe où la distanciation sociale est impossible parce qu’ils sont à 3 voire 4 par tables-bancs ; ces écoliers assis par terre sous des « abris » qui de provisoires sont devenus...définitifs. Ce sont monsieur, les bonnes que nous avons dans nos maisons et que nous payons avec des lance-pierres ; pour les plus chanceuses qui ont des « patrons » comme vous et moi. Mais les autres qui sont aux coins de nos rues, assises ou couchées, attendant qu’une patronne (en général) qui peut être vous ou moi, vienne les ausculter, tapoter, interroger sur tout ; si elle est mariée ou non. Voilà monsieur le ministre, vos terroristes de ces journées d’émeutes dans les rues de nos villes et villages.
Vous savez ce que je crois ? Je crois que cette séquence de cinq minutes en français s’adressait... à la France, au locataire de l’Élysée et par ricochet, à tous ceux qui voient des terroristes partout et non des victimes de politiques. Mais cela m’étonnerait que les représentations diplomatiques qui vivent parmi nous gobent ce gros mensonge d’État. Il n’y avait pas de « terroristes » dans nos rues ces derniers (et prochains ?) jours, monsieur le ministre. Il y avait des pans entiers de notre peuple victimes principales (pas collatérales) des fonds détournés au lieu de servir au développement ; il y avait des citoyens qui ne veulent plus que la République soit dépecée par tranches ; que sa justice soit prompte à embastiller certains et à fermer les yeux sur d’autres ; que notre police cesse de croire qu’elle dispose du permis de molester, voire frapper et/ou torturer dans leurs fourgons et autres pièces de détention. Voyez monsieur, ce sont tous ceux-là « les hordes terroristes » qui ont pris d’assaut nos rues, nos villes, nos villages.
Et puis, en tant que premier flic du pays, vous n’avez rien noté de...bizarre ? La sélection systématique des commerces attaqués ! Il s’agit principalement de ceux qui sont supposés (à tort ou à raison) appartenir aux capitalistes du pays du grand ami de notre président : la France de Macron ! Bien sûr que je ne le cautionne pas ; mais oui je le comprends parfaitement. Ventre vide monsieur, appelle au remplissage d’urgence. De préférence, des biens « jugés nous avoir été volés » par les « anciens colons ». Ce mouvement de défiance, de rejet, a gagné un certain nombre de pays africains. « France dégage » condense ce sentiment que certains idéologues qualifient de « sentiment anti-français ». Ce n’est pas contre les Français et la France, mais contre la mainmise des grands groupes français sur nos économies. Cela avait tellement énervé le président français qu’il convoqua quatre chefs d’État du Sahel en bute à des vrais terroristes à Pau pour dire, non les sommer, d’arrêter tout de suite ces manifestations anti-françaises qu’il ne saurait ni tolérer ni supporter plus longtemps. Au risque de ramener ses Rambos à la maison et laisser les pays concernés avec leurs djihadistes. « Tiens, si vous m’émergez, je pourrais même soutenir en douce certains de ces illuminés pour menacer vos capitales ». C’est de tout cela qu’il s’agit, qu’il est question. Mais vous avez pris l’ombre pour la proie ; la conséquence pour la (les) cause ; la colère sociale pour la haine des étrangers ; la faim pour la délinquance ; des émeutes sociales pour des actes terroristes.
Monsieur le président se trompe si c’est sa seule réponse à ce qui se passe, se joue sous nos yeux. Il se trompe si seule réponse à la plus grande crise que le pays ait connue depuis... quand Latif ? Hein ? Il se trompe d’époque et de crise, si sa seule réponse est de tailler à Ousmane Sonko le caftan du messie maudit ; du salafiste camouflé, d’un vulgaire adepte d’un « massage deux ou quatre mains », comme l’ironisent dans les salons et lieux huppés ses partisans goguenards !
C’est la cocotte-minute de la faim et de la haine à l'encontre de vos collaborateurs pilleurs qui explose dans le ciel lourd de votre septennat ; du silence sonore dont vous entourez votre avenir présidentiel dans trois ans. Dites à haute et intelligible voix : que serez ou pas candidat en 2024. Que Sonko et les autres râleurs ne sont que des fieffés menteurs en vous soupçonnant à tort. Dessein funeste d’une dynastie …rampante, pour reprendre la formule désormais célèbre de votre actuel ministre d’État et non moins directeur de cabinet. Les dictatures comme les dynasties ne rampent pas. Elles sont debout raides comme des piquets avec leurs organes de domestication, ou dégénérées, couchées, et ensuite piétinées par les peuples redevenus citoyens à part entière pour remettre sur pied leur République !
Alors, pour ce que ça vaut, permettez monsieur le président un conseil en guise de solution à la « chienlit » dont parle Walf, le « radicalisme » de l’AS, la « dictature de la rue » qui a certainement dû faire peur au Sud de feu Babacar Touré (notre BT à jamais), et l’ironie du « saccage » du Quotidien de Madiambal Diagne. Libérez maintenant Sonko (et tous les embastillés de ces dernières semaines) qui n’est pas le seul pire ennemi que vous avez ; que la Justice fasse enfin un travail de justice en jugeant judiciairement, sans aucune forme d’immixtion, les citoyens Adji Sarr et Ousmane Sonko. Dites haut et fort si vous serez ou pas candidat pour un troisième mandat en 2024. Et vous aurez la paix pour finir celui en cours (le dernier, nom de Dieu !).
Monsieur le président, regardez bien votre entourage actuel, votre gouvernement, vos DG et autres conseillers futiles. Ils étaient où ? Avec qui ? Vous les aviez accusés de quoi ? Promis l’enfer de Rebeus après le sabre de la Crei. Les mêmes qui soufflaient dans l’oreille du pape Wade de massacrer la Constitution avec quelques opposants (dont vous) au passage pour bien montrer « que force restera à la loi ». Quelle est cette loi qui pour « rester » doit supprimer des vies ? Innocentes des fois ?
Arrêtez de chercher des mirages « terroristes » dans les foules en colère de nos rues l n’y en a pas ! Il n’y a que plusieurs milliers de vos concitoyens en colère pour des tas de raisons que vous seriez avisés de décrypter au lieu de courir les terroristes parmi les pilleurs d’Auchan et autres stations d’essence. En votre âme et conscience monsieur le président, les cinq morts ces dernières 24 h, dont certains par balles, étaient-ils des « terroristes » ?
Post-scriptum
Des locaux de médias ont été vandalisés, voire saccagés. Ceci est inacceptable en démocratie et en République. Que vous aimiez ou non ce qu’ils disent, écrivent, montrent, ou ne montrent pas justement, ils ont le droit d’exister. Si vous n’aimez pas ce qu’ils écrivent, disent, montrent, ou ne montrent pas, zappez-les, bon Dieu ! S’ils sont du service public et qu’ils émargent au budget national, vous avez le droit d’exiger d’eux une information plurielle, objective, juste. C’est ce qu’on appelle le droit à l’information du peuple. Étant entendu que les privés font de l’argent pour leurs propriétaires, actionnaires en faisant au passage « du service public payant ». Voilà la différence.
Cela dit, dans une société, tout le monde doit assumer ses actes, ses alliances, ses connivences, ses amitiés. J’entends le sempiternel argument de défense : « les journalistes ne font que leur travail ». Faux ! Certains en font plus que leur travail. Déontologiquement parlant. Mais aussi, aucun organisme n’a le droit, ni le pouvoir du reste, de fermer des radios et/ou télés, journaux, sous prétexte qu’ils disent, montrent en direct ce qui est en train de se passer dans nos rues, villes. Aucun organe n’a appelé « allez massacrer celui-ci, allez piller telle enseigne de tel magasin ou station d’essence ». Et puis, différencions journalistes, journalisme et médias sociaux citoyens. Ne pas se tromper de médias, donc de cibles.