2018, PRIORITÉ À LA DÉPOLITISATION
EXCLUSIF SENEPLUS - Avec près de 300 partis politiques enregistrés depuis notre ouverture au multipartisme, nous vivons, tel un traumatisme d'un monopartisme mal vécu, une démesure pathologique de la politique tous azimuts, dans notre espace public
Parler de dépolitiser la politique peut sembler insensé, comme l'aurait charrié un autre - cela équivaudrait à proposer la déshydratation de la pastèque. Mais ailleurs autres mœurs, ici au Sénégal il se passe des choses que l'on n'imagine nulle part, lesquelles donnent bien un sens à cette proposition. La politique visée ici est la politicaillerie et les politicards - ses adeptes, invasifs dans notre société.
Avec près de trois cent partis politiques enregistrés depuis notre ouverture au multipartisme, nous vivons aujourd'hui, tel un traumatisme d'un monopartisme mal vécu, une démesure pathologique de la politique tous azimuts, dans notre espace public. Si besoin était, cela suffirait à donner raison à feu le Président Senghor pour son option d'ouverture limitée au multipartisme. La réalité convenons-en est que le sénégalais d'aujourd'hui à une relation répulsive avec l'exagération. L'on trouve chez nous, que quand quelque chose est bien, trop en faire ne peut que mieux être.
Ce qui est absolument faux ! Trop, n'a toujours été que mauvais et un attribut à réfréner à jamais. Après avoir joué maladivement la quantification en tout, le sénégalais que nous sommes, se réjouit ingénument d'être qualitativement le meilleur partout : en religion, en démocratie, en valeurs humaines etc... La réalité est toute autre.
2017 et sa palme de l'absurdité : 47 listes aux législatives.
C'est ainsi qu'en 2017, année d'élections législatives cruciales apparentées à des primaires pour les présidentielles de 2019, nous nous sommes retrouvés avec 47 listes de candidats de partis et coalitions - une extravagance alarmante qui n'a laissé personne indifférent. Que l'on en arrive à ça pour une fois, malgré le cortège de signes prémonitoires, sans qu'aucun effet normalisateur ne soit intervenu comme réaction, peut être imputable aux seules instances chargées des élections. L'on tolérerait.
Mais si cela se devait se répéter, alors que toute la société, les autorités au pouvoir et les membres de l'opposition inclus, ont eu à regretter l'absurdité que ce fût, la communauté toute entière, surtout les acteurs et activistes politiques, les intellectuels de tous bords, serait à blâmer pour son incurie. L'on ne devrait pas avoir plus de sept candidats à la présidentielle de 2019, la majeure partie émanant naturellement des quatorze listes qui ont réussi à s'en tirer avec au moins un député aux législatives de 2017.
Ailleurs, dans les pays où le ridicule, d'une manière ou d'une autre anéantit, quelqu'un qui ne peut être élu délégué d'un quartier, qui aurait perdu jusque dans son bureau de vote à des élections législatives ou locales, n'oserait s'imaginer candidat à des présidentielles. Ce n'est pas de la démocratie, tant s'en faut, que de laisser qui veut, parce que simplement financièrement nanti, s'amuser à ternir l'image de la République pour son égo fantasmatique.
La politique est trop sérieuse pour n'être tenue que pour de la loterie. Pour le moins, elle est question de valeurs, de principes, d'un programme, d'un engagement à servir sa communauté. On a près de trois cent partis, mais combien sont-ils à pouvoir se distinguer de par des valeurs et idéaux singuliers inculqués à leurs membres et véhiculés par eux? - Presqu'aucun!
Tous pareils, leur identité est juste la personne à la tête, qui dirige à sa guise, le reste n'étant pour lui que groupe de personnes prêt à faire l'objet de marchandisation politique, au gré de son égo.
Cette pratique qui concourt au développement d'une politique politicienne tentaculaire, ainsi que l'inconséquence des médias publics dans leur rôle de publicité, plutôt attaché au buzz politique qu'à l'aspect éducationnel de l'information, est la cible de la dépolitisation que j'évoque ici et qui au sens large concerne en fait toute la sphère publique.
Il est simplement question de donner place par exemple à la citoyenneté et autres activités volontaristes dans la sphère publique plutôt que de laisser libre cours à l'hégémonisme corruptrice de la politicaillerie - ce processus d'émiettement de la nation dans un approfondissement permanent, qui sape tout effort.
Aujourd'hui voyez-vous, toute initiative sociale ou culturelle et même religieuse qui ne serait pas rehaussée par la présence d'un représentant de l'Etat, n'aurait pas sa caution et son concours, perdrait tous sens et intérêt pour les initiateurs et sèmerait en leur sein la frustration. Toute intervention publique ne vise aujourd'hui qu'à utiliser et contrôler le pouvoir politique, pour revendiquer de façon opportuniste des privilèges indus.
C'est ce chantage lucratif politico-électoral et non un fervent prosélytisme, qui nous vaut aujourd'hui par exemple d'avoir près de trois cent jours de cérémonies au prétexte religieux, lesquelles mobilisent toutes nos énergies et ressources, sans que personne n'ose en questionner publiquement la pertinence. L'on a trouvé le moyen au Sénégal de programmer pour autant de jours qu'il n'y a dans l'année, le Gamou, qui au début n'était prévu que pour le jour de la naissance du prophète.
Il en est de même que pour le Magal. Imaginez un peu si les khalifes du prophète (psl) s'étaient mis à ajouter chacun un pèlerinage de plus à celui décrété par Dieu, au prétexte que ça ne peut pas être un acte mauvais. Juste pour dire qu'il faut savoir mesure garder. Malheureusement ce n'est pas notre fort.
De la responsabilité des médias sur notre orientation:
En prélude aux présidentielles qui vont se dérouler à l'entame de 2019, la nouvelle année 2018 risque d'être un tremplin idéal pour l'exacerbation de ces types de chantages et complots électoraux, nébuleux, cyniques et sournois.
Pour plus de netteté ce sont les organes de médias publics qui doivent, pour le bien ultime de la nation, s'affranchir de leurs prétendues neutralité et transparence qui ne masquent que mal une réalité aux antipodes, de tractation entre le pouvoir et les différents groupes d'intérêt et s'appliquer à n'être motivés dans leur choix de ce qu'ils doivent diffuser, que par les valeurs et idéaux auxquels aspire la nation; et non par un buzz qui l'avilit, juste bon à la proscription.
En ce début d'année 2018, il convient d'appeler ces derniers à une résolution d'un peu plus de conscience et de professionnalisme, qui si elle est suivie, déstabiliserait profondément la masse de démons activistes qui polluent effrontément l'espace médiatique. Cela contribuerait à assainir la sphère publique, aux fins d'adoption de mesures idoines aptes à permettre des présidentielles sereines en 2019. Bonne année 2018.