AFFAIRE CLASSÉE
Mimi Touré estime que l’avis du groupe de travail de l’ONU, qui juge "arbitraire" la détention de Karim Wade, "n’a aucune incidence sur la souveraineté juridique Sénégal"

L’avis du groupe de travail de l’ONU n’est pas de nature à remettre en cause la condamnation de Karim Wade à six ans de prison. Ancienne Garde des Sceaux, Mimi Touré explique pourquoi.
L’ancienne ministre de la Justice et Premier ministre Aminata Touré a beau prôner la réforme de la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI), elle reste un défenseur des décisions déjà prononcées par cette juridiction d’exception. Elle l’a fait savoir aux experts qui estiment que "la détention de Karim Wade est arbitraire". "Le groupe de travail de l'ONU sur les détentions arbitraires devrait mieux utiliser son temps et son énergie car l'affaire Karim Wade a été définitivement jugée par la justice sénégalaise seule compétente en la matière", indique Mimi Touré dans une déclaration reçue à SenePlus.
L’ex-chef du gouvernement "rappelle que le groupe de travail (de l’ONU) n'est pas une juridiction et il n'a qu'un avis d'expert à émettre qui de toute façon n'a aucune incidence sur la souveraineté juridique du Sénégal qui dispose d'un système judiciaire équitable et de juges compétents". Mimi Touré souligne "par ailleurs que Ban Ki Moon, secrétaire général des Nations-Unies, dans son discours de nouvel an, a félicité le Sénégal pour avoir fait avancer le droit pénal international en organisant le procès de Hissein Habré".
Poursuivi pour enrichissement illicite, Karim Wade a été condamné le 23 mars dernier à six ans de prison ferme et 138 milliards de francs Cfa. Une décision intervenue près de deux ans après son incarcération, en avril 2013, et un peu moins d’un an après l’ouverture de son procès, le 31 juillet 2014.
Les experts de l’ONU jugent "abusive" la durée de cette détention préventive et pointent les dysfonctionnements de la CREI, notamment le principe de l’inversement de la charge de la preuve. Ce nouvel avis confirme celui d’avril 2015 qui avait abouti à la même conclusion à propos de la détention de Karim Wade et poussé les avocats de l’État à formuler un recours auprès du groupe de travail onusien. Celui-ci a rejeté la requête invoquant une "absence de fait nouveau".
Interrogé par RFI, un des avocats de l’État a tenu à préciser, sous couvert d’anonymat, que le "groupe de travail n’a jamais dit qu’il faut libérer Karim Wade" avant d’affirmer qu’"il y a beaucoup de manipulation" dans cette affaire. Pour sa part, un des conseils de Karim Wade, toujours au micro de RFI et sous anonymat, réclame la libération de leur client. Il dit : "Aujourd’hui, rien ne les autorise à garder Karim Wade en prison, sauf en violant la loi."
Invitée du premier numéro de l’émission Sans Détour (octobre 2015), une coproduction du journal Le Quotidien, l’institut de formation Sup’Imax et SenePlus.Com, Mimi Touré avait défendu une réforme de la CREI. "Il faut faire évoluer la CREI vers des normes beaucoup plus conformes à la démocratie", avait déclaré l’ancienne Premier ministre sur le plateau. Cependant, s’était-elle empressée d’ajouter, "la réflexion va se faire ultérieurement", pas au moment où des dossiers sont en cours. Son argument : "La CREI est en parfaite harmonie avec les textes et règlements parce qu’elle est conforme à la loi qui l’a créée et le Code pénal." Comprendre : on ne change pas les règles du jeu en cours de partie.