ALPHA CONDÉ ET ABDEL AZIZ À LA MANOEUVRE
Les présidents mauritanien et guinéen sont arrivés dans l'après-midi, après l'horaire de l'ultimatum fixé à 12H00 par la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest
Les présidents mauritanien et guinéen tentaient vendredi à Banjul de convaincre Yahya Jammeh de partir et de céder le pouvoir au nouveau président Adama Barrow, alors qu'a expiré l'ultimatum pour la reprise des opérations d'une force militaire ouest-africaine.
Le Mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz et le Guinéen Alpha Condé sont arrivés dans l'après-midi, après l'horaire de l'ultimatum fixé à 12H00 par la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao, 15 pays), selon un journaliste de l'AFP et un diplomate africain.
Ils comptent proposer à M. Jammeh "des pistes de solution, notamment un exil dans un pays de son choix", a affirmé à l'AFP à Conakry le secrétaire général de la présidence guinéenne, Kiridi Bangoura.
"Nous avons encore toutes les chances de parvenir à une solution pacifique", a assuré M. Ould Abdel Aziz, peu avant son départ pour Banjul avec M. Condé, qui l'a rejoint à Nouakchott dans la nuit. "Nous devons trouver une solution politique à ce problème, nous nous y employons", a renchéri M. Condé, poursuivant, l'air confiant:
"On s'en va apporter le bonheur" à la Gambie. Contrairement à la Mauritanie, république islamique comme la Gambie - depuis une proclamation surprise de M. Jammeh en 2015 - la Guinée appartient à la Cédéao, dont cinq pays ont fait entrer jeudi leurs troupes en territoire gambien, pour forcer au départ M. Jammeh qui n'entend pas céder le pouvoir.
Cette opération baptisée "Restaurer la démocratie" a été lancée peu après la prestation de serment d'Adama Barrow, élu au scrutin présidentiel du 1er décembre, à l'ambassade gambienne à Dakar, la capitale sénégalaise, où il est accueilli depuis le 15 janvier à la demande de la Cédéao.
Mais, pour permettre une "dernière médiation" afin de convaincre Yahya Jammeh de partir en exil, l'opération militaire a été suspendue, et la Cédéao avait fixé à M. Jammeh un ultimatum jusqu'à vendredi à midi, selon le président de la Commission de la Cédéao, Marcel Alain de Souza.
Un ultimatum dépassé de facto, mais aucune indication n'a pu être obtenue dans l'immédiat sur un éventuel report du délai. "C'est la Cédéao qui prendrait la décision" d'une reprise des opérations, a simplement expliqué à l'AFP le porte-parole de l'armée sénégalaise, le colonel Abdoul Ndiaye.
- Probables pays d'exil -
C'est la deuxième fois cette semaine que le président mauritanien se rend à Banjul pour tenter de trouver une issue à la crise en Gambie. Mercredi, il avait rencontré dans la capitale gambienne M. Jammeh et des responsables de l'opposition, puis avait gagné Dakar pour discuter avec M. Barrow.
Lors de cette visite, "le président Jammeh m'avait donné son accord pour renoncer au pouvoir pour l'intérêt de son pays et du peuple gambien.
Les choses se sont précipitées par la suite", a déclaré M. Ould Abdel Aziz à Nouakchott vendredi. Concernant l'offre d'exil dans le cadre de cette dernière médiation vendredi, M. Jammeh n'a "pas encore fait" son choix, selon M. Bangoura.
Des sources politiques ont notamment évoqué une offre d'asile en Guinée ou au Maroc - la Première dame, Zineb Jammeh, est de mère marocaine et de père guinéen, et Rabat s'est aussi impliqué dans la recherche d'une solution.
Ont aussi été cités comme probables pays d'accueil la Mauritanie et le Qatar. "En Guinée, nous estimons qu'on ne peut pas régler les problèmes par la violence" et "il faut aussi éviter les humiliations", a ajouté M. Bangoura.
Selon des journalistes sur place, la nuit a été calme à Banjul qui, après l'investiture d'Adama Barrow, a été le théâtre de manifestations de joie que les militaires déployés dans la ville n'ont pas tenté de disperser.
Mais vendredi la ville était était déserte dans l'attente du dénouement de cette crise. Le chef d'état-major de l'armée, le général Ousman Badjie, longtemps considéré comme un pilier du régime, a même été vu participant à cette liesse.
Arrivé au pouvoir en 1994, Yahya Jammeh a suscité un concert de réprobations depuis qu'il a annoncé le 9 décembre qu'il contestait l'élection d'Adama Barrow, une semaine avoir pourtant reconnu sa défaite.
Imperméable aux pressions et lâché par plusieurs de ses ministres, il a assuré qu'il demeurerait en place tant que la justice n'aurait pas statué sur ses recours électoraux.
Dans une dernière volonté de montrer qu'il restait maître à Banjul, il a annoncé la dissolution du gouvernement dans un communiqué diffusé par la radiotélévision d'Etat GRTS.
Les affaires courantes de tous les ministères seront gérées par la présidence, selon le texte. Par crainte de troubles ou de violences, plus de 45.000 personnes ont fui la Gambie depuis le début de l'année, en majorité vers le Sénégal, a indiqué vendredi le Haut-Commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR).