AMADOU BA, LES DÉBUTS D'UNE PRISE DE FONCTION
Le coordonnateur national de BBY a effectué dimanche, à Saint-Louis, sa première sortie politique après les investitures pour les locales, au côté de Mansour Faye. Une prise de fonction politique qui pourrait se révéler payante dans les mois à venir
Choisi par le président Macky Sall comme coordonnateur national de la coalition Benno Bokk Yakaar (Bby), l’ancien ministre de l’Economie et des finances, Amadou Ba a effectué hier dimanche, à Saint-Louis, sa première sortie politique après les investitures pour les locales, au côté du ministre-maire Mansour Faye. Une prise de fonction politique qui pourrait se révéler payante dans les mois à venir.
Il y a Amadou Bâ et la copie optique de Ndar. Des paroles portées et des lignes décrites. Le début d’un grand commencement, projetant au côté de Mansour Faye, du haut de la Place Abdoulaye Wade de Saint-Louis, l’image de l’aboutissement d’une transformation politique. Invité à la «Cérémonie de présentation du bilan Jëf Toxal Na Wax», Amadou Ba ne s’est pas fait prier pour engager le combat des Locales, rappelant dans ses nouvelles fonctions politiques, le verbe d’un certain Mahammad Boun Abdallah Dionne. Un «talent» que l’on ignorait chez ce technocrate timoré, mais d’une rare habileté à évoluer dans des milieux influents et à faire jouer ses relations. «En venant à Saint-Louis, j’ai entendu des opposants dire que le Président Macky Sall doit libérer les Sénégalais… mais nous allons vers une élection présidentielle ou des élections locales ? questionne-t-il. Les élections vers lesquelles nous allons ne sont pas un suffrage pour le Président Macky Sall. Ces joutes ne vont rien augmenter ni diminuer sur les prérogatives du Président Macky Sall. Nous les membres de Benno Bokk Yakaar, ces élections sont les nôtres et nous devons les gagner pour rendre un hommage mérité au président de la République, Macky Sall et poursuivre notre programme pour le pays. Alors que les gens de l’opposition qui n’ont pas de programme, mais qui sont simplement intéressés par la terreur et la violence doivent attendre les élections législatives pour espérer avoir une certaine représentativité à l’Hémicycle», a déclaré Amadou Bâ. Un jeu de rôle de coordonnateur national de la coalition Benno Bokk Yakaar qui augurerait, selon beaucoup de spécialistes, d’un futur statut de coordonnateur de l’action gouvernementale.
«Une bonne posture pour jouer son rôle de dauphin»
Enseignant-chercheur en sciences politiques à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, Moussa Diaw ne semble pas être surpris par la démarche de Amadou Bâ. En tant que coordonnateur national de Benno bokk yaakaar, le Professeur Moussa Diaw estime qu’il est parfaitement dans son rôle en venant prêter main-forte au maire sortant de Saint-Louis, Mansour Faye. «C’est une bonne chose qu’il soit avec Mansour Faye et défende le président de la République. Maintenant s’il mène la campagne électorale et qu’il est présent sur le terrain, s’il obtient de bons résultats, ça pourrait renforcer son image et sa position au niveau du parti. Mais le problème, c’est que le parti n’est pas structuré, les investitures l’ont montré et apparemment, il joue le rôle de numéro deux et on dirait qu’on est en train de le positionner. Vers quelle fonction ? L’avenir nous le dira», explique le Pr Diaw. Seulement pour Moussa Diaw, tout concourt à lui apporter une position incontournable, si jamais il s’en sort avec de bons résultats. Tout cela, d’après le Pr Diaw, constitue un apport pour renforcer la position de Amadou Ba au niveau du parti et se rapprocher davantage du président de la République.
Pour Ibrahima Bakhoum, journaliste-formateur et analyste politique, ces élections sont déterminantes pour la suite de l’exercice du pouvoir par le régime actuel. Et on n’a pas besoin de faire un dessin pour comprendre qu’en demandant aux gens de Benno de se battre pour gagner ces élections, Amadou Ba sait, de toutes les façons, d’une manière ou d’une autre, ce scrutin va impacter la suite de la gouvernance du Président Macky Sall jusqu’en 2024. D’après Bakhoum, les gens de Benno doivent éviter que les résultats en deçà de leurs attentes soient considérés comme un référendum adressé au président de la République. Ibrahima Bakhoum : «En demandant cela, Amadou Bâ fait savoir à ses camarades de Benno qu’ils ont la responsabilité de faire en sorte que le pouvoir de Macky Sall soit sain et sauf. Il est donc en train de dire que chacun gagne chez lui et que Benno gagne partout. Et il a ajouté en sourdine, si Benno gagne partout, c’est Macky Sall qui sort grandi. Donc d’une manière ou d’une autre, ces élections ont un rapport avec le mandat actuel de Macky Sall. Maintenant des voix se lèvent pour faire de la météo-politique en mettant Amadou Ba dans le trio qu’on pense pouvoir prendre le poste de Premier ministre. Alors s’il va à Saint-Louis où on sait qu’il y a quelqu’un qui appartient à un camp très proche et fidèle au président de la République, apporter un appui au maire sortant, Mansour Faye (beau-frère du président de la République) dont la défaite peut-être psychologiquement lourde du point de vue de la perception, il vaut mieux donc le soutenir. S’il va l’appuyer à Saint-Louis, s’il y a gain c’est toujours un bon point pour lui de se positionner comme celui qui a apporté de la voix à Mansour Faye.»
«S’il échoue, il peut aller vendre de la paille d’arachide»
Mais pour que le point soit plus fort, Ibrahima Bakhoum estime qu’il faut qu’on voie le coordonnateur national de Benno appuyer fortement le candidat de Dakar, Abdoulaye Diouf Sarr et les autres membres de la coalition dans leurs fiefs. «Si on le voit sur le terrain avec Abdoulaye Diouf Sarr à Dakar, Mansour Faye à Saint-Louis, Benoît Sambou à Ziguinchor, entre autres, et qu’ils sortent victorieux de ces élections, oui voici au moins le futur Premier ministre. Et au plus, il peut être le dauphin», fait savoir l’analyste politique. Non sans préciser qu’il faut qu’il fasse le même boulot ailleurs et s’il y a de bons scores, même s’ils ne gagnent pas, cela va renforcer sa légitimité. «Il suffit que les candidats qu’il a appuyés fassent un bon score pour qu’il puisse le mettre sur le compte. Mais l’inverse est aussi valable. Si les candidats qu’il a appuyés font un mauvais score, il peut aller vendre de la paille d’arachide», ironise-t-il. Et l’enseignant-chercheur en sciences politiques à l’Ugb, Moussa Diaw en ajoute une couche. Pour Pr Diaw, par rapport à ses fonctions, sa présence et son discours, Amadou Ba a des perspectives qui lui ouvriront certainement d’autres horizons. Moussa Diaw : «Certes, c’est un homme politique et il n’envisage pas l’échec. Il est dans la perspective de gagner ces élections. Mais s’il ne sort pas victorieux et qu’il échoue, ses chances s’amoindriront par rapport à ses rêves de devenir un dauphin. Mais pour l’instant, compte tenu de la situation et du contexte politique, il semble être dans une bonne posture pour jouer un grand rôle pour l’avenir.»