AMADOU BA, UN PARE-FEU CONTRE MIMI TOURÉ
Outre le fait de neutraliser Aminata Touré, la nomination du nouveau Premier ministre apaise BBY parce que non seulement l’homme a le profil de l’emploi mais encore il entretient de bonnes relations avec toutes les composantes de la coalition
La nomination d’Amadou Ba comme Premier ministre ce samedi est perçue aussi comme procédant d’une volonté du président de la République d’éviter une fissure au sein de la coalition Benno Bokk Yakaar (BBY). Surtout, elle devrait permettre de « neutraliser » un front potentiel qu’aurait pu ouvrir le duo Mimi Touré-Amadou Ba. Un front qui pourrait constituer un obstacle redoutable sur le chemin de 2024. Amadou Ba sera donc utilisé pour constituer un pare-feu contre Mimi Touré et tous les frustrés, mais aussi pour resserrer les lignes au sein de la coalition présidentielle qui commençait déjà à se fissurer.
Après une attente de neuf mois suite au rétablissement du poste de Premier ministre supprimé en mai 2019, les Sénégalais pensaient que la nomination d’un nouveau Premier ministre se ferait en mode fast-track.
Annoncé pour le samedi par le président de la République lui-même, l’accouchement a été retardé de quelques heures. Un accouchement réalisé presque par césarienne d’autant que la rumeur publique avait déjà avancé le nom d’Amadou Moustapha Ba, le directeur général des Finances comme devant être l’heureux élu à la Primature. Cette rumeur tenace avait même été reprise par certains quotidiens avec des manchettes à la Une de leurs éditions du samedi.
A l’arrivée, Macky Sall a déjoué ces pronostics même si, contrairement à la surprise du chef qu’il avait réussie avec la nomination d’Amadou Mame Diop au perchoir de l’Assemblée nationale, le choix de confier la Primature à Amadou Ba n’était pas réellement une surprise. L’homme faisait partie d’un quinté (Amadou Ba, Aly Ngouille Ndiaye, Abdoulaye Daouda Diallo, Amadou Moustapha Ba et… Idrissa Seck) qui revenait le plus souvent dans les spéculations des journalistes des desks politiques, des politologues, des animateurs de grand-places, des commentateurs de télévisions bref de l’opinion publique.
Seulement, la donne de la rébellion de Mimi Touré, qui se voyait déjà au perchoir de l’Assemblée nationale après avoir mené la campagne victorieuse de Benno lors des dernières législatives, a surpris le camp présidentiel son chef Macky Sall lui-même en premier. « Une donne imprévue qui fausse tous les calculs du président Macky Sall » souligne un politologue. D’ailleurs Amadou Ba a vendu la mèche. «Le président m’a appelé ce matin et a décidé de me nommer Premier ministre pour que je puisse assurer la coordination à ses côtés. Je rends grâce à Dieu et remercie le chef de l’Etat pour sa confiance renouvelée» a confié le nouveau Premier ministre en descendant les marches menant au bureau du président de la République où il venait d’avoir un entretien tête-à-tête avec ce dernier. « La nomination d’Amadou Ba n’était pas actée dans les plans de Macky Sall et la suite des événements pourrait le montrer. Parce que l’on ne saurait comprendre que le président qui a eu la chance d’avoir des événements politiques (élections locales et législatives) pour disposer d’assez de temps pour choisir un Premier ministre et son gouvernement, ait pris autant de temps pour faire connaître sa décision. Or, ce samedi 17 septembre, on a assisté à des réglages portant surtout sur la formation du gouvernement et qui ont tiré en longueur » souligne notre interlocuteur dans l’anonymat. Preuve, selon lui, que les choses n’ont pas été faciles.
A l’en croire, deux éléments ont vraisemblablement retardé la nomination du PM et la formation du Gouvernement. Sans être dans le secret des dieux, ni dans la tête de Macky Sall, le politologue, qui a blanchi sous les harnais, donne en exemple le cas Mimi Touré. « Vous savez, le camp présidentiel est sorti fragilisé par les locales et les législatives. Il faut rapidement retrouver la sérénité mais surtout la cohésion pour non seulement prendre en charge une éventuelle volonté du président Macky Sall de se présenter en 2024 mais aussi d’apporter des réponses sérieuses aux préoccupations des Sénégalais qui n’en peuvent plus par rapport à la vie chère. Des préoccupations qui ne sauraient s’accommoder de fissures au sein de la coalition présidentielle.
Alors la démarché lancée depuis lundi 12 septembre par Mme Aminata Touré pourrait être nuisible et prendre de l’ampleur si jamais Macky Sall, le patron de BBY, n’y apporte pas une réponse politique. Et justement, la nomination d’Amadou Ba sonne comme une réponse politique à la rébellion de Mimi Touré parce qu’elle coupe l’herbe sous les pieds de cette dernière qui pouvait avoir en un Amadou Ba frustré, un allié de taille. Une jonction Mimi Touré et Amadou Ba serait alors très meurtrière pour l’APR et BBY. On peut alors dire que la nomination d’Amadou Ba est une manière pour Macky Sall de neutraliser Mimi Touré qui devra chercher d’autres alliés de taille dans sa croisade ou rentrer dans les rangs. Outre le fait de neutraliser Mimi Touré, la nomination d’Amadou Ba apaise BBY parce que non seulement l’homme a le profil de l’emploi mais encore il entretient de bonnes relations avec toutes les composantes de la coalition» décortique notre interlocuteur, universitaire de profession.
La donne Abdoulaye Daouda Diallo
Au-delà du cas Mimi Touré, la donne Abdoulaye Daouda Diallo aurait aussi beaucoup retardé la formation du gouvernement. Abdoulaye Daouda Diallo est un homme de confiance du président de la République. Contrairement à Amadou Ba, il a été aux côtés de Macky Sall au tout début de la création de l’APR. Ce qui lui a valu une traversée du désert du temps du régime de Me Wade. Son inimitié contre Amadou Ba remonterait à très longtemps, lorsque le nouveau Premier ministre était tout-puissant directeur général des Impôts et des Domaines. Abdoulaye Daouda Diallo, après une longue traversée du désert, avait vu le bout du tunnel à l’arrivée au pouvoir du président Macky Sall. Lequel le nomme d’emblée ministre délégué auprès du ministre de l’Economie et des Finances Amadou Kane, l’ancien Dg de la Bicis, en avril 2012.
Suite à la nomination d’Amadou Ba comme ministre de l’Economie et des Finances en septembre 2013 en remplacement d’Amadou Kane, le président a éloigné son pote Abdoulaye Daouda Diallo de l’immeuble Peytavin pour lui confier les rênes du ministère des Infrastructures, des Transports terrestres et du Désenclavement à partir de 2017. A son retour en avril 2019 aux Finances, cette fois en tant que ministre des Finances et du Budget, il fera duo avec Amadou Hott. Entretemps, il avait dirigé le très stratégique ministère de l’Intérieur. Amadou Ba, lui, posera ses baluchons au ministère des Affaires étrangères. Le président de la République a toujours évité que le duo se retrouve dans un même ministère. « Le départ d’Abdoulaye Daouda Diallo de l’attelage gouvernemental à l’occasion de la nomination d’Amadou Ba à la Primature n’est pas surprenant. C’est un secret de Polichinelle que les deux hommes ne s’entendent pas. Seulement le président Macky Sall est obligé de prendre en charge aussi les préoccupations de son nouveau Premier ministre qui a exprimé le souhait d’avoir une équipe homogène sur laquelle il aura une totale maîtrise. C’est sans doute cette exigence qui a poussé le président de la République à accepter la sortie de son pote pour être en phase avec son nouveau PM » explique notre politologue. Lequel ajoute qu’Abdoulaye Daouda Diallo est envoyé à une position stratégique parce qu’il va devenir le gardien de la dernière porte avant d’entrer dans le bureau du chef de l’Etat. « Abdoulaye Daouda Diallo aura la main sur tous les dossiers du secrétariat général du Gouvernement, de la Présidence, et même de la Primature. Et comme l’homme est d’une loyauté sans faille, doublé d’un grand commis de l’Etat, ne soyez surpris qu’il devienne rapidement incontournable dans le dispositif présidentiel » conclut notre interlocuteur.