APR-REWMI, LA RUPTURE IDYLLIQUE
Macky Sall refuse manifestement de croire qu'Idrissa Seck est une ''ombre du passé'' et préfère le caresser dans le sens du poil, malgré la séparation confirmée par les deux concernés lors de la fête de Korité. Une stratégie d'endiguement de Sonko ?
La sortie du président du Rewmi Idrissa Seck de la mouvance présidentielle était devenue un secret de Polichinelle. À quelques mois de l'élection présidentielle de 2024, ce dernier et son désormais ex-allié, Macky Sall ont pris le soin d'y mettre la forme et la convivialité. Faisant face tous les deux aux journalistes le jour de la Korité, le chef de l'Etat et le désormais ex-président du Cese (il rend sa démission aujourd'hui) ''regrettent'' presque cette rupture politique.
Le divorce acté entre le président de la République, Macky Sall et le patron de Rewmi, Idrissa Seck, est digne d'un film romantique. Tels deux ''amoureux'' qui ne veulent pas se séparer, mais qui sont poussés à la rupture par un destin implacable, Macky Sall et Idrissa Seck ont tenté de montrer une certaine maturité politique, voire une sollicitude dans leur quasi-évidente rupture. En effet, entre le chef de l'Etat qui garde le flou sur sa candidature et l'ex(Premier ministre qui a toujours en ligne de mire la station présidentielle, cette séparation était certaine. Néanmoins, aucun des deux anciens ''frères ennemis'' du Pds n'a osé prendre le risque d'un divorce politique fracassant. Ils y ont mis la dose nécessaire de courtoisie et de pragmatisme. Le patron de la mouvance présidentielle qui est en conflit permanent avec l'opposition la plus représentative, malgré son appel renouvelé au dialogue ces dernières semaines, et après sa rupture musclée avec son ancienne Première ministre Aminata Touré qui a rejoint entre-temps le combat contre la troisième candidature, veut sûrement garder en ''repérage'' Idrissa Seck qui a le don de renaître de ses cendres même si plusieurs analystes ont déjà signé son certificat de décès politique. Mais apparemment, Macky Sall refuse de croire que l'ex-maire de Thiès est une ''ombre du passé'' et préfère le caresser dans le sens du poil, malgré la séparation confirmée par les deux concernés lors de la fête de Korité. Sont-il en train de peaufiner en commun une stratégie ''d'endiguement'' d'Ousmane Sonko et des autres membres de l'opposition.
Macky Sall aurait-il compris que la méthode violente contre ces derniers risque d'emmener le pays dans une impasse et essaierait de chercher d'autres ''voix'' de l'opposition pour stopper la furie sonkiste ? La question n'est pas tranchée, mais son appel au dialogue et son étrange séparation-alliance avec Idrissa Seck laissent entrevoir des manœuvres politiques qui n'ont pas encore livré tous leurs secrets.
Entre un Idrissa Seck qui réclame et veut reprendre son ''trône'' de chef de l'opposition et le Pds qui se rapproche de plus en plus de la mouvance présidentielle, le dialogue que Macky Sall n'a pas émis sans prendre les précautions politiques nécessaires risque d'être le lit d'une nouvelle reconfiguration politique. Le très ''réseauté'' directeur de publication de «Jeune Afrique» qui a ses amis dans les arcanes des pouvoirs africains déclarait récemment dans une tribune : Macky Sall,Ousmane Sonko, Khalifa Sall, Karim Wade… Et si tous se présentaient ? Et moi j'ajouterai : si telle était la volonté de Macky Sall ?
En effet, à moins qu'il trompe tout son monde et confirme ce qu'il a réitéré lors son entretien de Korité avec le journaliste Assane Guèye, à savoir qu'il n'est pas obnubilé par le pouvoir, Macky Sall n'a plus le choix politique. Le quatrième Président du Sénégal n'a pas préparé sa succession au sein du parti. Toutes les ambitions ont été très tôt étouffées. Aucun cadre de l'Apr n'ose regarder du côté de l'avenue Léopol Sédar Senghor. Du Premier ministre Amadou Ba aux autres barons comme Aly Ngouille Ndiaye, Omar Youm, Abdoulaye Daouda Diallo… ils confondent leurs ambitions à celle de leur hyper-patron. Donc, le Président Macky Sall est obligé, à défaut de se présenter de manière risquée dans la course à une troisième candidature, de trouver une candidature consensuelle. Peut-être est-ce l'objectif inavoué du dialogue. Idrissa Seck ne cracherait pas sur un tel deal politique. Le désormais ex-président du Cese qui n'a pas, malgré ses envolées lyriques croustillantes dont lui seul a le secret, toutes les coudées franches pour redevenir une personnalité politique de l'opposition plébiscitée, aura besoin de son ancienne famille libérale et de membres de la mouvance présidentielle pour se frayer un chemin. Même si son rapprochement avec le Pds sera difficile eu égard aux nombreuses critiques qu'il profère à l'encontre des Wade.
Dans tous les cas, l'on aura assisté à une rupture idyllique entre le président de la République Macky et Idrissa Seck. Visiblement, la politique concasse les adversités les plus accrues.