"AVEC LES AMÉNAGEMENTS DU PONT DE L'ÉMERGENCE, GRAND-YOFF EST DEVENU UNE CUVETTE"
Madiop Diop, maire de Grand-Yoff
Madiop Diop, maire de Grand Yoff, émet des réserves sur les travaux de l'Echangeur de l'Émergence, qui, après avoir isolé Grand-Yoff, risque d'en faire une cuvette inondable. Dans cette interview qu'il a accordée à Sud Quotidien, l'édile de Grand-Yoff a évoqué, entre autres, le problème de la sécurité dans sa ville réputée être une plaque tournante de la drogue et où il y a presqu'un bar à tous les 30 mètres. Madiop Diop a également fustigé le bradage foncier dont a souffert sa commune du temps du régime libéral qui a épuisé sa réserve foncière.
Des voix s'élèvent déjà au sujet des aménagements faits sur le pont de l'Émergence et qui pourraient avoir des conséquences sur le réseau d'assainissement de Grand-Yoff. Ta commune est-elle exposée aux inondations ?
Quand on entend parler la population, on a tout de suite peur. Personnellement, je suis paniqué quand j'ai entendu la population parler. Il faut reconnaître que beaucoup de personnes ne savent pas comment fonctionnent les systèmes de canalisation. Mais quand on a conçu l'échangeur, on a fermé complètement la cité Millionnaires. Si vous observez bien vous verrez que Grand-Yoff est entièrement isolé. A part l'axe venant du Collège Hyacinthe Thiandoum, aucun autre (venant de Grand-Yoff) ne passe par le pont. Or, cette infrastructure n'avait pas cette forme avant d'être démolie. La route venant de la pharmacie Patte d'Oie qui monte le pont, en passant par la SGBS, est fermée.
Cette fermeture nous fait peur, car cette zone devient désormais une cuvette, alors que la cité Millionnaires n'a jamais été inondée. C'est pourquoi j'étais parti, un jour, avec l'imam du quartier, le député Abdoulaye Ndiaye et les populations de Cité Millionnaires pour voir le technicien afin de lui demander de rouvrir cette route qui isole complètement la cité. Il nous avait promis d'en prendre compte. Car aujourd'hui, celui qui veut partir aux Parcelles assainies, est obligé de remonter jusqu'au rond-point Liberté 6 pour emprunter la voie du collège Hyacinthe Thiandoum. Quand nous leur avions aussi demandé s'ils avaient prévu un assainissement pour l'hivernage de cette année, la réponse est qu'ils avaient également pris en compte cela.
Mais quand j'ai vu la conception du pont, je me suis rendu compte que Grand-Yoff est maintenant une cuvette. Toutefois, comme ce sont des techniciens qui l'ont conçu, je suis convaincu qu'ils prendront des dispositions pour que les populations de Grand-Yoff ne souffrent pas des conséquences possibles de cette architecture. En tout cas, ils nous ont promis que les eaux ne vont pas causer des problèmes aux populations de Grand-Yoff. Nous attendons de voir tout en priant pour que le pire ne se produise. Car au cas contraire, ce sera le médecin après la mort. Il sera trop tard, quand ils viendront nous apporter leur secours après que les eaux auront rempli les maisons et détruit les bagages des habitants. Je leur demande de prendre toutes les dispositions pour que Grand-Yoff ne soit pas inondé.
Qu'avez-vous prévu au niveau municipal, si Grand-Yoff venait à être inondé ?
Nous avons déjà curé tous les caniveaux où passent les eaux pluviales. Nous avons nettoyé et entretenu toutes les motopompes dont nous disposons. Et nous essayons de voir comment augmenter le nombre de motopompes. Nous sommes aussi en train de nous préparer à stocker beaucoup de carburant. Nous avons pris toutes les dispositions, en souhaitant quand même qu'il n'y ait pas d'inondations. Nous avons mobilisé 5 millions FCFA en attendant car tout tourne presqu'autour du carburant qui coûte très cher. C'est sûr que ce budget ne va pas suffire.
Quel sort sera réservé aux pavages en cas d'inondations ?
En tout cas, à Khar Yalla, je ne pense pas qu'il peut y avoir de problème de canalisation. Le pavage est une pente qui donne sur la route du marché. Du feu rouge du camp pénal jusqu'à la Patte d'oie, nous y avons mis, avec nos propres moyens, quatre nouvelles grilles avaloir que nous allons poser nous-mêmes pour atténuer la force des eaux qui traversent cette route. La pharmacie Patte d'Oie est inondable. L'ONAS y a mis une grille avaloir qui n'est plus fonctionnelle. Nous allons la curer et la refermer. Il y a une grille avaloir sur la route fermée qui menait à la cité Millionnaires, mais elle est bouchée. Nous allons la déboucher. De la route du marché jusqu'à hauteur de la Patte d'Oie, il n'y a pas de grille avaloir. Nous allons couper la route pour y mettre une grande grille. Nous avons adressé une correspondance à l'AGEROUTE qui n'a pas encore réagi. S'il n'y a pas de réponse, nous allons couper la route pour le faire. On ne peut pas attendre quand on est dans les eaux.
Au marché Grand-Yoff, là où l'on vend les poulets, c'est une zone inondable. Nous avons cherché une grande grille avaloir pour l'y installer. Nous avons aussi prévu une grille à la devanture du commissariat de Grand-Yoff. La route du camp pénal est aussi inondable, mais c'est une route classique qui est de la prérogative de l'AGEROUTE. Par conséquent, nous ne pouvons pas la couper sans demander l'autorisation. Si c'était une voirie secondaire, nous n'aurions pas attendu pour le faire, car il est de notre prérogative. Donc nous ne sommes pas en train de paver à l'aveuglette. Nous allons paver de la Patte d'Oie au Cap-Vert qui sera le grand boulevard de Grand-Yoff. Le chantier est en cours. Grand-Yoff ne mérite pas sa nature actuelle.
Sur le plan sécuritaire, quel est l'apport du nouveau commissariat de Grand-Yoff ?
La sécurité a beaucoup évolué. Nous remercions le président de la République pour ce geste, car Grand-Yoff avait longtemps besoin d'un commissariat. Le poste de police était construit à l'avènement de Khalifa. La commune a évolué et aujourd'hui nous disposons d'un commissariat grâce au président de la République. Mais un commissariat dans lequel le commissaire ne passe pas la nuit n'est qu'un commissariat de nom. Le commissariat rentre chez lui et vient travailler le lendemain. C'est toujours un poste de police. Il a été précipité pour des raisons politiques. Le nombre des policiers sur place n'a pas été augmenté. C'est le même personnel qui est sur place. Eriger un commissariat est bien mais le contenu l'est encore plus. Il faut un nombre suffisant d'agents pour accompagner le commissaire. Ceux qui sont là sont très braves. C'est Grand-Yoff qui est difficile à gérer. Le commissaire qui est là est jeune, mais je loue sa bravoure, de même que le commandant. Celui-là patrouille toutes les nuits les rues de Grand-Yoff. Ils n'ont pas assez de véhicules ni d'éléments, mais ils font d'énormes efforts pour faire régner la sécurité à Grand-Yoff.
Votre commune bat le record du nombre de bars, mais c'est aussi un milieu d'écoulement de la drogue. Que faites-vous pour y remédier ?
Mais il y aussi beaucoup de mosquées à Grand-Yoff. Elles sont plus nombreuses que les bars. Mais un nombre trop important de bars n'est pas bien dans une contrée. Cela gâche beaucoup de choses. C'est l'Etat qui donne les licences pour l'implantation des bars. A Grand-Yoff, il y a un bar à tous les 20 ou 30 mètres. C'est la faute de l'Etat. Si on veut qu'il y ait de la sécurité à Grand-Yoff, il faut d'abord fermer les bars, pour les réduire parce qu'il y a des catholiques parmi nous qui en ont besoin. Il faut diminuer le nombre de bars. Dix bars à Grand-Yoff, c'est même trop. Aujourd'hui il y en a plus d'une centaine. Le nombre des vendeurs de drogue est infime par rapport aux jeunes vertueux qui remplissent les mosquées tous les jours. Il y a des agresseurs, des délinquants et des voleurs. Mais est-ce qu'ils habitent tous Grand-Yoff ? Ne sont-ils pas venus d'ailleurs ? Il faut que l'Etat arrête de donner les licences d'exploitation des bars.
Quid des problèmes fonciers, dans votre commune ?
C'est quand Khalifa Sall a quitté la tête de la commune de Grand Yoff, que toute notre réserve foncière a été vendue. Les libéraux ont vendu la zone de captage, la foire et partout. Ce sont les gens du PDS et ceux du pouvoir actuel, Macky Sall en fait partie. Grand-Yoff n'a pas un lycée. En 2000, quand Khalifa n'était plus maire toute cette zone de la mairie était boisée. Aujourd'hui Grand-Yoff n'a plus d'espace. C'est un cri du cœur de tous les habitants de Grand-Yoff qui leur en veulent. Tous ceux qui sont nés aujourd'hui à Grand-Yoff ne pourront pas y avoir une parcelle hélas ! Ils seront forcés à aller habiter ailleurs, à Toubab Dialaw, à Keur Massar, etc. Plus tard les gens seront obligés de partir. Si c'était à refaire, cela n'aura jamais eu lieu car les jeunes ont grandi et sont conscients des enjeux. Le quartier Arafat n'a pas de terrain de football, ni d'école, encore moins un dispensaire. Il n'y a aucune infrastructure.
A Khar Yalla, il y a des maisons dont les propriétaires ont été sommés de sortir sous prétexte que c'est la propriété d'un Libano Syrien. Ce procès est devant la justice et c'est Khalifa qui a engagé des avocats pour ces familles. C'est Khalifa seul qui se bat pour Grand-Yoff. Arafat est en train d'être loti et c'est Khalifa qui a débloqué 110 millions pour le financer. La Fondation droit à la ville a complété et les communes de Grand-Yoff et de Grand Médine ont contribué chacune à hauteur de 5 millions pour lotir Arafat et Grand Médine. Car si les quartiers ne sont pas lotis pour qu'on puisse avoir des papiers, ils viendront un jour nous évacuer pour y construire des cités.
Aucune maison ne dispose de papiers à Arafat. Sur plus de 1.000 maisons c'est seulement peut-être moins d'une dizaine qui disposent de titres fonciers. Nous ne disposons que d'actes de vente. Au moment de brader notre réserve foncière l'Etat devait d'abord penser à nous donner des titres. Dix ans après, c'est encore Khalifa qui se bat pour nous chercher des titres. Quiconque perd son père risque de perdre son domicile au seul motif qu'il a été vendu depuis très longtemps. Avant-hier on a sorti des jeunes de leur maison à la cité Millionnaires alors qu'elle appartient à leur père. La famille y habite depuis plus de trente ans. Quelqu'un débarque comme ça pour annoncer qu'il a acheté la maison, les intimant de sortir. C'est ainsi que nous avons commis un avocat pour leur permettre de se réinstaller dans leur maison. Jusqu'à quand va finir cette tracasserie ? Nous voulons que l'Etat nous soutienne. Notre besoin ne se limite pas au riz et à l'huile. Tout ce que nous voulons, c'est que notre ville soit pérenne, avec de bons systèmes de canalisation, un bon éclairage, un lycée pour assurer l'éducation de nos enfants. C'est tout ce dont nous avons besoin.