BBY FACE À L’INCERTAINE ÉPREUVE DE RECONFIGURATION À THIÈS
`Après les élections locales du 23 janvier 2022, la majorité politique a changé de camp à Thiès, suite à la victoire de l’opposition, à travers la liste de la coalition Yewwi Askan Wi, qui a raflé les 3 communes et la ville
Avec les dernières élections locales, on a assisté à des clichés paradoxaux sur le terrain politique à Thiès. Après le tsunami électoral qu’il a subi le 23 janvier dernier, le camp présidentiel fait face à l’épreuve d’une inéluctable, mais incertaine reconfiguration, dans un contexte de préparation des élections législatives du 31 juillet 2022.
Après les élections locales du 23 janvier 2022, la majorité politique a changé de camp à Thiès, suite à la victoire de l’opposition, à travers la liste de la coalition Yewwi Askan Wi, qui a raflé les 3 communes et la ville de Thiès. Cette situation n’était pas attendue par la coalition Benno Bokk Yaakaar qui, malgré le fait d’avoir pressenti des difficultés, n’avait jamais imaginé une telle débacle électorale. Mais après ces échéances, on s’achemine vers une inéluctable, mais incertaine reconfiguration, dans la perspective des élections législatives du 23 juillet 2022. La complexité de la reconfiguration se mesure à l’aune des schémas inédits générés par les investitures. En ce qui concerne la majorité présidentielle, les investitures ont dynamité le compagnonnage politique de l’intérieur et c’est ainsi que les responsables se sont retrouvés dans au moins quatre listes adverses. Lesquelles listes se sont férocement affrontées lors de la campagne électorale. Il s’agit de Benno Bokk Yaakaar (Bby) avec comme têtes de liste, Yankhoba Diattara de Rewmi à la Ville, Saër Mangane (Rewmi)-Abdou Mbow (Apr) à Thiès-Est, Bineta Basse (Rewmi)-Dr Pape Amadou Ndiaye (Apr) à Thiès-Ouest, Lamine Diallo (Rewmi)-Seynabou Ndiéguène (Apr) Thiès-Nord et SiréDia (Apr)- Yandé SarrNdiaye (Rewmi) au Conseil Départemental. Ces responsables de Bby ont fait face à l’hostilité d’autres leaders de la même coalition, mais qui se sont retrouvés au sein de la coalition citoyenneAnd Siiggil Thiès, avec comme candidats à la Ville Abdoulaye Dièye, à l’Est Abdoulaye Dièye (Siggi Jotna, membre de Bby)- Mame Mbaye Guèye (Apr), Dr Djibril Sarr et AdjaDiatta (Apr) à ThièsOuest, Ousmane Diop à ThièsNord, membre lui aussi de Bby.
Idem pour la coalition Waa Thiès de Talla Sylla qui est constituée de responsables de la mouvance présidentielle, mais aussi de la coalition Bunt bi à Thiès-Nord avec comme têtes de listes Ndiaga Wade de l’Apr et Awa Doucouré de Rewmi. Après le tsunami occasionné par la défaite de toutes ces listes proches du pouvoir, l’heure est maintenant au difficile exercice de reconfiguration en direction des élections législatives. Même si pour le moment, aucune perspective ne s’est encore dessinée, les chapelles étant toujours plongées dans le silence, la grande équation se pose autour du sort des responsables de l’Apr qui avaient foulé aux pieds les directives du parti, en s’opposant à la coalition Bby. Vont-ils revenir à la maison pour un nouveau rabattage des cartes en direction des investitures pour les élections législatives ? Vont-ils maintenir leur posture de défiance ? Les réponses à ces questions seront déterminantes sur la prochaine trajectoire politique de la mouvance présidentielle. Mais d’ores et déjà, force est de constater que cette reconfiguration risque d’être douloureuse pour la coalition Bby.
EDOUARD LATOUFFE DE L’APR «L’ADVERSITE INTERNE A PORTE LE COUP DE GRACE AU MBOUROU AK SOW»
Responsable de l’Alliance Pour la République (Apr), Edouard Latouffe a jeté un regard critique sur les circonstances de la déconvenue électorale de la mouvance présidentielle à Thiès. A l’en croire, les locales à Thiès constituaient le premier test grandeur nature de l’adhésion ou du rejet des retrouvailles Macky-Idy par les populations. «C’est pourquoi, la prudence devrait être de mise dans le choix des têtes de listes. Le Rewmi, au regard du nouveau contexte marqué par l’entrée de ses cadres dans le gouvernement et la nomination de Idrissa Seck à la tête d’une institution, devait être généreux et renoncer à sa volonté de diriger toutes les listes. Un partage équilibré, voire équitable des têtes de listes, aurait permis de mobiliser l’entièreté de l’électorat des deux principales formations. Nous devons reconnaître que l’absence de concertation n’a pas permis la construction de consensus dynamiques, condition sine qua non pour une victoire.
Toutes les conditions d’un succès électoral étaient loin d’être réunies et au finish, l’adversité interne a porté le coup de grâce au «Mburook Soow». En plus, la démarcation du président Abdoulaye Dièye a été électoralement fatale à notre coalition», analyse Monsieur Latouffe. Il est par ailleurs convaincu que les listes de la coalition de Abdoulaye Dièye ont pratiquement capté les suffrages de ceux qui ne se sont pas retrouvés dans la dynamique unitaire scellée entre les deux camps politiques. «Ces retrouvailles ont plus affaibli que renforcé la capacité combative de la mouvance présidentielle. Les mêmes causes ont produit les mêmes effets. Comme en 2014, les listes parallèles ont provoqué ce séisme électoral. J’avais pourtant dit à haute et intelligible voix que le ministre Yankhoba Diattara, le maire Talla Sylla et le président AbdoulayeDièye avaientl’obligation de s’entendre, mais en vain. Mon appel à une union sacrée n’a pas été entendu. Aujourd’hui, nous avons perdu la totalité des collectivités locales de la ville de Thiès. Ce qui s’est passé est inédit.
Le Président Macky Sall et Idrissa Seck doivent tenir compte de cette irréversible recomposition politique. La reconquête de Thiès relèvera d’une utopie, si la vieille garde reste toujours à ses postures de responsabilité. Il est grand temps que le Président Macky Sall mise sur la jeunesse qui vient de lui envoyer des messages faciles à décrypter.Il ne fait l’ombre d’aucun doute que les retrouvailles Macky etIdy n’ont pas fait que des heureux au niveau national. Des responsables qui gravitent autour de l’entourage direct du Président Macky Sall ont procédé à un sabotage, afin de faire tomber à l’eau ces retrouvailles, parce que n’en maîtrisant ni les tenants ni les aboutissants. Nous faisions face au plus grand complot de l’histoire politique de Thiès», assène Edouard Latouffe.
PAPE AMADOU SALL DU PS «LA COALITION BBY EST GEREE DE FAÇON CONJONCTURELLE»
De l’avis de Pape Amadou Sall du Parti Socialiste (PS), il y a un problème congénital à régler au niveau local pour rendre viable la coalition Benno Bokk Yaakaar (Bby). «Voilà une coalition vieille de presque 10 ans, qui a été créée structurellement, mais gérée de façon conjoncturelle. Bby existe et fonctionne normalement au niveau national, mais n’existe et n’est opérationnel au niveau local que lorsqu’il y a élection», souligne-t-il.
C’est pourquoi, dit-il, ceux qui se considèrent comme les locomotives de la coalition semblent juste utiliser les gens comme un escalier qui les mène et les maintient au sommet. «Ceci ne peut plus prospérer dans ce contexte où d’autres forces émergent et qu’il existe d’autres alternatives. Cette façon de voir les alliés comme des béquilles est irrespectueuse. En plus, ce sont des gens qui manquent terriblement de générosité à chaque occasion, ils veulent tout pour eux et rien pour les autres. Aucun allié ne peut être renforcé dans un tel partenariat. En atteste le cas du PS qui avait en 2012 une vingtaine de députés alors qu’aujourd’hui il lui en reste une dizaine. De plus de 100 maires en 2009, le Ps passe à 50 en 2014 avec l’avènement de Bby, pour se retrouver en 2022 avec 23 maires et trois départements», se désole Pape Amadou Sall. A ce rythme, alerte-t-il, «c’est l’extinction de tous les partis alliés dans un future très proche. Maintenant, si les directions de ces partis alliés ne réagissent pas à cause des privilèges, les bases ne suivront plus aveuglément».
IDRISSA SECK, LE GRAND PERDANT DE LA BATAILLE DE THIÈS
La donne politique actuelle à Thiès désavantage totalement le leader de Rewmi, Idrissa Seck. Son hégémonie dans la ville de Thiès a duré pendant plus de 20 ans avant la déconvenue du 23 janvier 2022. Il est le plus grand perdant, même s’il n’a pas battu campagne. Il nourrissait certainement l’ambition de confirmer sa position de leader sur le terrain politique à Thiès, surtout après avoir rejoint la mouvance présidentielle. Mais après avoir été battu dans son bureau de vote et dans son emblématique centre de vote de l’école Malick Kaïré Diaw, il a perdu le contrôle politique d’une ville qui lui était jusque-là totalement acquise. Cette nouvelle donne risque également de changer les critères de choix des candidats, à l’occasion des prochaines législatives, en lieu et place du service royal qui avait été offert au Rewmi lors des locales. Pour la première fois depuis 2000, Idrissa Seck est en position d’opposant dans son fief de Thiès. Une situation qu’il avait tant redoutée au point de jurer que le jour où il serait battu dans la cité du rail, il mettrait un terme à sa carrière politique.