TROIS GLADIATEURS SUR LA ROUTE D'AMADOU BA
Scénario à la Wade en vue pour Benno ? En contestant la candidature d'Amadou Ba, Dionne, Ngouille et Diao offrent un tableau très similaire à celui de 2012 qui avait coûté le pouvoir au régime libéral. Réussiront-ils là où Idy et Macky avaient réussi ?
Les trois dissidents qui contestent le choix porté sur Amadou Ba pour défendre les couleurs de la majorité à la prochaine présidentielle sont tous candidats à ce même scrutin. Cependant, il est permis de se demander si Mahammad Boun Abdallah Dionne, Mame Boye Diao et Aly Ngouille Ndiaye ont assez de ressources pour tenir tête à l’actuel Premier ministre, Amadou Ba, candidat de la coalition BBY ?
Lors de l’élection présidentielle de 2012, Me Abdoulaye Wade, dont la candidature était très contestée, avait vu son parti affaibli par les départs de deux anciens Premiers ministres qu’étaient Idrissa Seck et Macky Sall et de ministres, de maires et d’autres personnalités politiques. Ce qui — en plus de la volonté qui lui avait été prêtée de vouloir se faire succéder par son fils — avait eu pour conséquence sa perte du pouvoir. Douze ans après, l’actuelle coalition présidentielle est confrontée au même scenario à la différence que son leader, le président Macky Sall, s’est déclaré non partant au prochain scrutin présidentiel. Mais son candidat déclaré, en l’occurrence Amadou Ba, va se présenter à l’élection présidentielle sans pouvoir compter sur le soutien de grosses pointures de l’Alliance Pour la République (APR) parmi lesquelles deux anciens chefs de gouvernement : Aminata Touré et Mahammad Boun Abdallah Dionne mais aussi un ancien ministre de l’Intérieur en la personne d’Aly Ngouille Ndiaye et d’un ancien directeur des Domaines, Mame Boye Diao. A part Mme Aminata Touré, tous ces poids lourds de la majorité ont contesté la désignation d’Amadou Ba et déclaré leurs candidatures. Malgré ces défections de taille, le dauphin du président Macky Sall parviendra-t-il à se faire élire au soir du 25 février prochain ? La question reste posée !
Aly Ngouille Ndiaye : Attention à sa capacité de nuisance !
C’est avec beaucoup de courage qu’il avait annoncé son intention de maintenir sa candidature quel que soit le choix du Président de la République. Une fois Amadou Ba désigné officiellement, Aly Ngouille Ndiaye a missa menace à exécution et démissionné du gouvernement. Résistant à toutes les pressions et intermédiations menées pour le faire reculer, il s’est lancé dans la course à la présidentielle. Donnant ainsi raison à ceux qui le soupçonnaient de vouloir succéder à Macky Sall. D’après certains, c’est cette obsession à être président qui expliquerait son limogeage du stratégique poste de ministre de l’Intérieur au profit de Antoine Félix Diome. Après une traversée du désert, il a fait son retour pour occuper les fonctions de ministre de l’Agriculture où il est resté jusqu’à la désignation d’Amadou Ba. Auparavant, dans le premier gouvernement formé par Macky Sall à son accession à la magistrature suprême, Aly Ngouille Ndiaye avait été nommé ministre de l’Énergie, des Mines et de l’industrie. Au plan politique, il a bénéficié de deux mandats successifs à la tête de la mairie de Linguère. Une telle expérience acquise au plan étatique et politique fait que sa candidature doit être prise très au sérieux d’autant plus qu’on le crédite de soutiens de taille dans la cité religieuse de Touba où beaucoup de dignitaires mourides le soutiendraient. Toutefois, le leader de la coalition «Aly Ngouille 2024» traîne des faiblesses d’abord dans son propre fief à Linguère où la quasi-totalité des maires lui ont tourné le dos pour soutenir le candidat de la mouvance présidentielle, Amadou Ba. A cela, il faut ajouter des dossiers relatifs à des « affaires » et qui pourraient constituer un obstacle sérieux pour l’atteinte de ses objectifs. Longtemps cité dans des contrats de pétrole avec le frère du Président de la République, son nom est également évoqué dans une affaire de blanchiment d’argent en Pologne. Last but not least, le candidat M. Moussa Diop vient de l’accuser d’être directement impliqué dans un scandale concernant l’exploitation de diamant dans le nord du pays. Concernant cette dernière grave accusation, Aly Ngouille Ndiaye a d’ailleurs porté plainte pour diffamation et son accusateur est actuellement entre les mains de la justice. Toutefois, l’homme fort du Djoloff pourrait faire mal s’il passe l’étape des parrainages.
Boun Abdallah Dionne, l’alternative la plus crédible pour Benno
C’est le profil le moins politique dans ce trio d’éléphants dissidents de l’APR. La frustration de l’homme surnommé « double bouton » est d’autant plus grande — ou compréhensible diront certains — qu’il était cité comme potentiel dauphin de Macky Sall. Durant son long compagnonnage avec l’actuel président de la République, Boun Abdallah a fait preuve d’une loyauté et d’une fidélité à toute épreuve. S’il n’a jamais eu à occuper de fonctions électives de maire ou de député, l’ancien Premier ministre détient cependant le record de longévité à cette « station » durant le magistère du président Macky Sall dont il a été tout le temps un vrai « Baye Fall ». Encore une fois, ce technocrate possède de sérieux atouts capables de faire mal au candidat Amadou Ba qu’il considère comme son principal adversaire. Ses passages durant cinq années à la Primature puis au Secrétariat général de la Présidence lui ont permis d’être au cœur des affaires de l’Etat en plus de lui permettre de nouer de précieuses relations au sein du parti présidentiel. C’est d’ailleurs un secret de Polichinelle que l’ex-chef du gouvernement compte de nombreux soutiens tapis dans l’ombre et prêts à tourner casaque pour le soutenir au moment opportun. C’est-àdire au lendemain de l’annonce par le Conseil constitutionnel des candidats retenus pour la prochaine présidentielle. Discret et rigoureux dans le travail, cet hyper-diplômé (ingénieur informaticien en même temps qu’économiste !) — se distingue aussi de par ses qualités d’homme d’État ayant fait ses preuves dans les organismes internationaux où il a servi durant plusieurs années. Au plan politique, il a dirigé en tant que tête de liste de la coalition BBY la campagne des législatives de 2017 qu’il a remportées haut la main. C’est fort de ce parcours élogieux qu’il refuse de se ranger derrière un autre pour le soutenir fut-il le choix de son mentor. A moins de trois mois du scrutin présidentiel, Mahammad Boun Abdallah Dionne se positionne comme la meilleure alternative de Benno à la présidentielle. Il poursuit sa collecte de parrainages sans trop faire de bruit tout en espérant s’appuyer sur le soutien de ses anciens camarades de parti qu’il pourrait récupérer d’ici la tenue des élections. Réussira-t-il à les débaucher au détriment de son adversaire Amadou Ba ? L’exercice ne sera pas du tout facile surtout que, récemment, l’actuel Premier ministre lui a pris un pion de taille en la personne de Habib Niang juste après le grand meeting organisé par ce dernier à Thiès. En échange d’un poste de conseiller spécial à la Primature, le responsable apériste a retourné sa veste et lâché en rase campagne Mahammad Dionne qu’il soutenait jusque-là ! Dionne qui pourrait bien dépasser le poulain de son ancien mentor dans le virage de Sangomar, comme disent les turfistes.
Mame Boye Diao, le dernier larron mais pas le moins dangereux !
C’est la candidature la plus surprenante parmi les trois rebelles de la mouvance présidentielle. A part son engagement politique et ses sorties à travers les médias pour défendre le bilan du Président Macky Sall, ses amitiés avec les « people » qui font le buzz, rien ne laissait présager les ambitions présidentielles de l’ancien directeur des Domaines. Un poste hyper important et enrichissant (au sens financier du terme !) dans un pays où la spéculation foncière est un sport national. C’est après la décision du chef de l’État de ne pas briguer un troisième mandat qu’il a fait savoir son intention de briguer la candidature de la mouvance présidentielle. Mieux, l’enfant du Fouladou avait même annoncé qu’il ne comptait pas soutenir une autre candidature. C’est pourquoi, une foisle nom de Amadou Ba dévoilé, il a mis en place son mouvement dénommé «Diao 2024» pour se lancer dans la course pour le Palais de la République en février prochain. Connu comme un militant chevronné de l’APR doublé de hautes qualités intellectuelles, Mame Boye a eu à occuper d’importantes fonctions parmi lesquelles celles, on l’a dit, de directeur des Domaines avant d’atterrir à la Caisse des Dépôts et de Consignations comme DG. Sur le plan politique, son plus grand fait d’armes, c’est d’avoir «défié» le candidat de BBY lors des dernières élections municipales et de le battre pour prendre la mairie de la ville de Kolda, son principal fief politique. Depuis qu’il a été démis de son poste de directeur général pour avoir osé contester le choix du Président, Mame Boye Diao est en train de massifier son mouvement en plus bien sûr de collecter des parrainages. Il se déplace beaucoup pour proposer aux sénégalais son programme alternatif pour le changement qu’il a décliné dans son livre intitulé «Le Sénégal qui vient». Même si on ne lui connaît pas de soutiens de grande envergure, il se dit très confiant et promet à qui veut l’entendre des surprises. Mais pour cela, il faut qu’il passe d’abord le cap des parrainages avant de penser à réussir une percée à cette élection présidentielle. Pourra-t-il compter sur le soutien de ses anciens camarades de parti ? A-t-il assez de ressources pour pouvoir tenir tête au candidat de BBY ? De toutes les manières, la tâche s’avère compliquée d’abord dans la ville de Kolda, son principal grenier électoral. Son premier adversaire dans cette zone sera l’actuel DG de la LONASE, Abdourahmane Doura Baldé, nouvellement nommé à la tête de cette société juteuse pour le contrer. D’ailleurs, c’est pour apporter une réponse politique à ce dernier qu’il a récemment organisé une grande mobilisation dans la ville de Kolda mais également porter la réplique à ceux qui le croyaient incapable de se remettre de la vague de démissions de plusieurs de ses délégués régionaux qui l’ont quitté pour rejoindre la mouvance présidentielle. Débauchés eux aussi par le Premier ministre Amadou Ba qui a fait le même coup à Boun Abdallah Dionne !