«CE QU’ON CHERCHE À FAIRE A SONKO EST INACCEPTABLE ET REVOLTANT»
Khalifa Sall, toutes griffes dehors, répond à «L’As» à l’occasion de sa tournée dans le Baol, samedi dernier
Le rejet par le Conseil constitutionnel de la requête des députés Guy Marius Sagna et Aminata Touré pour obliger le gouvernement à s’expliquer devant l’Assemblée nationale, le renvoi d’Ousmane Sonko devant la Chambre criminelle dans l’affaire l’opposant à Adji Sarr, sa posture au cas où Macky Sall briguerait un troisième mandat; voilà autant de questions auxquelles Khalifa Sall a répondu dans l’interview qu’il a accordée à «L’As» à l’occasion de sa tournée dans le Baol, samedi dernier. Entretien.
L’As : Qu’est-ce qui explique votre descente à Diourbel ?
Nous sommes très heureux de nous retrouver dans leBaol, cette terre d’accueil, cette terre de Cheikh Ahmadou Bamba Khadimou Rassoul, cette terre travailleuse dont les hommes sont dignes et fiers et servent de modèles parce qu'étant des précurseurs dans l’engagement pour le développement du pays. Cette tournée «Dox mbokk ci dëkk bi ñu bokk ngir motali yéné» est une démarche d’inclusion et de participation, de co-construction pour élaborer le projet politique du candidat Khalifa Sall de Taxawu Sénégal. Nous sommes en demande des populations de leurs points de vue, de leurs suggestions et de leurs observations. Nous sommes certains d’une chose : le développement sera local ou ne sera pas. Nos pays devront promouvoir l’engagement citoyen dans la conduite du développement. Le vrai problème que nous avons, c’est que les citoyens ne sont plus à la base de l’élaboration des projets. On a supprimé la planification alors qu’elle était un instrument de prévisibilité et de prévision. A quel moment les citoyens sont-ils consultés dans l’élaboration des politiques ? Voilà les vraies questions que nous nous posons et que nous partageons avec les populations à l’occasion de nos rencontres. Le projet sera co-construit et nous voulons connaître leurs aspirations et les impliquer dans le programme qu’on va faire, puisque comme l’a dit Léopold Sédar Senghor : «Les citoyens seront toujours au début et à la fin». Les citoyens devront être ceux qui élaborent le projet, le mettent en œuvre et sont les bénéficiaires. Ce sont ces trois niveaux d’implication que nous sommes en train d’expérimenter à travers cette démarche de proximité que nous conduirons sur douze mois. Nous irons à la rencontre de toutes les Sénégalaises et de tous les Sénégalais et nous parlerons avec eux du Sénégal. Nous discuterons avec eux du Sénégal
Le Conseil constitutionnel a débouté les députés Aminata Touré et Guy Marius Sagna qui demandaient des réponses au gouvernement sur le rapport de la Cour des Comptes. Comment avez-vous accueilli cela ?
L’exigence du gouvernement de venir s’expliquer devantle Parlement est constitutionnelle. Les membres du gouvernement doivent toujours répondre aux questions des députés. Maintenant, je n’ai pas lu l’arrêt du Conseil constitutionnel, donc je n’en connais pas les motivations. Je ne connais pas les raisons pour lesquelles le Conseil constitutionnel a rejeté leurs requêtes. Mais généralement, dès qu’il s’agit de procédures internes à l’Assemblée nationale, le Conseil constitutionnel se déclare incompétent parce qu’il y a la séparation des pouvoirs. Tant que ce n’est pas en matière constitutionnelle, quand il s’agit du fonctionnement de l’Assemblée nationale, c’est une loi organique qui le détermine. Donc quand l’Assemblée nationale décide, généralement le Conseil constitutionnel se déclare incompétent. Mais je suis très déçu. Je pense que le Premier ministre et son gouvernement devraient venir répondre aux questions des députés. C’est une exigence démocratique.
L’affaire Sweet Beauté a été renvoyée devant la Chambre criminelle. Que pense Khalifa Sall d’une éventuelle condamnation d’Ousmane Sonko ?
Il faut d’abord dire que l’avenir du Président Macky Sall est derrière lui. Il en est à son second et dernier mandat. Je fais partie de ceux qui avaient voté «Non» au référendum en étant membre de la coalition Benno Bokk Yaakaar (Bby). J’étais membre du Parti socialiste, de Bby, j’ai fait campagne et voté «Non» pour deux raisons très simples. La première, j’avais dit que je faisais voter «Non» et je voterai «Non» pour le respect de la parole publique. Il faut que l’homme public puisse conformer sa parole à ses actes. Le Président Macky Sall avait dit qu’il réduirait son mandat, il ne l’a pas fait. Et ensuite, le débat qu’il y avait eu autour des conjonctions de coordination et de la formulation de l’article 27 avait été posé dès le départ. Donc pour ces deux raisons-là, je ne suis pas surpris de ce que nous vivons aujourd’hui. Ce qui est révoltant, c’est que le Président Macky Sall veuille lui-même se choisir ses adversaires. Ce que l’on cherche à faire à Ousmane Sonko est inacceptable et révoltant. Ce pouvoir ne peut pas se permettre de vouloir toujours humilier les gens. Quand vous atteignez un homme dans son honorabilité et sa crédibilité, c’est comme si vous le crucifiez. Certaines questions qu’ils ont agitées et certaines accusations dontils n’ont pas encore apporté la preuve, sont dans cet ordre-là. Donc nous sommes solidaires d’Ousmane Sonko et nous nous battrons à ses côtés. D’ailleurs, j’en profite pour engager Taxawu Sénégal à être prêt pour porter le combat. Ce n’est pas seulement pour la personne d’Ousmane Sonko, mais c’est un combat de principe. C’est pour que le président de la République n’ait plus la possibilité de se choisir ses adversaires.
Si le Président Macky Sall présente sa candidature en 2024, quelle sera votre posture ?
Au niveau de la coalition Yewwi Askan wi, nous nous organisons et nous nous préparons. Une stratégie ne s’étale pas comme cela. Mais sachez que nous sommes contre la troisième candidature du Président Macky Sall. J’ai dit à un de vos confrères que le Président Macky Sall ne déclarera pas sa candidature. S’il doit déposer, il attendra le moment venu et il ira déposer. Ceux qui attendentle Président Macky Sall sur une déclaration de candidature risquent d’attendre assez longtemps. Mais sur le principe, nous veillerons à ce que force reste à la loi. La lecture que chacun se fait des dispositions de l’article 27 est que nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs. Et tout le monde se souvient encore de la campagne de 2016 quand le Président Macky Sall et tous ceux qui lui sont proches avaient dit en insistant sur cette disposition de l’article 27 : «Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs». On parle français.
Pensez-vous que l’Etat a pris les bonnes décisions après les récents accidents de la route qui ont fait plus de soixante morts à Kaffrine et Louga ?
Nous nous inclinons face à ces tragédies humaines successives et massives. Que ce soit à Kaffrine ou à Louga, c’est véritablement regrettable et désolant. Toutes nos prières à nos compatriotes qui ont perdu leurs vies et prompt rétablissement à ceux qui sont blessés. Ce gouvernement se contente des annonces et pense que c’est fini dès qu’il fait des annonces. Mais, ils doivent comprendre qu’ils devront encore mouiller un peu plus le maillot. Il faut savoir prendre des décisions et surtout savoir s’y tenir. Ils avaient annoncé un certain nombre de mesures, mais ils ont fini par reculer. C’est ça qui gêne. Finalement, on se demande quelle est la volonté de ce gouvernement. Et certains y perdent leur latin.