CES POINTS NOIRS DE LA TOURNÉE DE MACKY
Des jeunes auraient été recrutés massivement à Dakar par la mouvance présidentielle, afin de gonfler les foules. Les nervis ont repris du service en molestant sur leur itinéraire toute personne manifestant une quelconque hostilité au président
Recrutement de jeunes depuis Dakar et ailleurs pour rendre plus massives les mobilisations, recours à des nervis ou gros bras dans le sillage du cortège présidentiel, port de brassards rouges au niveau de certains points de passage de Macky Sall par des acteurs mécontents de leur traitement par le pouvoir en place… Autant de points noirs qui sont venus assombrir le tableau des méga-mobilisations du président Macky Sall, dans le cadre de sa tournée économique dans le nord du pays. Une initiative de caractère républicain certes, mais teintée de visées politiciennes.
Fortement ébranlé par les émeutes de mars dernier qui avaient fini de fragiliser son leadership et son crédit, Macky Sall semble en passe de redorer son image et de retrouver de l’allant auprès au sein des populations, par l’entremise d’une tournée économique auréolée de soubassement politique. Une tournée sur fond de méga-mobilisation au nord du Sénégal et devant un électorat qui lui a été fidèle depuis 2012, au regard des scores fleuve que le Président y a réalisés aux différents scrutins électoraux organisés entre son avènement au pouvoir et sa reconduction à la magistrature suprême dans le cadre du quinquennat. Ce faisant, Macky Sall semble vouloir faire d’une pierre deux coups, au-delà du nécessaire suivi de l’exécution des politiques publiques dans les régions. Pour bien d’analystes politiques, il s’agit pour Macky Sall non seulement de redorer son blason fortement terni par les manifestations populaires ayant accompagné le traitement «politico-judiciaire» de l’affaire Ousmane Sonko, mais encore de tenter à nouveau le «coup Ko» qui lui avait permis, à chaque élection, de doubler son opposition. Les Locales de 2022, sorte de primaires aux Législatives devant suivre dans la même année, seraient dans la ligne de mire du Président qui s’investit à rameuter ses troupes, en perspective de ce grand rendez-vous pour le renouvellement des élus locaux, qu’ils soient municipaux ou départementaux.
OMBRES NOIRES AU TABLEAU
Cette tournée économique dans le Nord du Sénégal, sur fond de fortes mobilisations orchestrées à coup de millions, n’a pas manqué cependant d’être ternie par certains points noirs qui ont pour qualificatifs «bétail électoral», recours aux nervis ou encore port de brassards rouges. Et pour cause, selon des médias, des jeunes auraient été recrutés massivement à Dakar par certains responsables apéristes et de la mouvance présidentielle, afin de gonfler les foules partout où Macky Sall passait, dans sa pérégrination vers le Fouta. Selon ainsi le journal « Le Témoin », à 24 heures de l’arrivée du président Macky Sall au Fouta, le quartier Grand-Yoff était l’un des points de convergence de tout ce Dakar comptait comme « bétail électoral ». À bord de cars « Horaires » et autres bus Dakar-Dem-Dik, des responsables de l’Apr et de Bby faisaient convoyer des jeunes au Fouta moyennant une somme de 17.500 cfa par tête, voire par tee-shirt à l’effigie de Macky Sall. Certains « chômeurs » auraient même exigé un montant de 20.000 F Cfa sous prétexte qu’ils devaient se payer un « Mer-gadou » ou matelas de fortune. Autrement dit, avoir sur quoi dormir au Fouta. Du coup, cette mobilisation au forceps semblait donner raison à l’opposant Ousmane Sonko qui, lors du dernier rassemblement du mouvement «M2D», à la Place de l’Obélisque, le 11 juin dernier, se disait séduit par la très forte mobilisation en ces termes : « Vous n’êtes ni exportés, ni transportés, ni loués, mais toujours présents ! ».
REVOILA LES GROS BRAS!
Une autre ombre au tableau de la mobilisation populaire qui accompagne le déplacement de Macky Sall au Nord du Sénégal semble sans nul doute être liée au recours des fameux…nervis dans les entournures du cortège présidentiel. Des gros bras qui s’étaient tristement illustrés lors des émeutes de mars dernier, en dictant la loi du plus fort aux manifestants hostiles au régime en place. Au nez et à la barbe des Forces de défense. Ou du moins, sous leur regard bienveillant. Et pour cause, ces individus armés de gourdins, machettes et autres armes de combat cheminaient sans aucune interpellation dans les artères de la capitale sénégalaise, aux côtés des forces de l’ordre sans jamais être rappelés…à l’ordre par les tenants de la force publique. Pis, ceux-ci semblaient même se complaire de leur présence au front. Suffisant alors pour déchainer une véritable levée de boucliers de moult acteurs qui avaient demandé à l’Etat de prendre ses responsabilités et de sanctionner les violences exercées par ces nervis sur des citoyens, même s’ils étaient des manifestants. Cette fois, les nervis sont réactivés pour les besoins…de la tournée économique du chef de l’Etat dans le Nord du pays. Du coup, les gros bras ont remis le pied à l’étrier en molestant sur leur itinéraire toute personne manifestant une quelconque posture anti-Macky. En témoigne le cas d’Aïda Sall, une jeune fille résidant à Ndellé Boye, Saint-Louis, et qui a passé un sale temps entre les mains de ces nervis qui accompagnaient le cortège du chef de l’Etat, Interpellé par le journal L’As, elle fera savoir que « Des nervis sont descendus des véhicules, nous ont trouvés avec des brassards rouges et nous ont malmenés, ont déchiré nos teeshirts et pris nos pagnes ». A Saint-Louis, les gros bras auraient indisposé les forces de l’ordre et le dispositif sécuritaire autour de l’itinéraire du président de la République à tel point que les responsables de la Police leur auraient intimé l’ordre de libérer la voie qu’ils occupaient avec leurs pick-up, sur l’avenue Général de Gaulle.
DESITINERAIRES TEINTES DE…ROUGE
L’apparition des brassards rouges sur le long de son parcours vers le Fouta peut aussi être perçue comme une autre tache noire dans la tournée économique de Macky Sall. C’est ainsi qu’à Saint-Louis, des victimes de Khar Yalla ont mis en exécution leur menace de « mettre du sable » dans l’accueil du président Macky Sall en arborant des brassards rouges. Sur l’axe Cité Vauvert- Ngallèle, elles s’étaient mobilisées en masse pour crier leur ras-le-bol et exiger qu’on les rende leurs parcelles. D’ailleurs, n’eût été la vigilance des forces de l’ordre, on aurait assisté, selon des témoins, à de violents heurts puisque de gros bras sortis de nulle part ont tenté de disperser les porteurs de brassards rouges et de pancartes hostiles au pouvoir. Malgré les intimidations, les «trouble-fêtes» ont tenu jusqu’au passage du cortège présidentiel. A Mpal également, des jeunes avaient auparavant arboré des brassards rouges pour dénoncer l’oubli volontaire dont est victime la cité religieuse de Mame Rawane Ngom, rapporte-t-on.
Selon les contestataires, le président Sall n’a pas respecté ses promesses électorales vis à vis de Mpal dans le cadre de la modernisation des cités religieuses. Toujours dans la même zone, à Rao, les populations qui réclament sa communalisation se sont jointes aux producteurs d’oignons du Gandiol et des villages environnants en portant des brassards rouges et en accrochant des sacs d’oignon vides le long de l’itinéraire pour exprimer la mévente de leurs productions et fustiger le manque d’accompagnement auprès des institutions financières. Ces diverses actions de contestation ne sont cependant pas spécifiques dans l’itinéraire de Macky Sall au Nord. Question à mille balles : qu’en sera-til à Matam où les membres des divers mouvements regroupés au sein du concept « Fouta Tampi » disent attendre de pied ferme le chef de l’Etat ?