CHACUN POUR SOI D’ABORD, LE BENNO POUR TOUS APRÈS
Benno Bokk Yakaar résistera-t-elle encore au choc des ambitions ? Une question qui mérite bien d’être à cause du choc des ambitions provoqué par les élections locales du 23 janvier prochain
Benno Bokk Yakaar (BBY) résistera-t-elle encore au choc des ambitions ? Une question qui mérite bien d’être à cause du choc des ambitions provoqué par les élections locales du 23 janvier prochain. Benno ou le syndrome du chacun pour soi, Dieu pour Tous…
L’avenir de la coalition de la majorité présidentielle s’assombrit de jour en jour, à mesure qu’approchent les élections locales du 22 janvier 2022. Après près de 10 ans d’une alliance qui a quand même su garder sa cohésion malgré les divers scrutins qui ont jalonné le premier mandat du président Macky Sall, un septennat, et malgré quelques divergences inhérentes à tout regroupement de ce genre — surtout avec le nombre de partis que le composent —, le temps de la rupture et de la reconquête de nouvelles bases politiques semble être arrivé au sein de BBY. Chacun des partis qui composent cette coalition au pouvoir affûte ses armes et semble déterminé à défendre coûte que coûte ses intérêts, notamment les collectivités territoriales qu’il contrôle, quitte à quitter l’alliance et voler avec ses propres ailes.
Autrement dit, le slogan : «Gagner ensemble et gérer ensemble » qui cimente les diverses composantes de ce bloc ne devrait plus être valable pour longtemps. Le Chacun pour soi, Dieu pour Tous semble être privilégié désormais au sein de Benno. Lors de la 74ème séance de son Secrétariat exécutif national (Sen) tenue à son siège, à Colobane, le Parti socialiste (Ps) la deuxième composante de cette coalition après l’Alliance Pour la République (APR) a affiché sa détermination à aller à la conquête des mairies et conseils départementaux soit avec Benno soit, dans le cas contraire, seule. « L’idéal, c’est de le faire avec Benno, mais à l’impossible nul n’est tenu. Aujourd’hui, nous sommes résolument engagés à y aller, quoi qu’il en soit. Là où nous pouvons aller avec Benno, nous y irons et là où nous ne pourrons pas y aller ensemble, nous irons seuls… », avaient fait savoir Aminata Mbengue Ndiaye et ses camarades.
L’Alliance des Forces de Progrès (AFP), l’autre poids lourd de la majorité présidentielle, Moustapha Niasse, l’autre allié de Macky Sall dans Benno, affiche aussi ses ambitions pour les prochaines locales. Les camarades du président de l’Assemblée nationale, Moustapha Niasse, se disent déterminés à avoir le maximum d’élus le 23 janvier. « Nous sommes dans Benno bokk Yakaar, mais aussi dans Benno Siggil Senegaal. L’AFP est un parti structuré et organisé et son objectif est d’aller dans le cadre de Benno Bokk Yakaar (BBY) et se retrouver avec le maximum d’élus », avait déclaré le porte-parole de cette formation, Dr Malick Diop par ailleurs directeur général de l’ASEPEX (Agence Sénégalaise de Promotion des Exportations).
Les ingrédients d’un éclatement…
Les ingrédients d’un éclatement de la coalition Benno Bokk Yaakaar sont aujourd’hui réunis.
A Dakar, où se disputera la mère des batailles, les alliés du camp présidentiel ne se feront pas cadeaux. Le Parti socialiste avec à sa tête le maire de Dakar Plateau, Alioune Ndoye, l’APR avec Amadou Ba, Abdoulaye Diouf Sarr et Aboubacar Sedikh Beye mais aussi Moussa Sy, l’actuel maire des Parcelles-Assainies, vont sans doute se discuter âprement la très stratégique mairie de la capitale. Du moins, si un consensus n’est pas trouvé entre les différents leaders pour sauver cette coalition — qui a su survivre jusque-là à tous les tumultes — d’une implosion. Dans les autres départements de la région de Dakar comme Pikine et Guédiawaye, les combats seront rudes que dans la capitale elle-même.
À Pikine, Pape Sagna Mbaye de l’AFP voudra sans doute revenir à la tête de cette grande ville mais il devra faire face, dans cette éventualité, à l’actuel maire Abdoulaye Thimbo, qui n’est autre que l’oncle du président de la République ! Autre challenger sérieux, l’ancien ministre Pape Gorgui Ndong, qui ne cache pas ses ambitions, pour la ville mais aussi Abdou Karim Sall,l’actuel ministre de l’Environnement.
À Guédiawaye, Aïda Sow Diawara du Parti socialiste va certainement vouloir se positionner pour la ville. Sans illusion puisque l’actuel maire de Guédiawaye — qui est aussi le président de l’Association des maires du Sénégal — c’est Aliou Sall, frère du président de la République ! Entre l’oncle et le frère du président, les deux départements jumeaux de Pikine et Guédiawaye sont, nul doute, solidement tenus en main par la famille présidentielle ! Quant à la candidature annoncée de l’ancien député Seydina Fall Boughazelly, elle est sans doute faite pour amuser la galerie…
Idy joue gros dans son fief de Thiès
À Thiès, Idrissa Seck devenu président du Conseil économique, social et environnemental (Cese) à la faveur de l’alliance « Mburu ak Sow » aura à cœur de prouver que son entrisme, pour ne pas dire sa transhumance, ne lui a pas fait perdre du terrain dans ce qui constitue depuis 15 ans son fief inexpugnable. Il voudra surtout confier la ville à un de ses plus fidèles en lieu et place de Talla Sylla qui lui avait tourné le dos pour rejoindre son ex-ennemi juré Macky Sall devenu entretemps son « ami ». Lequel va profiter de cette alliance « Mbourou Ak Sow » pour imposer ses hommes à savoir Ciré Dia, Dr Augustin Tine ou Abdou Mbow. Mais, Moustapha Niasse ne va certainement pas se laisser faire. Dans la capitale du Rail, la bataille risque d’être rude entre alliés de Benno. En effet, en dehors des responsables politiques du parti présidentiel et du nouvel allié Idrissa Seck, des hommes qui se sont distingués ces dernières années dans le social, du fait de leurs soutiens multiformes aux populations démunies, et donc devenus très populaires, ces hommes providentiels veulent eux aussi diriger leurs communes. Parmi ceux-là, on peut citer Habib Niang, incontestablement le mieux côté, mais aussi Habib Kane, Dr. Abdoulaye Dièye… Dans le département de Mbour, l’ancien ministre Me Omar Youm et l’actuelle ministre du Pétrole et des Energies — et condisciple du président de la République ! — Sophie Gladima se disputent le leadership. Chacun des deux se considère comme le leader incontesté et incontestable de Benno dans la Petite Côte.
À Kaolack, Louga, Fouta, Fouta et Diourbel, Benno dans tous ses éclats…
À Kaolack, Mariama Sarr, la « djiguène » du Président et actuelle ministre de la Fonction publique est acculée de toutes parts. Et d’abord par son propre ex-époux, l’homme d’affaires et ambassadeur itinérant Modou Ndiaye Rahma. Lequel est bien placé pour lui succéder à la tête de la mairie de la ville de Mbossé. Parmi les autres prétendants qui guignent son fauteuil figurent l’ancien ministre Diène Farba Sarr, le directeur général de la Senelec, Pape Demba Biteye, l’ancien Premier ministre Aminata Mimi Touré, l’homme d’affaires Baye Ciss dit Pigeon, le président du Conseil départemental de Kaolack, Baba Ndiaye, etc.
À Louga, le « sang » risque de couler entre l’ancienne mairesse Aminata Mbengue Ndiaye, actuelle présidente du haut conseil des collectivités territoriales et patronne du Parti socialiste (Ps), son tombeur et maire sortant, Moustapha Diop, le richissime Mamour Diallo, ancien directeur des Domaines, et Omar Boun Khatab Sylla, le magistrat politicien propulsé à la tête de la société de transport public de voyageurs Dakar Dem Dikk.
En haute et basse Casamance, notamment à Kolda, Bignona, Ziguinchor, là également les couteaux vont sortir. À Ziguinchor, Doudou Ka, le directeur général de l’Aéroport international Blaise Diagne, ne fait pas mystère de son intention de déboulonner le maire Abdoulaye Baldé devenu pourtant une pièce maîtresse de la majorité présidentielle après sa transhumance.
À Kolda, le directeur des Domaines, le richissime (et homme à frasques !) directeur des Domaines, Mame Boye Diao fera peut être face au directeur général de La Poste, et ancien ministre, Abdoulaye Bibi Baldé, et aussi à l’actuel ministre de l’Agriculture, Abdoulaye Baldé…
Dans le Djolof, il peut pleuvoir du sel. Le très populaire ancien ministre de l’Intérieur, Aly Ngouille Ndiaye de l’APR, maire de Linguère, et Aly Saleh Diop de Rewmi, ministre de l’Elevage, ne se feront pas de cadeau. Toutefois, le principal rival de Aly Ngouille Ndiaye, celui que Macky Sall a positionné dans le département pour contrecarrer ses ambitions, n’est autre que Samba Ndiobène Kâ, ministre du Développement communautaire, de l’Equité sociale et territoriale. Autrement dit, celui-là même qui gère actuellement le très balèze département que détenait avant lui le beau-frère du président de la République !
Pour dire que Macky Sall a donné à l’ancien directeur général de la Saed les moyens d’affronter victorieusement l’ancien premier flic du pays. À Podor, on peut s’attendre à une grande bataille entre le leader de « Osez L’Avenir » qui a rejoint Benno entre-temps — avec, à la clef, une récompense de ministre des Affaires étrangères ! — et Mamadou Racine Sy de l’Alsar. une belle raclette lors des locales de 2014. A Matam, les querelles de tendances entre pro-Farba Ngom — griot du président de la République et faiseur de rois — et les frères Dia (Harouna et Daouda) risquent d’être épiques avec pour arbitre le très faucon ministre de la Justice Me Malick Sall.
Toutefois, le maire de Ourossogui, Me Moussa Bocar Thiam, voudra conserver sa mairie qu’il avait conquise sous les couleurs du Parti socialiste. Avant de migrer vers l’APR avec, là aussi, à la clef, une sucette : le juteux poste d’Agent judiciaire de l’État.
Dans le département de Diourbel, on peut s’attendre à un éclatement de la majorité présidentielle à cause des ambitions des uns et des autres à vouloir diriger politiquement le département. Le Ministre Dame Diop, DG Saer Diop, Directeur Moustapha Guèye, Fatou Diané, Cheikh Seck maire de Ndindy, DG Dr Soumaré, PA Abou PCO PF2E, Directeur de l’insertion ADL, Coordonnateur du PF2E Ousmane Diédhiou, Ibrahima Ndour maire de Taiba Moutoupha, Modou Faye maire de Touré Mbonde, Abdou Diagne maire de Tocky etc... ne se feront sans doute pas de cadeau.
À Tambacounda : Mame Balla Lo et Sidiki Kaba sont à couteaux tirés. Les deux responsables politiques, le député maire Mame Balla Lo et Sidiki Kaba, Ministre des Forces Armées ne se donnent aucune chance. Ils ne cachent même pas leur farouche opposition... Mais c’est surtout, surtout, dans la bataille pour le contrôle de la mairie de Kaffrine que le sang risque véritable de gicler à flots : En effet, le transhumant Abdoulaye Sow, actuel ministre de l’Urbanisme, poussé par le président de la République, veut détrôner Abdoulaye Wilane, poids lourd et longtemps « voix » du Parti socialiste, qui trône à la tête de la municipalité depuis longtemps. Après avoir détrôné la « lionne » Mata Sy Diallo de l’Alliance des forces de progrès (Afp), autrement dit une membre de la majorité présidentielle. Ce qui fait que Moustapha Niasse se fera un malin plaisir de prêter main-forte à Abdoulaye Sow pour faire payer très cher à Abdoulaye Wilane cette mauvaise manière faite à l’ancienne présidente des femmes de l’Afp. Bien évidemment le Ps est mobilisé pour soutenir Wilane et est près à considérer son éventuel lâchage au profit du transhumant Abdoulaye Sow comme un casus belli. Le sans risque de gicler à Kaffrine, on vous dit !