CINGLANTE LA RÉPLIQUE ANTICIPÉE D'ALPHA CONDÉ
Propos de Macron sur l’Afrique
Pas une déclaration, aucune réaction. Les chapelles présidentielles n’ont pas tinté les cloches de l’indignation. Dans un silence coupable, à la limite approbateur, les chefs d’Etat africains, les organisations régionales ou sous-régionales n’ont signé aucun communiqué regrettant ou recadrant les propos condescendants d’Emmanuel Macron sur la démographie galopante qui freinerait le développement de l’Afrique. La seule réponse d’un officiel africain est à retrouver en amont du G20. Habitué ces derniers temps à des diatribes sur l’ingérence colonialiste de la France, Alpha Condé a apporté une réplique anticipée au président français. Morceaux choisis.
Le tollé médiatique des propos d'Emmanuel Macron est à la hauteur des réactions d'indignation et de condamnation sur les réseaux sociaux. Répondant aux questions d'un journaliste ivoirien lors du sommet du G20 en Allemagne, Emmanuel Macron avait fait le lien entre le sous-développement de l'Afrique et l'explosion démographique sur le continent dans des propos qui rappellent le discours de Dakar de Nicolas Sarkozy.
Macron voit la démographie en Afrique comme un «défi civilisationnel»
«Le défi de l'Afrique, il est totalement différent. Il est beaucoup plus profond, il est civilisationnel aujourd'hui. Quels sont les problèmes en Afrique ? Les États faillis, les transitions démocratiques complexes, la transition démographique qui est, je l'ai rappelé ce matin, l'un des défis essentiels de l'Afrique. Quand des pays ont encore aujourd'hui 7 à 8 enfants par femme, vous pouvez décider d'y dépenser des milliards d'euros, vous ne stabiliserez rien», a analysé Emmanuel Macron, ce samedi 8 juillet.
Face à ses propos qualifiés en chœur de «racistes» par la presse anglo-saxonne, aucune grimace, aucun mot de Macky Sall, le président sénégalais, ou d'Alpha Condé, le président en exercice de l'Union africaine, qui encaissent le coup et ne pipent pas. Pire, au lendemain de cet «affront» contre le continent, aucun chef d'Etat ou haut responsable africain n'a répondu au président français.
Comme une prémonition, le silence du président guinéen, pourtant hôte du sommet où les propos de Macron ont été prononcés, s'expliquerait peut-être par cette réponse anticipée lors du Forum panafricain de la jeunesse à N'Djamena au Tchad. En réponse à une phrase de Youssouf Abassalah, le ministre tchadien de la Jeunesse sur la démographie africaine, Alpha Condé pioche un CD dans son armoire à disques anticolonialiste.
Alpha Condé avait déjà anticipé et répondu à cette vision «macronienne»
«Quand vous parlez de démographie galopante, c'est du Malthusianisme, c'est contre l'Afrique. Aujourd'hui, les autres continents nous envient notre démographie, parce que ce sont des peuples vieillissants. Notre jeunesse est notre avantage. Donc, nous devons nous approprier notre propre langage en fonction de ce que nous voulons pour l'Afrique», a fait savoir le président guinéen.
Sur les causes du retard de l'Afrique, l'analyse du chef de l'Etat guinéen est très différente. Emmanuel Macron évoque au G20, «la route des trafics, multiples, qui nécessitent des réponses en termes de sécurité (trafic de drogues, trafic d'armes, trafic humains, trafic de biens culturels)», ainsi que «le terrorisme islamiste», comme les autres causes du sous-développement.
Alpha Condé estime lui que si l'Afrique est en retard c'est à cause de «l'esclavage qui a vidé l'Afrique de ses forces vives les plus jeunes» et qui l'a empêché d'«être au rendez-vous de la révolution industrielle». Un retard qui sera rattrapé, plaide le président guinéen, en investissant sur la jeunesse, l'électricité. Autant de chantiers sur lesquels le président de l'Union africaine est attendu lors de son mandat à la tête de l'agora africaine.