COMMENT WADE A MORCELÉ THIES À DES FINS POLITICIENNES
Malgré la pandémie du coronavirus, les enjeux politiques restent d’actualité à Thiès, liés notamment aux prochaines élections locales.
Malgré la pandémie du coronavirus, les enjeux politiques restent d’actualité à Thiès, liés notamment aux prochaines élections locales. En effet, la coalition de la majorité et celle d’Idrissa Seck vont à cette occasion jouer leur avenir politique et c’est pourquoi il y a une rude bataille en perspective autour des fauteuils des Maires de Thiès.
Malgré la persistance de la crise sanitaire qui frappe le pays depuis le 2 mars 2020, avec un virus qui circule de manière active, notamment à Thiès où la ville totalise 365 cas positifs, les enjeux politiques liés surtout aux prochaines élections locales sont toujours d’actualité. En effet, les différentes chapelles politiques, même si elles ont déserté l’arène politique à cause de la pandémie, continuent de lorgner les fauteuils des Maires de Thiès, ce qui laisse augurer une rude bataille en perspective.
Ladite ville étrenne toujours ses habits de cité politiquement très chargée, comme en atteste la trajectoire suivie depuis très longtemps. L’illustration en est également donnée par le rôle joué dans la survenue de la première alternance politique au Sénégal. Les signes annonciateurs de cette alternance de 2000 sont apparus avec l’élection présidentielle de février 1988, marquée par des violences inouïes dont les prolongements ont bouleversé le quotidien des Sénégalais, même plusieurs mois après la proclamation des résultats. C’est aussi Thiès qui a fourni les premiers signes de la chute du régime libéral, à travers la profonde crise politique entre l’ancien président de la République Me Abdoulaye Wade et son fils putatif et numéro 2 du parti,
Idrissa Seck. Thiès a également marqué de son empreinte la seconde alternance politique, marquée par l’accession du Président Macky Sall à la Magistrature suprême. Mais politiquement, la cité rebelle a toujours tourné le dos au pouvoir central et le régime libéral l’a su à ses dépens, pour avoir régulièrement eu des revers électoraux. Avec les prochaines élections locales, le pouvoir de Macky Sall voudrait certainement mettre un terme à cette série et la couleur a déjà été annoncée lors des locales de 2014, avec une réduction assez substantielle des écarts face à la liste de Rewmi dont l’hégémonie dans la ville dure de façon ininterrompue depuis 2009. Ainsi, les enjeux sont-ils énormes en ce qui concerne les prochaines élections locales et le Rewmi va certainement jouer son va-tout car les résultats vont nécessairement impacter sur la candidature d’Idrissa Seck à la prochaine présidentielle. En effet, il avait tenu la promesse ferme d’abandonner la politique dès le lendemain d’une défaite à Thiès. L’Alliance Pour la République (APR) ne se laissera pas faire et son ambition est de signer une première victoire éclatante à Thiès. Un chantier du reste difficile avec surtout les divergences internes, mais certains pans du parti se retrouvent autour du leadership de Ndèye Tické Ndiaye Diop, ministre de l’Economie Numérique et des Télécommunications. D’ailleurs, là où beaucoup de leaders du parti brillent par leur absence sur le terrain depuis le début de la pandémie, elle a principalement orienté ses activités vers le social pour accompagner les familles vulnérables, ce qui peut constituer une plus-value politique pour la majorité présidentielle, le moment venu.
OÙ SONT PASSES LES MOUVEMENTS DE SOUTIEN ?
Le fonctionnement de l’Alliance Pour la République (APR) a beaucoup de ressemblance avec celui du Parti Démocratique Sénégalais (PDS). A Thiès, son arrivée au pouvoir est marquée par la naissance de plusieurs mouvements de soutien, qui travaillent à la périphérie, pour élargir les rangs de la mouvance présidentielle. Certains mouvements de soutien s’étaient d’ailleurs retrouvés autour d’une dynamique unitaire dénommée Dynamique Unitaire des Organisations et Mouvements de soutien pour la réélection du Président Macky Sall (DOMU/ Thiès), pour mieux organiser et opérationnaliser le travail politique sur le terrain. C’est l’Alliance pour un Sénégal Prospère (ASP) de Mamadou Gning et le mouvement Thiès sur les rails de l’émergence de Babacar Fall, qui étaient les têtes de pont de cette initiative.
Le Mouvement Dolil Macky (MDM) de Babacar Pascal Dione, ancien Chef des Services Fiscaux de Thiès, était également à la tête d’un autre cadre unitaire regroupant d’autres mouvements de soutien. Le mouvement MDM avait été porté sur les fonts baptismaux, à la suite d’une rencontre entre Babacar Pascal Dione et le président de la République Macky Sall. Et cette démarche avait été bénie par Serigne Abdoul Aziz Sy « Al Amine », porte-parole de la famille de Sy de Tivaouane, qui avait lui-même acheté la première carte de membre. Il est né à Thiadiaye où se trouve la base politique de son initiateur et où il est crédité d’une expérience politique de plus de 20 ans, mais il s’est beaucoup investi à Thiès pour voler au secours de la mouvance présidentielle. Même si le maillage politique de la ville est véritablement enclenché par ces mouvements, l’impact réel sur la balance électorale reste encore à prouver. Et aujourd’hui, on est tenté de se demander où sont ces mouvements de soutien.
En effet, depuis l’élection présidentielle, ils se font discrets dans l’arène politique, s’ils n’ont pas purement disparu. C’est tout le contraire du mouvement And Suxali Sénégal qui continue d’occuper le terrain, après que son Président Habib Niang s’est publiquement déclaré candidat à la mairie de Thiès, avec ou sans la coalition Benno Bokk Yaakaar, même s’il réaffirme son soutien au président de la République Macky Sall. Il s’agit là, aux yeux des observateurs, d’une position courageuse et depuis le début de la pandémie, il a orienté toutes ses activités vers le social. C’est ainsi qu’il est régulièrement allé au secours des couches vulnérables de Thiès, en leur distribuant 13 tonnes de riz, 1,5 tonne de sucre, 300 cartons de produits d’hygiène, qui ont été mis à la disposition des femmes du mouvement, mais aussi des Imams et autres familles vulnérables, sans compter les kits d’hygiène, les milliers de masques.
COMMENT LE DECRET DE ME WADE A PORTE UN COUP DUR A LA VILLE DE THIES
Au moment où l’élite politique se prépare à ce combat acharné autour des fauteuils des Maires de Thiès, le coup dur porté à la ville par le Décret 2008-1344 du 20 novembre 2008 signé par Me Abdoulaye Wade reste un handicap pour conduire de véritables projets de développement local. Alors que sa coalition Sopi était régulièrement malmenée à travers les urnes, Me Abdoulaye Wade n’avait trouvé rien de mieux à faire que d’user de son pouvoir pour faire éclater le territoire communal de Thiès en trois communes d’arrondissement. Talla Sylla s’était récemment insurgé contre cette réforme qui, disait-il, allait à l’encontre des intérêts des populations, pour n’avoir créé que des blocages. Et dans ce sillage, il a demandé un retour à la case de départ, c’està-dire à une seule et unique commune de Thiès. Ledit décret de Me Wade a consacré trois communes d’arrondissement dans la ville de Thiès. Il s’agit de la commune d’arrondissement de Thiès-Nord qui regroupe les quartiers suivants : Université de Thiès (cité polytechnique), la zone militaire, les quartiers Diakhao, Diakhao Thialy, Thialy, Nguinth, Escale Nord, Keur Mame El Hadji, Keur Cheikh Ibra, Takhikao, Kawsara, Médina Fall, Médina Fall Extension, Keur Issa, Diassap, Keur Modou Ndiaye, Keur Saïb Ndoye, Poniène, Thionakh, Thiapong et la Zone d’Aménagement Concerté (ZAC).
Quant à la commune d’arrondissement de Thiès-Est, elle comprend Ballabey, Derrière la Voie ferrée (DVF), Malamine Senghor, Aiglon, Mbambara, Keur Cheikh Abdoulaye Yakhine, Cité Senghor 1, Cité Senghor 2, Diamaguène, Sampathé, Hersent 1, Hersent 2, Cité Lamy, Parcelles Assainies 1, 2, 3 et 4, Silmang, Darou Salam, Fahu 1 et 2. Et enfin, les quartiers suivants ont été collés à la commune d’arrondissement de Thiès Ouest : Escale Sud, 10ème ex RIAOM, Carrières, HLM Route de Dakar, Cité Malick Sy, Thiès Nones, Zone industrielle, Randoulène Nord, Randoulène Sud, Som, Mbour 1, 2, 3 et 4, Sud Stade, Grand Standing, Route de Dakar 1 et 2.. Et aujourd’hui, avec l’acte 3 de la décentralisation, ces communes d’arrondissement sont devenues des communes de plein exercice, à l’intérieur de la ville de Thiès qui a également son Maire. Le rapport de présentation du Décret 2008-1344 du 20 novembre 2008 parle d’une « commune de Thiès caractérisée par, d’une part un territoire relativement vaste et, d’autre part, par une forte concentration démographique. Il en résulte que les usagers sont loin des centres de décision et les autorités administratives et locales sont éloignées des préoccupations quotidiennes des populations. Ainsi, pour éviter la sous-administration de la commune de Thiès, il s’avère indispensable de remodeler le territoire communal ».
Un point de vue pas du tout partagé par Talla Sylla Maire de la Ville pour qui, ce redécoupage relevait de la pure politique et de ce point de vue, la décision n’avait rien à voir avec le développement. Selon lui, il y avait à l’époque trois responsables du parti au pouvoir d’alors et l’objectif était de faire en sorte que chaque partie de la ville revienne à l’un d’eux. Mais force est de constater que cette stratégie n’a pas été payante pour les libéraux qui ont été laminés dans toutes les communes d’arrondissement. Et c’est fort de ces arguments que le Maire de la Ville milite fortement pour la reconstitution de la commune de Thiès, ce qui permettrait d’avoir un seul Maire, une seule institution et d’éviter de verser des indemnités à 4 Maires, 4 dotations de carburant, 4 véhicules de fonction, etc.