DEFAIT SUR LE TERRAIN JUDICIAIRE, SONKO DEPLACE LE COMBAT SUR LE TERRAIN POLITIQUE...
Pour ne pas être catégoriques, disons que la possibilité pour Ousmane Sonko de prendre part à l’élection présidentielle de février relèverait d’un miracle
La décision de la Cour suprême rendue ce vendredi dans l’affaire opposant l’État à Ousmane Sonko a presque anéanti les chances de participation du principal opposant au régime en place à la prochaine élection présidentielle. C’est pourquoi, pour parer à toute éventualité, le maire de Ziguinchor a choisi Bassirou Diomaye Faye comme son plan B et a demandé à ses militants et sympathisants de le parrainer.
Pour ne pas être catégoriques, disons que la possibilité pour Ousmane Sonko de prendre part à l’élection présidentielle de février relèverait d’un miracle. En effet, après avoir statué sur le recours introduit par l’Agent judiciaire de l’État sur la décision du juge du tribunal d’instance de Ziguinchor, Sabassy Faye, la Cour suprême dirigée par le magistrat Aly Ciré Ba a cassé ce verdict demandant la réintégration d’Ousmane Sonko dans le fichier électoral. La Cour suprême, après avoir cassé la décision du juge Sabassy Faye de Ziguinchor, renvoie les deux parties devant le tribunal de grande instance hors classe de Dakar pour juger à nouveau l’affaire. Le dépôt des candidatures à la présidentielle devant commencer dans deux semaines, et le principal opposant n’ayant toujours pas commencé sa collecte de parrainages, on voit donc que la justice joue la montre pour l’empêcher matériellement de prendre part à ce scrutin. Vu le temps qui nous sépare de la date de clôture des parrainages, seule la mise en place de TGV (Tribunaux à Grande Vitesse) et qui tous rendraient des décisions en sa faveur pourrait permettre au leader de Pastef de participer à cette élection de février prochain. C’est conscient de l’impossibilité matérielle — pour ne pas juridique de se présenter qu’il a finalement décidé de déplacer la bataille judiciaire sur le terrain politique en portant son choix sur Bassirou Diomaye Faye, membre éminent de son parti dont il est le numéro 2.
Dans un communiqué lu et publié à travers les réseaux sociaux, il est toutefois mentionné que la candidature du maire de Ziguinchor reste toujours maintenue et que le combat juridique va se poursuivre jusqu’à son terme. Cette décision très attendue de ses souteneurs qui avaient boycotté jusque-là la campagne de parrainages car disant attendre le mot d’ordre de leur leader en prison vient à son heure malgré le retard accusé par rapport aux autres candidats. Et pour éviter toute confusion et rassurer les militants, les quatre autres candidats du cinq majeur (composé de Biram Soulèye Diop, Abass Fall, Guy Marius Sagna et El Malick Ndiaye en plus de Bassirou Diomaye Faye) qui avaient retiré eux aussi leurs fiches de parrainage ont à leur tour publié un communiqué collectif pour confirmer l’information et surtout annoncer leur parfaite adhésion à ce choix. Ils ont par ailleurs invité tous les militants et sympathisants à se mobiliser derrière le candidat déclaré pour le parrainer au maximum. Après donc plusieurs jours d’attente et un suspense haletant, tous ceux qui s’impatientaient «d’offrir» leur pièce d’identité, gage de parrainage, soit à Ousmane Sonko ou à son plan B désigné trouvent l’occasion de le faire. En attendant de voir si, comme annoncé, l’engouement qui était attendu autour de cette campagne de parrainage a été freiné par leur attentisme, Biram Soulèye Diop et Cie les ont invités à descendre sur le terrain pour réussir un nombre de parrains jamais enregistré jusque-là par un candidat.
Les raisons d’un choix stratégique...
Ils étaient au nombre de cinq, tous membres de Pastef, au départ à se faire représenter à la DGE (Direction générale des élections) par leurs mandataires pour retirer leurs fiches de parrainage. Depuis ce dimanche soir, un parmi eux a l’honneur d’être choisi par les quatre autres, avec approbation d’Ousmane Sonko pour être le plan B de ce dernier au cas où il n’arriverait pas à se qualifier au terme du marathon judiciaire dans lequel il est engagé. Le choix porté sur Bassirou Diomaye Faye intervient dans un contexte politique très incertain marqué par une tension vive entre l’opposition radicale et la mouvance présidentielle. Bassirou Diomaye Faye et Ousmane Sonko sont tousles deux souslesliens de la détention pour les mêmes motifs gravissimes d’appel à l’insurrection, association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste, actes et manœuvres de nature à compromettre la sécurité publique etc. Depuis sa cellule carcérale du Cap Manuel, et dans le jeu d’échecs qu’il dispute contre le pouvoir, un cheval qui peut s’avérer difficile à maîtriser. Ce par le fait que la détention de BDF peut constituer un atout de plus en ce sens que cette candidature pourra jouersur la sensibilité des Sénégalais qui verront en lui une victime du pouvoir en place de par son engagement politique et sa fidélité constante aux côtés de Ousmane Sonko. Et le camp d’en face, ne voulant pas donner raison à tous ceux qui l’accusent de vouloir en finir pour de bon avec ce parti, ne va sans doute pas s’aventurer à enclencher la machine judiciaire à trois mois seulement de la présidentielle, à l’encontre d’un candidat en prison. Diomaye Faye depuis sa cellule pourra être vu comme l’exemple type de Adama Barrow de la Gambie à la différence que celui-ci était libre de tout mouvement lorsqu’il a créé la surprise de déboulonner le tout-puissant Yaya Jammeh du pouvoir qu’il a exercé d’une main de fer durant des décennies.
Sous un autre angle, il faut lire ce choix comme une réponse à ceux qui pensaient que le projet du Pastef ne serait rien sans Ousmane Sonko qui a pourtant toujours soutenu que sa personne importait peu et que l’essentiel c’était sa mise en œuvre quel que soit celui qui va le porter avec le soutien des sympathisants. A cet effet, le leader de Pastef a réussi par la même occasion à dissiper tous les soupçons sur ses prétendues idées régionalistes en prenant au dépourvu ceux qui l’accusaient de vouloir préparer Guy Marius Sagna, originaire comme lui de la partie Sud du pays, comme dauphin.
Quand Sonko évite de tomber dans le piège des autres...
Depuis que la machine judiciaire du régime en place s’est abattue sur lui, Ousmane Sonko n’a jamais voulu donner impression d’être prêt ne serait-ce qu’à envisager de choisir un candidat de substitution. Et son parti, Pastef, a toujours soutenu qu’il n’a ni plan B, ni plan C et que le seul candidat c’était PROS (Président Ousmane Sonko). Mais, en homme politique averti ayant capitalisé une certaine expérience, et vu tout ce que son parti et lui ont enduré ces dernières années il ne pouvait pas commettre l’erreur de ne pas avoir un plan B au cas-où. Autrement ce serait anéantir toutes les efforts fournis jusqu’à maintenant et faire éclater le grand espoir représenté par « le projet » non seulement aux yeux des militant du parti du Pastef créé en 2014 mais aussi à ceux de dizaines voire centaines de milliers de Sénégalais. Certes les avis peuvent diverger sur le retard apporté à la désignation du plan B vu le peu de temps qui nous sépare désormais des joutes électorales. Mais il vaut mieux tard que jamais. Les partisans de Ousmane Sonko, après avoir longuement soutenu ne pas prévoir une seconde alternative, ne voulaient pas par stratégie politique donner l’impression de se déclarer battus à l’avance. C’est pourquoi, arrivés à une période où leurs espoirs de voir leur leader sortir victorieux de ses procès judiciaires sont désormais quasi nuls, ils ont estimé que le temps des doutes et des hésitations est fini d’où l’annonce du nom de la botte secrète de PROS. Cette nouvelle stratégie aux relents d’une équation à plusieurs inconnues, jetée dans le jardin de la mouvance présidentielle, peut être vue comme un moyen de battre campagne autrement et de tâter le niveau de sympathie des populations à l’égard de Pastef. Mieux elle se présente comme une belle occasion de susciter beaucoup d’engouement autour de cette opération de parrainage. Surtout que le parrainage par les élus reste toujours en réserve pour le cas ô combien hypothétique où la justice et l’administration — ministère de l’Intérieur notamment — accepteraient la candidature d’Ousmane Sonko. En tout cas, grâce à cette candidature de Bassirou Diomaye Faye, l’occasion sera donnée aux responsables de ce parti de renouer le contact avec leurs militants, de les sensibiliser, les remobiliser et les convaincre sur la pertinence du choix du tout nouveau candidat. Last but not least, le maire de Ziguinchor ayant appris du passé récent n’entend pas se laisser prendre dans le même piège qui a fait perdre Karim Wade et Khalifa Sall en 2019 en versant dans un dilatoire qui pourrait se retourner contre lui.
Néanmoins, la bataille est loin d’être gagnée face à un adversaire loin d’avoir utilisé toutes ses redoutables armes. Ainsi en plus de l’absence de leur candidat sur le terrain durant la campagne pour vendre sa propre image et faire passer son programme, l’éventualité du manque de consensus autour de sa personne, la campagne de diabolisation de ses pourfendeurs, les tentatives de débauchages pourraient constituer autant d’obstacles sur le chemin de Bassirou Diomaye Faye. Une chose est sûre : il y a de fortes chances que la bataille finale se joue, au soir du 25 février prochain, entre deux jokers coachés par deux ennemis mortels, Macky Sall et Ousmane Sonko en l’occurrence. Lesquels s’affronteront par procuration…