DES ACTEURS ETALENT LEURS CRAINTES À PROPOS DU PROJET DE LOI SUR L'ACCÈS À L'INFORMATION
Le Sénégal pourrait bientôt intégrer le cercle fermé des 22 pays africains qui disposent de la loi d’accès à l’information dont la Gambie, le Togo, le Niger, le Ghana le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire
La dernière version de l’avant-projet de la nouvelle loi sur l’accès à l’information au Sénégal a fait l’objet d’un partage hier, mercredi 2 août lors d’un atelier organisé par la Convention des jeunes reporters du Sénégal (Cjrs) en collaboration avec le Forum civil et Article 19. Introduit dans les circuits administratifs en vue de son adoption, ce texte se singularise plus par des restrictions qu’il impose à travers des notions non définies, imprécises, donc fourre-tout, que par des innovations attendues en vue de faciliter l’accès à certaines informations.
L e Sénégal pourrait bientôt intégrer le cercle fermé des 22 pays africains qui disposent de la loi d’accès à l’information dont la Gambie, le Togo, le Niger, le Ghana le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire..
En effet, après plusieurs années de statu quo, les autorités semblent cette fois-ci déterminer à combler le retard accuser par le Sénégal sur ce domaine. En juin dernier, l’avant-projet de ce texte porté depuis 2008 par des organisations de la société civile comme le Forum civil et Article 19 (2010) a été introduit dans le circuit administratif en vue de son adoption après un partage avec certains acteurs de la société civile dont les responsables de ces deux organisations. C’est ce texte qui a fait hier, mercredi 2 août l’objet d’une rencontre de partage organisée par la Convention des jeunes reporters du Sénégal (Cjrs) en collaboration avec le Forum civil et Article 19. Et, il faut dire que cet avant-projet de texte apparait comme un cadeau empoisonné offert par l’actuel gouvernement aux acteurs de la société civile et les professionnels des médias. Et pour cause, comme c’est le cas avec la loi sur le Code de la presse, ce texte se singularise plus par des restrictions qu’il impose à travers des notions non définies, imprécises, donc fourre-tout, que par des innovations attendues en vue de faciliter l’accès à certaines informations publiques. Et ce, en raison des nombreuses exceptions qui excluent du champ de cet avant-projet de loi, certaines informations. Parmi celles-ci, il y a entre autres, les «informations qui sont de nature à porter atteinte à la sécurité publique ou à la défense nationale», les «informations dont la divulgation est susceptible de porter atteinte aux intérêts nationaux», les «informations couvertes par des droits de propriété intellectuelle, les informations relatives à une procédure pendante devant une juridiction ou détenues par une autorité ou agent relevant d’une juridiction» et les « informations relatives à une mission d’inspection, d’enquête ou de contrôle » mais aussi les « informations susceptibles de mettre en danger la vie, la santé ou la sécurité des personnes ou de leurs biens».
Et aux « informations comportant des données à caractère personnel, au sens de la législation en vigueur en la matière ; -aux documents préparatoires à une décision administrative, tels que les notes personnelles inscrites sur un document, les esquisses, les ébauches, les brouillons, les notes préparatoires ou autres documents de même nature» pour ne citer que ceux-là.
UN AVANT-PROJET DE LOI SUR L’ACCÈS À L’INFORMATION, PAS CONFORME AUX STANDARDS INTERNATIONAUX QUI NE PRÉSENTE PAS UNE GRANDE ÉVOLUTION PAR RAPPORT AU CODE DE LA PRESSE SELON ARTICLE 19 ET LA CJRS
Interpellés sur le contenu de ce texte lors de cette rencontre, Abdoulaye Ndiaye, chargé de programme Article 19, point focal des organisations de la société civile dans le Comité national partenariat pour un gouvernement ouvert et Migui Maram Ndiaye, président de la Cjrs tout en exprimant leur déception de la version actuelle, ont plaidé l’ouverture de nouvelles concertations. «Cet avant-projet de la loi sur l’accès à l’information introduit dans le circuit administratif n’est pas conforme aux standards internationaux. Une chose est de voter une loi, une autre chose est de faire en sorte que cette loi soit conforme aux standards internationaux», martèle Abdoulaye Ndiaye.
Poursuivant son propos, le chargé de programme Article 19 invite ainsi les autorités à ouvrir de nouvelles concertations autour de ce texte pour «l’adapter aux standards internationaux et aux exigences du principe de la divulgation maximale» par la définition selon lui, de certaines «exceptions». «La plupart des exceptions prévues dans cet avant-projet de texte ne sont pas de définies par conséquence ne sont pas claires. Le maintien de certaines notions fourretout comme : « intérêts nationaux » dans ce texte pourrait constituer une source de blocage à l’application de cette loi. Les personnes assujetties pourraient profiter de ces notions pour limiter ou filtrer considérablement les informations à donner alors que l’objet d’une loi sur l’accès à l’information est de permettre à tout citoyen d’avoir accès à l’information».
Abondant dans le même sens, le président de la Cjrs, Migui Maram Ndiaye estime que cet avant-projet du fait de ces nombreuses exceptions ne va nullement garantir la liberté d’expression, la liberté de travail des professionnels des médias. En effet, selon lui, les «confrères qui font un travail d’investigation n’auront pas la possibilité, la voie libre de faire leur travail du fait que ce texte ne garantit pas un accès libre à des documents publics». «Nous avons beaucoup de craintes parce que, ce texte ne présente pas une grande évolution entre ce qui existait avec le Code de la presse. Cette loi était est censée offrir aux professionnels de l’information que nous sommes des meilleures conditions pour faire convenablement notre travail mais, hélas !», a-t-il regretté en faisant remarquer que les «autorités assujetties pourront même profiter des exceptions pour refuser de mettre à la disposition du journaliste des documents ou informations au nom de l’intérêts du pays».
Sous ce rapport, invite-t-il le gouvernement à «partager avec tous les acteurs concernés, la dernière mouture mais aussi de tenir une rencontre d’échange et de partage pour permettre à chacun d’exposer son point de vue et au besoin, d’apporter sa contribution avant que ce cette loi ne puisse être adoptée en Conseil des ministres et envoyée à l’Assemblée nationale pour le vote final».