DES SEQUENCES ET DES HOMMES
Une déclaration de politique générale est un acte par lequel le Premier ministre dévoile sa personnalité politique et engage la responsabilité du gouvernement devant l'Assemblée nationale, en présentant son programme de gouvernement

La déclaration de politique générale du Premier ministre se tient aujourd’hui à l’Assemblée nationale à partir de 9 heures. Avant lui, Abdoul Mbaye, Mimi Touré, Boun Dionne, à deux reprises, ont satisfait à l’exercice. «l’AS» revient sur ces différentes séances de l’histoire politique sous Macky Sall en tenant compte des spécificités des discours et des hommes qui l’incarnent.
Une déclaration de politique générale est un acte par lequel le Premier ministre dévoile sa personnalité politique et engage la responsabilité du gouvernement devant l'Assemblée nationale, en présentant son programme de gouvernement. Cependant, pour la première fois dans l’histoire parlementaire du Sénégal, un Premier ministre devra solliciter un vote de confiance dans une Assemblée où la mouvance présidentielle dispose d’une majorité étriquée (82 députés pour BBY, 80 pour Yaw-Wallu et 3 députés non-inscrits). Conséquence : si la déclaration de politique générale est rejetée, le gouvernement doit démissionner. En attendant d’en savoir davantage aujourd’hui sur l’issue qui sera réservée à cet exercice qui fait office de tradition républicaine, «L’AS » revient sur les différentes déclarations de politique générale sous Macky Sall.
ABDOUL MBAYE, L’INCARNATION DE LA RUPTURE
Dès son accession à la magistrature suprême, le Président Sall qui voulait incarner la rupture a fait appel à unhomme inconnu du bataillon politique. Banquier de son état, Abdoul Mbaye a été nommé Premier ministre etil devait ainsi dérouler la vision du chef de l’Etat. Dans un hémicycle acquis à la majorité présidentielle Benno Bokk Yaakaar (BBY), il soutenait que la configuration de cette Assemblée nationale augurait d’une nouvelle ère dans la vie de notre prestigieuse Institution. «Une ère de rupture attendue et espérée par tous nos compatriotes », disait-il. Monsieur Mbaye était ainsi le profil adéquat pour vendre le changement après avoir réussi une seconde alternance démocratique entraînant le départ d’Abdoulaye Wade du pouvoir. « En me présentant devant vous ce matin, j’ai le profond sentiment que notre pays est entré dans une ère nouvelle .Une ère de ruptures qui annonce de nouvelles perspectives pour hisser le Sénégal au rang des nations émergentes », disait-il en appelant à l’adoption d’une méthode de gouvernance qui appelait le changement. Monsieur Mbaye indiquait que cette nouvelle vision était celle d’un Sénégal émergent, abritant une société sur le chemin du progrès, solidaire et adossée à des valeurs telles que le respect de soi-même, de l’autre et du bien public ; sans oublier la justice, l’équité, le sens du devoir.
MIMI TOURE, «MADAME BONNE GOUVERNANCE ET REDDITION DES COMPTES»
Le 28 octobre 2013, c’est le deuxième PM sous Macky Sall, Aminata Touré qui allait décliner sa feuille de route. Il s'articulait principalement autour de trois grands axes : la prise en charge des urgences sociales etla correction des inégalités ; la relance de l'économie pour une croissance génératrice d'emplois ; et la consolidation de l'Etat de droit avec le renforcement de la bonne gouvernance et le développement local. Durant son passage à la tête du gouvernement, Mimi Touré s’était particulièrement distinguée sur ce troisième point en lançant la traque des biens mal acquis. C’est ainsi que la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI) a été réactivée, aboutissant ainsi à l’arrestation puis à l’emprisonnement du fils de l’ancien Président, Karim Wade.
MAHAMMAD BOUN ABDALLAH DIONNE, LE SERVITEUR DE MACKY SALL
En trois ans, le Premier ministre sénégalais Mahammad Boun Abdallah Dionne a passé à deux reprises devant l’Assemblée nationale pour faire sa déclaration de politique générale. Le 11 novembre 2014, lors du premier exercice, son propos était centré sur les actions et mesures fortes à même de répondre aux trois défis cruciaux que sont : bâtir une croissance forte et durable grâce à de nouvelles capacités productives, créer des revenus durables pour les ménages et offrirdes emplois décents, surtout aux jeunes et aux femmes. Reconduit le 6 septembre 2017, Dionne était résolu à vendre le slogan « Le Sénégal de tous, le Sénégal pour tous». Face aux élus du peuple le 5 décembre 2017, Mahammad Boun Abdallah Dionne révélait que le Président Macky Sall avait expressément instruit le gouvernement à incliner le Plan Sénégal Emergent vers davantage d'inclusion sociale, pour plus de cohésion sociale. « La vision d’un Sénégal de tous, d'un Sénégal pour tous, porté par le PSE, c'est d'abord un Sénégal sans exclusion, où tous les citoyens bénéficient des mêmes chances et des mêmes opportunités pour réaliser leur potentiel et prendre en main leur destin. C'est aussi un Sénégal avec un Etat qui rassure le citoyen en lui assurant une gouvernance vertueuse et un partage équitable des ressources ; un Etat qui associe le citoyen à ses décisions par une écoute attentive ; un Etat qui prend soin du citoyen et réalise ses attentes. C'est aussi un Etat qui combat la précarité, l'injustice sociale, les inégalités, l'insécurité, l'iniquité et la vulnérabilité », disait-il en substance.
AMADOU BA, QUELLES ATTENTES ?
Aujourd’hui, c’est dans une Assemblée nationale bouillonnante qu’Amadou Ba devra sacrifier à la tradition. Il devrait normalement dérouler dans son discours le cahier de charges qui lui est fixé par le chef de l’Etat. Inspecteur des impôts et des domaines et ancien ministre de l'Economie et des Finances de 2013 à 2019, et des Affaires étrangères entre 2019 et 2020, il estle premier à occuper le poste de Premier ministre après sa restauration en décembre dernier. Il est le quatrième Premier ministre de Macky Sall, après Abdoul Mbaye (2012-2013), Aminata Touré (2013-2014) et Mahammed Dionne (2014-2019). Il faudra s’attendre à ce qu’il revienne particulièrement sur les actions posées ou à déployer pour alléger le coût de la vie, le soutien à l’emploi et l’entrepreneuriat des jeunes, la lutte contre les inondations et la cherté du loyer. On se demande cependant si Amadou Ba aura de la baraka en bénéficiant comme ses prédécesseurs d’un vote de confiance dans un Parlement hétérogène où l’opposition et les non-alignés peuvent tout simplement rejeter la déclaration de politique générale et entraîner la démission du gouvernement.