DIOUF SARR, DE LA CABANE DE MBENGUENE AU MINISTÈRE DE LA SANTÉ
Les voies de la destinée l’ont conduit sous le feu des projecteurs à un moment crucial où se joue sans doute l’avenir de toute une nation engluée dans une guerre sanitaire sans merci contre un redoutable ennemi tueur en série
Les voies de la destinée l’ont conduit sous le feu des projecteurs à un moment crucial où se joue sans doute l’avenir de toute une nation engluée dans une guerre sanitaire sans merci contre un redoutable ennemi tueur en série. L’actuel ministre de la Santé et de l’Action sociale, Abdoulaye Diouf Sarr, est issu d’un quartier du village traditionnel de Yoff nommé Ngaparou. Le «Témoin » s’est rendu dans son berceau natal sur les traces du « général » chargé de mener les troupes sur la ligne de front de la guerre contre la pandémie de coronavirus en cours.
L’étranger qu’est votre serviteur s’engouffre dans des ruelles étroites qui s’entrelacent, se demandant s’il ne s’est pas perdu malgré l’orientation instinctive du guide, familier de la bourgade. Une longue marche pénible, sur du sable qui semble mouvant tellement il happe les pieds, débouche quelques minutes plus tard sur le quartier Mbenguène. « Ce n’est pas loin. Les deux quartiers sont contigus. Il nous reste moins de cinq minutes pour pénétrer dans Ngaparou », exhorte celui qui est chargé de nous conduire à la maison familiale de l’actuel ministre de la santé. On traverse un essaim de maisons disséminées.
En cet après-midi d’une journée du mois de juin, le quartier de Ngaparou qui, à lui seul, a déjà enregistré 59 cas positifs au coronavirus, au cœur du village traditionnel lébou de Yoff, est en effervescence. L’incandescence des rayons solaires qui s’abattent sur le rivage est atténuée par une brise marine provenant du grand bleu dès les vagues sont visibles à quelques mètres. Un peu partout dans les ruelles sont disposés de grandes vases d’eau flanquées d’un robinet installées pour la désinfection des mains en ces temps de pandémie. Les devantures des habitations, transformées en coins de palabres par des jeunes, des adultes et des vieux des deux sexes imposent de ralentir de rythme. « Ici, rares sont les visages qui sont inconnus des habitants. Quasiment tout le monde se connait. Toutes les familles partagent des liens de parenté qui transcendent notre présent. C’est même une des marques de la communauté lébou que nous sommes », raconte notre guide face à notre ébahissement de voir qu’il échangeait des salutations chaleureuses avec tous ceux qu’il croisait ou qu’on dépassait. Au détour d’une ruelle, au terme d’un long parcours en zig zag, il pointe du doigt un quadragénaire. «C’est un frère du ministre Diouf Sarr ! Il le connait mieux que quiconque car ils ont grandi ensemble dans la même maison. Allons le voir, il pourrait vous en dire plus », renseigne notre accompagnateur avant de sacrifier aux salutations d’usage. En djellaba, taille élancée, bonnet noir posé religieusement sur la tête, l’homme en face de nous est effectivement un proche parent de celui dont nous tentons de pénétrer l’univers de l’enfance dans ce populeux quartier de Yoff. A la manière d’un flashback, Imam Seydina Samb, frère du ministre, nous plonge dans ses souvenirs. « Nos deux mamans sont issus du même père et de la même mère. Mais Diouf Sarr a été adopté dès son enfance par ses grands-parents maternels ici à Ngaparou dans la concession des «Syllènne» où il a grandi », explique ce cousin germain du ministre de la santé avant de nous désigner du doigt le domicile en question.
De numéro 10 de l’ASC Ngaparou à édile de la commun
Comme toute bonne famille traditionnelle lébou, la vaste concession des « syllènne » regroupe plusieurs maisons occupées par des familles partageant des liens de sang. C’est le royaume d’enfance de l’actuel ministre de la santé, Abdoulaye Diouf Sarr, également maire de la commune de Yoff. Seydina Samb témoigne : « c’est dans ce quartier que, enfant, il gambadait en compagnie de ses copains. A l’époque, cette bande qui a marqué son temps à Yoff était connue sous le nom de « Cabane ». Parmi ses acolytes, son meilleur ami dans le coin est un certain Boubacar Diallo. D’ailleurs, jusqu’à présent, devenus hommes entretemps, ils sont inséparables ». Un rendez-vous est vite calé avec ce dernier. La cinquantaine révolue, confortablement installé dans son salon de l’autre côté de la cité Apecsy, Boubacar Diallo est aujourd’hui un père de famille dont l’un des enfants d’Abdoulaye diouf sarr porte le nom. Quatre ans plus tard, à la naissance de son fils ainé, Boubacar a renvoyé la politesse à son camarade de la « cabane » en lui donnant un homonyme. « Nous avons grandi ensemble dans ce quartier traditionnel de Yoff. Très passionné de football, Diouf Sarr était un des joueurs incontournables de notre équipe, l’ASC Ngaparou. A l’époque, il portait le numéro 10 et était le buteur de cette équipe. Et même plus tard après, avoir raccroché les godasses, et en récompense à son engagement en faveur de l’équipe, il a été nommé président de l’ASC Ngaparou », confie l’ami intime du ministre de la santé et maire de la commune de Yoff.
Partout sur les écrans, invisible à son domicile
En première ligne dans la lutte contre la pandémie, omniprésent sur le terrain, s’invitant quotidiennement dans tous les foyers par la magie du petit écran, au four et au moulin, inlassable, les yeux rivés sur lui à l’échelle nationale, Abdoulaye Diouf Sarr n’a plus de toute vie familiale depuis l’apparition du coronavirus dans notre pays. D’après quelques indiscrétions glanées dans son entourage, c’est nuitamment et en toute discrétion qu’il effectue de rares descentes dans sa commune pour s’enquérir de la situation dans certains zones durement infectées par le coronavirus. Un habitant de Ngaparou, son quartier natal, révèle : « Ici à Yoff, quand il y a eu ces derniers jours une série de contaminations à la covid19, c’est loin de tout tintamarre et dans un esprit fraternel que le ministre est venu s’imprégner de la situation en tant que fils de la localité pour encourager les acteurs locaux engagés dans la lutte contre cette pandémie. ». Ainsi, de Yoff à Grand Yoff, entre le domicile de sa première épouse et celui de la seconde, les radars du « Témoin » n’ont pu apercevoir l’ombre de Abdoulaye Diouf Sarr malgré les moult tentatives. « Nous avions l’habitude de prendre le repas ensemble. Mais, en ce temps de crise sanitaire, même les weekends il est devenu introuvable dans son domicile. Il sort très tôt le matin et ne revient que tard dans la nuit. A force de consacrer tout son temps à la gestion de cette pandémie, il a perdu toute vie familiale. Mais il n’empêche, on comprend sa situation et d’ailleurs nous ne cessons de prier pour lui pour la réussite de cette mission dont dépendent des millions de vies dans notre pays », nous souffle un membre du cercle familial du ministre de la santé.
« Je ne sais pas pourquoi Macky Sall m’a nommé ministre de la Santé »
En marge d’une rencontre avec les responsables de la presse, Abdoulaye Diouf Sarr nous avait reçus dans son bureau XXL. Son minois sympathique prouve que l’homme n’est pas…contaminé par l’angoisse généralisée des sénégalais du fait de la pandémie. On était quelques semaines après la mise en place de la riposte contre la maladie. « Je suis zen. Le 02 mars, lorsqu’on enregistrait le premier cas, nous avions déjà mis en place notre organisation interne pour ne pas être surpris. C’est pourquoi, depuis lors, on ne fait que dérouler notre protocole élaboré avec mes collaborateurs » rassure le ministre Abdoulaye Diouf Sarr. Dans une franche rigolade, l’homme livre une confidence personnelle. « Je ne sais pas pourquoi le président de la République m’a nommé ministre de la Santé. Je ne sais pas pourquoi. D’ailleurs, il ne m’a même pas consulté. Mais vous savez, moi, je suis un soldat. J’exécute les ordres du président de la République, comme un soldat exécute les ordres d’un général. Il n’y pas place pour des tergiversations ». Seulement, le ministre s’est refusé à tout commentaire sur ses méthodes de management. « Allez consulter mes collaborateurs, je pense que c’est mieux et plus rofessionnel » nous conseille-t-il.
Test positif au ministère de la Santé pour Diouf Sarr, une démarche collégiale travaillée
« Le style de management instauré au ministère de la Santé et de l’Action sociale est singulier voire innovant. Sur fond d’échanges, en toute transparence, avec les différents acteurs, les choses se disent naturellement. Le comportement des différentes structures en lice, à savoir le Comité national de gestion des épidémies, la direction de la Prévention, de la lutte contre la maladie, le SAMU, les différents établissements publics abritant les Centres de traitement des épidémies, l’Institut Pasteur et le Centre des opérations d’urgence sanitaire (COUS), entre autres, ce comportement des acteurs atteste une parfaite synchronisation de différentes actions sous la supervision du ministre. Le tout sur la base d’une bonne délégation de pouvoirs et d’un sens des responsabilités des acteurs. Chacun travaille sur la base d’un protocole rigoureusement contingenté. Les différents résultats harmonieusement présentés au public font référence à une programmation et une planification qui respectent les règles d’une gestion inclusive et participative. Le sérieux qui entoure la gestion de la riposte de la Covid 19 renseigne sur la démarche qualitative du processus. La régularité des instances de coordination et des visites de suivis sur le terrain dénotent s’il en est besoin la qualité de la relation entre toutes les parties prenantes tant au niveau de la coordination stratégique que des acteurs au niveau opérationnel » souligne le Dr Babacar Guèye. Ce dernier, chef de la division de la lutte contre les maladies non transmissibles, ajoute qu’ « Abdoulaye Diouf Sarr donne le sentiment non seulement d’être juste mais souhaite être reconnu comme tel. Ce au-delà de l’aspect moral d’un management efficace et qui engage en toutes responsabilités et loyautés. L’imposant immeuble blanc qui abrite les locaux du ministère de la Santé et de l’Action sociale fait frémir. Le langage qui y prévalait pouvait être très codé et peu accessible pour les non-initiés mais Abdoulaye Diouf Sarr a fini aujourd’hui de casser le mythe.
En plongeant ses racines dans les profondeurs du management de qualité, cet exécutif local a démontré qu’une gestion participative est à la base et constitue la clé du succès dans toutes les entreprises. Les trois mois écoulés après le début de l’épidémie de Covid19 ont fini de révéler qu’un homme venu d’un secteur non médical a pu pourtant jusque-là conduire avec brio aux destinées de ce département très stratégique avec la confiance renouvelée du chef de l’Etat, Son excellence M. Macky Sall. Il a su donner une dimension autre que médicale, pourtant très essentielle aux destinées de ce très stratégique département ».