ENFIN UN DÉCRET, SUR FOND DE POLÉMIQUE
Après une vive controverse autour de l’existence du décret «2020-964» instituant un honorariat pour les anciens présidents du Conseil économique social et environnemental (CESE), le gouvernement a finalement publié le document
Après une vive controverse autour de l’existence du décret «2020-964» instituant un honorariat pour les anciens Présidents du Conseil économique social et environnemental (CESE),le gouvernement a finalement publié le document. Suffisant pour faire enfler la polémique entre le régime et une certaine opposition.
Ousmane Sonko avait raison. Le décret n°2020-964 instituant un honorariat pour les anciens Présidents du Conseil économique, social et environnemental(CESE) existe bel et bien. Tout au moins, le Directeur du journal «Le Soleil» et non moins membre du régime de Macky Sall l’a exhibé fièrement lors d’une interview avec le site Dakaractu.com. Dans le document, il est indiqué que l’honorariat peut être conféré par décret, sur proposition du bureau du CESE, entériné par l’Assemblée plénière dudit Conseil. Il peut aussi être conféré par décret, sur leur demande, aux anciens Présidents, note-t-on aussi dans le document. Une fois acté, il est établi et délivré au Président honoraire du CESE, une carte aux couleurs nationales spécifiant ce titre. Juste que dans le décret dont «L’As» détient copie, il n’est aucunement fait état d’indemnités.
Alors que le leader des Patriotes avait déploré l’allocation aux ayants droit d’une indemnité de représentation mensuelle de 4,5 millions Fcfa nets ainsi que d’un véhicule de fonction avec macaron (laisser-passer permanent) ; sans compter les 500 litres de carburant ; un chauffeur ; et un garde du corps. Dans sa sortie, le tonitruant défenseur du chef de l’Etat estime que ce dernier n’a pris aucun décret portant indemnités et avantages d’un Président honoraire du Cese. Et il défie quiconque de prouver le contraire. Mais pour le président du Mouvement national des cadres patriotes, Bassirou Diomaye Faye, Yakham Mbaye ne peut avoir le droit de disposer de ce décret. Il lui dénie le droit d’avoir le décret qui, par carence ou cachoterie, n’a pas été publié au Journal officiel comme cela se devait. «Lequel, du faux dont il est le seul détenteur ou de celui qui a été reçu par des centaines d'agents de l'administration par voie officielle, mérite crédit» ? s’est interrogé Bassirou Diomaye Faye.
Et de marteler que ce n'est assurément que dans un État en péril que de telles interrogations surgissent et qu'un tel débat oppose pouvoir et opposition devant des citoyens médusés. «Aucune gymnastique intellectuelle ne saurait exonérer de responsabilité ceux qui ont la charge de publier les décrets qu’ils signent. Ceux qui, par voie de communiqué, et parce que poursuivis par la clameur publique dénonçant le vampirisme malvenu en cette période de COVID-19, se défaussent sur le faux pour refuser d’assumer d’avoir décrété l’ignominie », a souligné le responsable patriote. Il estime que c’est d’ailleurs rassurant d’entendre qu’une « enquête est en cours sur cette œuvre de faussaire, «si tant est qu’on puisse accorder une once de crédit à un homme comme lui (Ndlr : Yakham Mbaye), plus préoccupé à témoigner de sa fidélité canine pour préserver ses strapontins qu’à convaincre par une cohérence argumentative minimale, dans le cas d’espèce ».
BASSIROU DIOMAYE FAYE : «SI LE DECRET REMIS AUX AGENTS DE L’ADMINISTRATION EST UN FAUX, CELA VOUDRAIT DIRE QUE L’AUTORITE DE L’ETAT S’EST AFFAISSEE…»
Poursuivant, Bassirou Diomaye Faye soutient que le sort d’un acte administratif, c’est d’être exécutoire, dans les conditions définies par les dispositions de la Loi n 70-14 du 06 février 1970 fixant les règles d’applicabilité des lois, des actes administratifs à caractère individuel. Pour les lois et les actes administratifs réglementaires, cela prend la forme d’une insertion au Journal officiel, informe-t-il. Alors, au lieu de se mettre à «jacasser» dans la presse, Yakham Mbaye doit réclamer la publication du décret au Journal officiel, tonne le patron des Cadres de Pasteef. «Un décret n’a donc pas vocation à être gardé secret sauf dans un Etat en péril. De même, un président de la République qui n'assume plus les décrets qu'il signe est disqualifié pour diriger», martèle-t-il. Non sans préciser que quand l'administration diffuse un texte règlementaire à ses agents pour information et application, un simple communiqué pour en démentir l’existence, fût-il de la Présidence de la République, ne saurait suffire pour considérer que la vigilance de cette administration a été trompée sur toute la ligne. «Si le décret remis aux agents de l’administration est un faux, cela voudrait dire que l’autorité de l’Etat et par ricochet celle du président de la République s’est tellement affaissée que des individus s’autorisent allègrement sous son régime à mettre à la disposition des agents de l’Etat une fausse base de travail (décrets et probablement lois)», a tranché Bassirou Diomaye Faye, patron des Cadres Patriotes et inspecteur des impôts et des domaines.
NGOUDA MBOUP : «LE DECRET ACCORDANT A AMINATA TALL LE STATUT DE PRESIDENTE HONORAIRE EST ILLEGAL POUR VICE DE FORME»
Le plus intriguant dans cette affaire, c’est que le président de la République s’est fondé sur ce décret fantôme pour instituer Aminata Tall présidente honoraire du CESE. Mieux, l’enseignant de Droit public Ngouda Mboup estime que cette nomination est illégale. «En vertu de l’article 51 du décret n° 2013-732 du 28 mai 2013portant règlement intérieur du CESE, l’honorariat ne peut être accordé que ‘’sur proposition du Bureau, entérinée par l’Assemblée plénière’’ », a expliqué le professeur Mouhamadou Ngouda Mboup dans un post sur Facebook. Il soutient ainsi que le décret accordant à Aminata Tall le statut de présidente honoraire est illégal pour vice de forme et violation de l'autonomie de gestion d'un pouvoir public constitutionnel. (…)
Poursuivant, il soutient : «Affirmer que la loi ne donne pas de délai pour publier les décrets est faux ! Affirmer que le Président peut accorder l'honorariat sans l'avis de l'institution concernée est grotesque. Un pouvoir public constitutionnel a droit au respect de sa dignité institutionnelle. C’est vraiment lassant et énervant ce qui se passe sous nos yeux.»