FRANCE-AFRIQUE : AVEC MACRON, TOUT CHANGE POUR QUE RIEN NE CHANGE
Dans une interview accordée à «Jeune Afrique», Emmanuel Macron a dévoilé les grandes lignes de sa vision des relations avec l'Afrique. Au prix de quelques arrangements avec la réalité, et tout en confortant certains régimes en place
Dans une interview accordée vendredi à l'hebdomadaire «Jeune Afrique», Emmanuel Macron a dévoilé les grandes lignes de sa vision des relations avec l'Afrique. Au prix de quelques arrangements avec la réalité, et tout en confortant certains régimes en place, provoquant dans la foulée la colère sur les réseaux sociaux.
«Tout change pour que rien ne change», soupirait le prince de Salina avec nostalgie dans une scène culte du film le Guépard. Soixante ans plus tard, la même réflexion doit-elle s’appliquer aux relations entre la France et l’Afrique, telles qu’elles se dessinent dans la longue interview accordée par Emmanuel Macron et publiée vendredi dans l’hebdomadaire Jeune Afrique ?
Reconnaissons à Macron la volonté affichée de s’investir en Afrique, en soulignant régulièrement l’importance de ce continent pour la France et l’Europe. Bien sûr, cette valorisation, cet attachement quasi émotionnel au continent africain est en réalité une vieille tradition française, à laquelle se soumettent même ceux qu’on n’attendait pas. A priori plus proche de la Corrèze que du Zambèze, François Hollande, alors président, n’avait-il pas déclaré le 4 février 2013 que la reconquête de la ville malienne de Tombouctou sur les forces djihadistes était «le plus beau jour de [sa] vie» ?
Emmanuel Macron, lui, n’hésite pas à parler d'«histoire d’amour», tout en réclamant constamment le divorce, avec les habitudes et le poids du passé. Pas si facile. Et puisque le président français s’est parfois voulu «le maître des horloges», commençons par remettre d’emblée quelques pendules à l’heure.
«Tabous»
Evoquant dans cette interview les «mesures inédites» et «les tabous» qu’il aurait levés, Macron mentionne la restitution des œuvres d’art africaines aux pays spoliés pendant la colonisation, et surtout la fin du franc CFA, qui lie un grand nombre d’anciennes colonies au Trésor français.
Or la restitution des œuvres d’art, plutôt limitée dans l’immédiat, résultant parfois bien plus d’initiatives privées que de fonds publics, suscite encore une certaine grogne dans les pays concernés comme le Bénin. Quant à la fin du franc CFA, annoncée en grande pompe à Abidjan (Côte-d’Ivoire) en décembre 2019, on l’attend toujours. Et le sommet des pays d’Afrique de l’Ouest à Niamey, au Niger, en septembre a surtout jugé qu’il était urgent d’attendre. On est donc loin de la «fin d’un marqueur très symbolique qui alimentait beaucoup de fantasmes et de critiques», revendiquée par le Président dans Jeune Afrique. Le processus est peut-être amorcé, il n’aurait pas été inutile de rappeler qu’il doit encore surmonter beaucoup d’obstacles et de réticences.