GORGUI CISS SANS MASQUE
Le maire de Yène reconnaît à chaque militant le droit de se porter candidat au secrétariat général du parti. Mais, considère le secrétaire national aux Relations internationales du PS, le débat posé par Serigne Mbaye Thiam est prématuré
C’est l’un des hauts responsables du parti à se prononcer après la sortie de Serigne Mbaye Thiam. Pour Gorgui Ciss, la fin de l’intérim de Aminata Mbengue Ndiaye n’est pas prévue par les textes du Parti socialiste. Dans cet entretien, le maire de Yène reconnaît à chaque militant le droit de se porter candidat au secrétariat général du parti. Mais, considère le secrétaire national aux Relations internationales du Ps, le débat posé par Serigne Mbaye Thiam est «prématuré».
Peut-on parler de crise au Parti socialiste ?
Oui et non. On peut parler de crise dans la mesure où la quiétude que le parti avait connue depuis le mois de mars avec le Covid-19 et même avant, a été interrompue. Avec le Covid-19, les activités ont été arrêtées mais avant nous avons tenu des réunions et le Secrétariat exécutif national avait édicté un certain nombre de directives allant dans le sens de la vente des cartes, des renouvellements et de la massification du parti. Mais subitement, quand on veut coûte que coûte nous donner l’impression qu’il nous faut tout de suite aller à un congrès, c’est cela la nouveauté. A partir de ce moment, chacun est y allé avec son commentaire. Je crois que nous pourrons nous entendre si, en responsables, nous arrivons à nous retrouver pour parler sereinement de ces questions. On peut toujours trouver un terrain d’entente. De ce point de vue, on peut dire qu’il y a une crise. Mais il n’y a pas de crise parce que notre parti est organisé avec des textes qui régissent son fonctionnement. Quand on nous dit qu’il y a une fin pour l’intérim, ce n’est pas prévu par nos textes qui n’ont jamais parlé de délai par rapport à un intérim. Nos statuts sont clairs : la circulaire relative aux renouvellements des instances dit qu’il faut terminer les renouvellements, aller à une période d’ouverture des candidatures, élire le Secrétaire général du parti avant d’aller au congrès.
Etes-vous d’accord avec Serigne Mbaye Thiam quand il dit que par définition l’intérim doit avoir une fin ?
Tout à fait, mais ça dépend. On ne peut pas décréter la durée de l’intérim. Il faut savoir discuter et apprécier les situations pour se donner un échéancier. Par exemple, pour la vente des cartes, on peut dire que chaque coordination qui atteint un taux de vente de 65% peut renouveler. Si on apprécie et qu’on trouve un seuil critique, la direction du parti peut fixer l’organisation du congrès à cette période. Ce qui va correspondre à la fin de l’intérim. Mais tout cela doit être discuté.
Donc, vous estimez que Serigne Mbaye Thiam a brisé la quiétude du parti ?
Oui, mais vous savez, à partir du moment où c’est une question assez importante pour notre parti, c’est normal que les principaux responsables du parti en parlent. C’est un débat d’idées mais le moment venu, on pourra, tous ensemble, s’asseoir et en discuter.
On vous a entendu dire que Serigne Mbaye Thiam n’a pas la «légitimité» pour être Secrétaire général du Ps. Sur quoi vous vous fondez ?
Ce n’est pas ce que j’ai dit. De mon point de vue, pour être Secrétaire général d’un parti, il faut au moins un certain nombre de critères dont la représentativité mais également une légitimité historique. Il faut aussi un leadership en politique. J’ai dit que le leadership en politique, ce n’est pas un décret qui le donne, il se construit à la base à l’approche des militants et, à partir de ce moment, on peut devenir un leader en partant du local. On ne gère pas les militants d’un parti comme des administrés. Quand on est un directeur, on a des agents. Ça, c’est un décret qui vous permet d’avoir un leadership là-dessus. Quand on veut nous faire croire que lui (Serigne Mbaye Thiam) est le candidat idéal comme il dit et qu’il y a beaucoup de personnes qui sont allées le voir pour qu’il devienne le Secrétaire général, de mon point de vue, il n’est pas le meilleur candidat. C’est ce que j’ai dit mais il est loisible à chaque militant de se porter candidat pour diriger le parti. Ce sont les militants qui élisent le Sg de façon souveraine.
Il y a votre camarade Malick Faye de la coordination de France, soutien de Serigne Mbaye Thiam, qui vous rappelle votre fronde à la fin du règne de Ousmane Tanor Dieng. Que lui répondez-vous ?
Je n’ai jamais animé une fronde contre Ousmane Tanor Dieng et je vous renvoie à ma dernière interview avec le journal Le Quotidien.
Vous étiez contre la reconduction des deux ministres socialistes…
Très bien. Cela n’a rien à voir avec une fronde. J’ai dit que si vous me demandiez mon avis, j’aurais proposé une rotation. Après avoir passé 7 ans comme ministre dans un parti qui cherche à attirer les jeunes et qui regorge des ressources humaines de qualité, j’avais dit qu’on avait raté de donner un signal très fort. Voilà ce que j’avais dit et je le maintiens. Ce n’était pas bien pour le parti et on a vu ce qui s’est passé. Je n’ai jamais mené une fronde contre Tanor.
On vous a vu critiquer la direction du parti dans des manifestations à Yène…
Je ne suis pas quelqu’un qui critique pour critiquer. J’ai donné mon point de vue sur la situation du parti. A l’époque, j’ai dit ce que j’avais à dire.
Serez-vous candidat au Secrétariat général du Ps ?
A chaque chose, son temps. Le processus étant enclenché, les candidatures ne seront ouvertes qu’une fois les renouvellements terminés. En ce moment, tout militant qui le souhaite, pourra déclarer sa candidature soutenue bien sûr par une instance du parti, soit une coordination, un département ou une région. D’ici à cette période, tout peut se passer.
Avez-vous des ambitions pour diriger le parti ?
On ne peut pas empêcher quelqu’un de dire ce qu’il pense ou d’exprimer une préférence.
Quelle est votre préférence ?
Je suis un militant du parti depuis 1975, donc de très longue date. Je suis devenu responsable au niveau local en étant président de communauté rurale, maire, premier vice-président du Conseil départemental de Rufisque actuellement et je m’occupe des Relations internationales au niveau du parti.
Dans quel camp vous situez-vous au sein Ps entre Serigne Mbaye Thiam et Aminata Mbengue Ndiaye ?
C’est trop réducteur. Il n’y a pas de camp de X ou Y. Nous sommes un parti organisé avec une Secrétaire générale. Nous sommes avec Aminata Mbengue qui est Secrétaire générale du parti. Quand il s’agira de choisir un Secrétaire général, il appartiendra à chaque militant de choisir son camp.
Donc, le débat que pose Serigne Mbaye Thiam n’a pas lieu d’être ?
Je trouve que c’est un débat prématuré. Pour les Locales, il y a des gens qui déclarent leur candidature alors qu’on ne connaît pas encore la date. Pourtant, il y a des gens qui parcourent les villages et les campagnes pour faire campagne. Pour tout responsable du Ps, l’urgence serait de retourner dans nos bases respectives pour animer le parti, travailler à sa massification et préparer les élections locales. La base est l’expression par excellence où on peut bâtir le leadership. C’est mieux que de nous projeter vers un congrès dont on ne connaît pas la date. Avant d’aller au congrès, il y a des préalables.
En tant que maire de Yène, pensez-vous que les Locales peuvent se tenir au mois de mars 2021 ?
Je ne sais pas mais cela va être difficile pour plusieurs raisons. Tout va dépendre des consensus autour desquels le dialogue politique et le dialogue national auront abouti. Il faut un audit du fichier électoral demandé par l’opposition avant d’aller à la révision des listes. Tout ça va prendre du temps. Mais, manifestement, organiser les élections au premier trimestre de l’année 2021, ça risque d’être trop serré.
Quelle lecture faites-vous des problèmes fonciers rencontrés un peu partout au Sénégal ?
On a toujours parlé de foncier au Sénégal. Ce n’est pas nouveau. Je pense qu’on n’en a beaucoup plus parlé sous le régime de Wade. Il reste entendu que le foncier est un problème. Mais la nature de ce foncier au Sénégal prête à équivoque. Il y a une loi de 1964 qui a nationalisé l’essentiel des terres du Sénégal, c’est-à-dire 95%. Mais le paradoxe est que les propriétaires à l’époque ont été dessaisis des terres au profit de l’Etat, et ce même Etat a laissé ces terres aux mains de ces mêmes occupants et exploitants qui ont continué à penser qu’il y a une loi mais que celle-ci ne s’appliquait pas à eux. Pour le paysan, la terre de ses ancêtres lui appartient mais au regard de la loi, la terre appartient à l’Etat. Quand l’Etat décide de prendre un terrain du domaine national où des paysages sont installés depuis des siècles, les paysans ont raison de considérer que ces terres leur appartiennent. Donc, l’Etat doit négocier avec ces propriétaires coutumiers avant d’ériger sur ces terres des projets d’utilité publique ou de les céder à des tiers.
Est-ce le cas actuellement ?
C’est là où il y a des problèmes parce que quand l’Etat veut immatriculer des terres, il y a une procédure prévue par la loi. Mais très souvent, dans de nombreux cas, la procédure n’est pas respectée. Par exemple, la collectivité concernée devait être partie prenante. Mais il arrive souvent que l’Etat immatricule des terres pour des projets ou il les cède à un privé alors que la commune ou le maire n’est pas au courant à plus forte raison les paysans. L’Etat doit revoir tout ça.
Le Ps va-t-il soutenir Macky Sall pour un éventuel mandat ?
C’est un débat prématuré et qui n’intéresse que ceux qui l’entretiennent. On ne peut pas réélire le Président Macky Sall et en moins de 2 ans nous parler de 3ème mandat. Pour moi, ce n’est pas un débat. Le moment venu, on répondra. A chaque chose, son temps.