KARIM LIBÉRÉ
Sorti de prison cette nuit, le fils d'Abdoulaye Wade a ensuite quitté Dakar pour le Qatar
Dakar, 24 juin 2016 (AFP) - Condamné à six de prison pour enrichissement illicite, Karim Wade, fils de l'ex-président sénégalais et candidat de son parti à la prochaine présidentielle au Sénégal, a été gracié vendredi par le chef de l'Etat Macky Sall et libéré, une mesure dénoncée par les militants anti-corruption.
Karim Wade, métis et veuf de 47 ans, père de deux filles, a quitté le Sénégal pour le Qatar peu après sa libération dans la nuit de jeudi à vendredi, selon une source officielle et de nombreux médias locaux.
Il fut d'abord conseiller, puis un des ministres puissants de son père, Abdoulaye Wade qui a dirigé le Sénégal de 2000 à 2012. Il était surnommé dans son pays "ministre du Ciel et de la Terre", en raison de ses nombreux portefeuilles et prérogatives (Infrastructures, Transport aérien, Coopération internationale, Aménagement du territoire...).
Placé en détention préventive à Dakar depuis avril 2013, il avait été jugé- avec d'autres co-accusés - et condamné en mars 2015 à six ans de prison ferme et à plus de 210 millions d'euros d'amende pour "enrichissement illicite", ce qu'il a toujours nié. Le verdict a été confirmé en appel en août 2015.
Karim Wade est par ailleurs un des responsables du Parti démocratique sénégalais (PDS, opposition), formation créée et toujours dirigée par son père. Deux jours avant l'annonce du verdict, le PDS l'avait désigné candidat à la prochaine présidentielle, prévue en 2019. Une position inchangée depuis.
Sa grâce, par un décret de Macky Sall daté de vendredi, a été annoncée par la présidence sénégalaise peu avant 03H00 du matin (même heure GMT). Ce pardon concerne également deux autres accusés, Ibrahima Aboukhalil dit Bibo Bourgi et Alioune Samba Diassé.
"Cette mesure dispense seulement les condamnés de subir la peine d'emprisonnement restant à courir (...) Les sanctions financières contenues" dans le verdict prononcé en mars 2015 "et la procédure de recouvrement déjà engagée demeurent", a précisé la présidence.
Cette décision est une "remise partielle" de peine, elle "n'efface pas la condamnation qui figure toujours dans leur casier judiciaire", a précisé à la presse le ministre de la Justice, Sidiki Kaba. La grâce a été décidée par Macky Sall "pour des raisons humanitaires", a-t-il argué.
- 'Une gifle aux Sénégalais' -
Karim Wade, qui était détenu à la prison civile de Rebeuss à Dakar, a été libéré "dans la nuit de jeudi à vendredi. Il a ensuite quitté Dakar pour aller au Qatar", avait auparavant dit à l'AFP un porte-parole du ministère de la Justice, Soro Diop.
Selon un responsable du PDS et plusieurs médias, il est parti du Sénégal à bord d'un jet privé - le site DakarActu précisant qu'il était en compagnie d'un procureur général du Qatar. Son départ a surpris de nombreux partisans qui avaient commencé à se rassembler aux endroits où il était susceptible d'être conduit après sa libération.
Sa remise en liberté sur grâce était attendue depuis que, début juin, le président Macky Sall, en visite en France, avait évoqué cette éventualité d'abord dans un entretien à la radio française RFI. Il l'avait de nouveau mentionnée mi-juin devant d'influents chefs religieux musulmans locaux, selon la presse locale. Les Wade père et fils sont des adeptes de la confrérie musulmane mouride.
Au PDS, on a indiqué à l'AFP que le parti communiquerait ultérieurement sur cette libération, que cette formation et ses alliés ont toujours réclamée. A l'inverse, le maintien en détention de Karim Wade était prôné par des organisations de la société civile, des citoyens engagés et certains partis - y compris de la majorité présidentielle -, à mesure qu'enflait la rumeur sur la grâce présidentielle.
De nombreux Sénégalais - connus ou anonymes - se sont déclarés choqués ou scandalisés par la libération de Karim Wade au mépris, selon certains, des promesses de campagne de Macky Sall qui s'était posé en chantre de la lutte contre la corruption et pour une "gouvernance vertueuse".
Sur Twitter, @tidianeouestaf dénonce une "gifle aux Sénégalais" tandis que @gayesarr fustige un "deal politique (...) honteux, indigne et ignoble !"
A l'évidence, selon Alioune Tine, une figure de la société civile sénégalaise, ce dernier développement dans le dossier Karim Wade, après "des interférences religieuses et politiques", a installé "une impression de malaise réel" au Sénégal.