KHALIFA SALL «DÉFIE» MACKY
Khalifa Sall n’anticiperait-il pas l’invalidation de sa candidature à la présidentielle déjà presque actée par la procédure judiciaire qui est en train de le broyer ?
Khalifa Sall est candidat à l’élection présidentielle du 24 février 2019. Le maire socialiste emprisonné dans le cadre de l’affaire dite de la caisse d’avance de sa mairie, condamné en première instance à 05 années de prison ferme et actuellement en jugement devant la Cour d’appel, franchit enfin le Rubicond et défie Macky Sall, quoique de manière atypique. Par le biais d’une déclaration rendue publique hier, jeudi, l’édile de Dakar qui s’est dit presque «blanchi» par l’arrêt de la Cedeao en sa faveur, a appelé les Sénégalais à construire un «avenir commun» autour de sa personne. Non sans manquer de fustiger la procédure judiciaire qui piétine ses droits à la défense.
On s’attendait à ce que Khalifa Sall, le maire de Dakar, rompe le silence au lendemain du boycott par ses avocats des audiences à la Cour d’appel, comme il l’avait annoncé lui-même en requérant, avec succès, auprès du président de la Cour Demba Kandji la possibilité de faire une déclaration. Eh bien, Khalifa Sall, emprisonné dans le cadre de l’affaire liée à la caisse d’avance de sa mairie et actuellement en jugement devant la Cour d’appel, a décidé tout simplement, par l’entremise d’une lettre adressée aux Sénégalais hier, jeudi, d’annoncer…sa candidature à la présidentielle du 24 février 2019. Le maire de Dakar qui avait opté de ne pas comparaître à son procès en appel pour la journée d’hier, jeudi, franchit le Rubicond pour aller à la quête de la magistrature suprême. Quoique de Rebeuss, la Maison d’arrêt et de correction de Dakar.
Dans son texte rendu public, le maire de Dakar qui dit ne pas accepter que « la démocratie, et à travers elle, le vote des Sénégalais soit muselé», a de fait invité les Sénégalais « à refuser que le seul choix qui leur soit donné soit celui de la perpétuation du régime actuel, à défendre la volonté souveraine du peuple et à faire entendre leurs voix qui, elles seules, doivent décider de l’avenir de notre pays ». Relevant dans la foulée qu’il entend s’engager aux côtés des citoyens « pour construire cet avenir commun », le maire socialiste de la capitale sénégalaise a déclaré qu’il est candidat à l’élection présidentielle du 24 février 2019, « avec la conviction que nous puiserons dans cette épreuve l’énergie pour rassembler les forces vives de la Nation, gagner la confiance du peuple et redresser notre cher pays ».
Cette déclaration de candidature, assez atypique faut-il le signaler, est allée de pair avec une sortie au vitriol de Khalifa Sall contre la machine judiciaire qui le maintient en prison. Attestant ainsi avoir accepté de se défendre par respect pour le pouvoir judiciaire face à ses adversaires politiques qui l’on traîné en justice, Khalifa Sall avouera l’avoir toutefois fait non « sans appréhensions ». Et d’établir dans la foulée que l’histoire lui a donné raison. Pour cause, dira-t-il dans son texte, « Cette procédure ne présente pas de garanties à même d’assurer les droits de ma défense et le fonctionnement normal du système judiciaire dans un État de droit. Depuis le début, je n’ai pas été traité en justiciable comme les autres ».
Le maire socialiste, sans fioritures, assènera par suite : « Cela se voit à travers les nombreuses violations qui ont entaché l’enquête préliminaire de police et l’instruction. La procédure a été menée uniquement à charge et avec empressement pour hâter le procès et son issue ». Qui plus est, a-t-il fait remarquer, « Aujourd’hui, les masques sont définitivement tombés avec le refus de la Cour d’Appel de Dakar d’exécuter la décision de la Cour de justice de la Cedeao, qui a constaté ma détention arbitraire et le caractère inéquitable du procès. Je proclame à nouveau la vérité aux Sénégalais : jamais je n’ai trahi leur confiance. Les accusations qui me sont faites sont ignominieuses, hypocrites et infamantes ». Avant de conclure dans son texte : « Aujourd’hui, plus que jamais, je réfute avec force et conviction, chacune de ces dernières qui poursuivent le dessein politique lâche d’entraver la liberté du suffrage ».
ELIGIBILITE A LA PRESIDENTIELLE DE 2019 : Khalifa Sall, en pleine course contre la montre
En faisant cette déclaration, Khalifa Sall n’anticiperait-il pas l’invalidation de sa candidature à la présidentielle déjà presque actée par la procédure judiciaire qui est en train de le broyer ? Il est aisé de le croire, surtout quand on sait qu’une véritable course contre la montre semble engagée pour vider le cas Khalifa Sall devant les juridictions adhoc (Cour d’appel et par suite Cour suprême) et éventuellement consacrer son inéligibilité à la présidentielle, comme le subodorent sans rechigner les partisans du maire de Dakar.
Au même titre que la défense du maire de Dakar qui avait vu dans l’accélération de la procédure judiciaire engagée une volonté manifeste d’empêcher Khalifa Sall de se présenter face à Macky Sall, en 2019. A la veille du démarrage des audiences du procès en deuxième instance, un avocat de la défense s’interrogeait ainsi sur le timing de la Cour d’appel qui a enrôlé le dossier Khalifa Sall, deux mois après que ce dernier a fait appel. « On constate que Dame justice est très pressée et on s’interroge sur les garanties minimales d’un procès équitable. On ne comprend pas pourquoi la justice sénégalaise est aussi pressée d’expédier cette affaire Khalifa Sall ». Qui plus est, avait-il fait savoir, « Quand on entend les déclarations des avocats de l’État, on comprend que l’État a un calendrier clair, net et précis, d’éliminer le maximum de candidats à l’élection présidentielle en utilisant la justice sénégalaise. Ce que nous n’acceptons pas et que nous dénonçons, depuis un moment ».
C’est sans nul doute soucieux de contenir cette accélération de la cadence, au niveau de la machine judiciaire, ainsi que le rejet systématique par la Cour d’appel de toutes les exceptions de nullités soulevées par sa défense et de l’arrêt de la Cedeao, toutes choses devant vraisemblablement aboutir à la confirmation de sa condamnation en première instance et par suite de l’invalidation de son éligibilité que Khalifa Sall a pris les devants pour annoncer sa candidature à la présidentielle. Et du coup pour s’inscrire de manière plus résolue dans cette sorte de course contre le temps, en perspective de la date du 25 janvier prochain arrêtée pour la publication de la liste des candidats à la présidentielle par le Conseil constitutionnel.