LA CLASSE POLITIQUE À COUTEAUX TIRÉS
La décision du président de la République Macky Sall de fixer la date du scrutin pour le renouvellement général du mandat des conseillers départementaux et municipaux au dimanche 23 janvier 2022 est diversement appréciée par la classe politique
La décision du président de la République Macky Sall de fixer la date du scrutin pour le renouvellement général du mandat des conseillers départementaux et municipaux au dimanche 23 janvier 2022 est diversement appréciée par la classe politique. Si du côté du parti au pouvoir (Apr) et de ses alliés de la majorité présidentielle, l’on applaudit des deux mains l’option du chef de l’Etat d’organiser ces joutes locales en fin janvier prochain, c’est tout à fait l’inverse du côté de l’opposition qui dénonce le manque de considération dans la prise de décision du gouvernement, l’absence de consensus au sein du dialogue politique comme le forcing du pouvoir en place.
Dans un communiqué publié lundi soir, le ministre de l’Intérieur informait que, conformément aux dispositions de l’article 1er de la loi n° 2021-24 du 12 avril 2021 portant report des élections territoriales, le président de la République, Macky Sall « a, par décret n° 2021-562 du 10 mai 2021, fixé la date du prochain scrutin pour le renouvellement général du mandat des conseillers départementaux et municipaux au dimanche 23 janvier 2022». Au lendemain de la décision du chef de l’Etat sur la tenue du scrutin local, déjà reportée à quatre reprises, les réactions n’ont pas manqué au niveau de la classe politique, suivant qu’on est du côté du pouvoir ou de l’opposition. Au niveau du Parti démocratique sénégalais de Me Wade, la décision de Macky Sall de fixer la date des élections locales le 23 janvier 2022 conformément à la proposition de son camp, faisant fi des avis de l’opposition est la goutte de trop.
Dr Cheikh Dieng, le chargé des élections du Pds, a fait ainsi part de la position tranchée des Libéraux. Interpellé par la presse, il dira sèchement : « Le Pds constate l’entêtement du président Macky Sall de vouloir organiser des élections en 2022 conformément à sa volonté et celle de sa mouvance, décidant ainsi de ne pas prendre en compte les avis des autres parties prenantes au dialogue national ». Seulement, pour le Dr Dieng, la fixation des Locales en janvier 202 n’est pas ces temps-ci la seule décision « unilatérale» et « politicienne» du pouvoir en place. Le maire de Djida Thiaroye Kao fustigera dans la foulée le découpage préélectoral et « partisan » de la région de Dakar qui, selon lui, «chamboule toute la carte électorale» à seulement 7 mois 11 jours des Locales. Avec ce découpage dans le département de Pikine et la départementalisation de Keur Massar, toute la carte électorale sera chamboulée », peste-t-il. Et de relever dans la foulée : « A 7 mois et 11 jours des élections, il faudra rééditer des cartes d’électeurs pour toutes les populations concernées par ce découpage-là ». Dr Cheikh Dieng qui a dénoncé de suite un «dilatoire» sous-tendu par des calculs politiciens dont le soubassement est le «découpage électoraliste » en question fera savoir que le Pds «se prépare en conséquence» pour «une réponse politique».
«LE GOUVERNEMENT N’ACCORDE PAS UNE IMPORTANCE A L’OPPOSITION », DIXIT PASTEF
Contacté par la presse, en l’occurrence Pressafrik, Aldiouma Sow, chargé des questions électorales de Pastef-Les Patriotes indique pour sa part que le décret pris par le président de la République fixant la date des élections territoriales au 23 janvier 2022 montre que le gouvernement n’accorde pas une importance à l’opposition, lorsqu’il s’agit de traiter les questions électorales dans notre pays. «Cette démarche conforte l’unilatéralisme que notre gouvernement fait montre à la matière depuis 2016. Pour rappel, l’opposition avait proposé à ce que les prochaines élections territoriales se tiennent dans le deuxième semestre de l’année en cours. Et comme nous le constatons tous aujourd’hui, le gouvernement a passé outre les propositions de l’opposition qui ont été accompagnées par un planning qui permettait à la fois à l’administration électorale de disposer du temps nécessaire pour réussir l’organisation matérielle des élections, mais également pour permettre aux partis politiques et aux autres acteurs qui interviennent dans le processus électoral d’avoir le temps nécessaire pour s’organiser de façon efficace », a regretté M. Sow.
De même, le Patriote informait que l’opposition avait fait ces propositions pour éviter toute emprise électorale sur l’année 2022. « Comme nous le savons tous, en organisant les élections territoriales, au mois de janvier 2022, le gouvernement compromet de facto la date prévue pour organiser les élections législatives à savoir la date du 29 juin 2022. C’est à dire, 30 jours avant la fin du mandat des élus locaux».
Par ailleurs, le parti d’Ousmane Sonko a dit craindre que cela ait une conséquence sur l’organisation de l’élection présidentielle en 2024 et que c’est cela que l’opposition a voulu éviter. «Tout ceci montre qu’il y a lieu de douter de la bonne foi du gouvernement quant à son engagement d’appliquer les consensus obtenus dans le cadre du dialogue politique parce qu’en réalité, lorsque l’opposition a accepté d’aller à ce dialogue politique-là, c’était parce qu’elle a cru que le gouvernement avait accepté de renoncer à l’unilatéralisme dont il a fait montre depuis 2016, lorsqu’il s’agit de gérerle processus électoral. Mais cette façon de faire nous pousse à douter et à rester sur nos gardes par rapport aux prochaines étapes concernant le processus électoral». Qui plus est, a-t-il dit, « ce décret seul ne suffit pas». Et de faire savoir que Pastef attend du gouvernement qu’il publie le « décret qui fixe la période de révision des listes électorales qui est une phase extrêmement importante dans le processus. Ce sera lieu d’intégrer le maximum de jeunes qui atteindront l’âge de vote ».
LA MAJORITE EN PHASE AVEC MACKY
Du côté du pouvoir en place, en somme de l’Alliance pour la République (Apr-parti présidentiel) et de ses alliés de Benno Bokk Yaakaar, la décision du chef de l’Etat de fixer la date des élections en janvier 2022 est souveraine et juste. Compte tenu en effet des blocages notés au niveau du dialogue politique, de la plénière de l’Assemblée nationale fixant les élections locales au plus tard le 31 janvier prochain, et de diverses contraintes liées à l’agenda social et communautaire, le président de la République était légitimé pour arrêter une date qui puisse permettre une organisation sereine de ces élections. Aussi pour le vice-président de l’Assemblée nationale Abdou Mbow qui se prononçait sur la décision du Président Macky Sall, «Les gens doivent arrêter de faire des commérages et se préparer à aller aux élections» puisque maintenant la date est actée. Intervenant sur iRadio, le député Abdou Mbow a fait savoir que de son point de vue, il n’y a plus d’obstacle, car «le fichier électoral a été audité. Je pense qu’il n’y a même plus de fossiles, parce qu’ils ont toujours cherché des fossiles pour ne pas aller aux élections. Donc, aujourd’hui que la date est fixée, je pense que tout le monde doit aller se préparer pour les élections»
Le ton est légèrement différent du côté de Cheikh Sarr, un des plénipotentiaires du pôle de la majorité au niveau du dialogue politique. Lequel s’est satisfait de la décision du président de la République avant d’inviter les autres pôles engagés dans la viabilisation de la machine électorale à s’activer pour les derniers réglages devant faciliter l’organisation transparente, juste et équitable des élections locales. Abdoulaye Wilane le maire de Kaffrine et membre socialiste de la coalition majoritaire Bennoo Bokk Yaakaar abondera dans le même sens, tout en se satisfaisant de la décision du président de la République (voir par ailleurs). Il faut relever enfin que ces élections locales de 2022 auront un cachet particulier parce que les maires et les présidents de conseils départementaux seront désormais élus au suffrage universel direct. Cela, suite aux accords obtenus par les acteurs électoraux au niveau de la commission politique du dialogue national. Mais aussi, il y aura une harmonisation du pourcentage de la répartition des sièges des élections municipales (45%) au scrutin de liste majoritaire et 55% au scrutin de liste proportionnelle.
LES NON-ALIGNES COUPENT LA POIRE EN DEUX
Au niveau du pôle des non-alignés, le langage est beaucoup plus mesuré. Déthié Faye, le coordonnateur du di pôle au niveau du dialogue politique, a fait part de la décision de ses mandants de participer activement aux Locales même s’il a évoqué le manque de consensus au niveau du dialogue qui a donné carte blanche au chef de l’Etat. « Nous regrettons que la commission politique n’ait pas pu aboutir à un consensus pour proposer une date très précise au président de la République. L’inconvénient des désaccords dans le cadre de ces concertations ouvre le pouvoir au Président qui s’était engagé à mettre en œuvre nos consensus. Dès l’instant qu’il y a un désaccord, le Président devient libre de tout engagement. C’est pour cette raison qu’il a tranché et le constat montre qu’il a tranché en allant dans le sens indiqué par la majorité présente dans le dialogue national ». En dépit de ce constat, a-t-il fait remarquer, il n y a pas une raison objective de ne pas participer aux joutes électorales. Déthié Faye a ainsi mis en avant tous les sacrifices faits pour parvenir à un certain nombre de consensus en vue d’améliorer le code et le processus électoral. « C’est pour permettre aux partis politiques de participer aux élections et que celles-ci soient libres, démocratiques et transparentes. Par conséquent, la date étant fixée, il est clair que les partis politiques prendront les dispositions nécessaires pour prendre part à ces consultations ».
WILANE MAGNIFIE L’ACTE DE MACKY
Après quatre(4) reports successifs, les élections municipales et départementales au Sénégal ont vu leur date arrêtée définitivement par le président de la République au 23 janvier 2022. Une chose qui a suscité la réaction du maire de Kaffrine, lequel a tenu à magnifier la décision du Chef de l’Etat. Le porte-parole du Parti Socialiste (PS) qui s’exprimait sur ces propos sur la Rfm dira ainsi : « D’abord, je magnifie la décision prise par le Président Macky Sall pour faire ce qui est normal. Le chef de l’Etat a fait valoir son droit parce que s’il y a un consensus, c’est le consensus qu’il faut prendre ». Poursuivant ses propos, le maire de Kaffrine note : «Toutefois, puisque nous discutons et qu’il n’y a pas d’accord ou d’entente, le président de la République a pris la loi que la Constitution lui a donnée et intégrer ce que le code électoral et les lois et règlements du pays ont organisé pour prendre la date des élections locales. Alors, si tout va bien le 23 janvier 2022 d’ici les élections, que l’Assemblée nationale termine son travail et qu’aussi les conditions pour l’organisation des élections soient remplies au préalable. Je crois que tout ce que les gens attendaient et demandaient, c’est quand auront lieu les élections, qu’on fasse ces élections le plutôt possible. Aujourd’hui, le président Macky Sall a pris la date de la tenue des élections locales, il faut intégrer les conditions que le code électoral requiert, à savoir l’ouverture de la révision des listes électorales, les inscriptions et le respect des étapes malgré que ça ne puisse manquer dans un processus électoral et sur le calendrier. Pour ce faire, je pense que si tout le monde se met d’accord, tout va bien se passer et d’ici là, les discussions vont continuer à tel point que les lois et règlements qui doivent accompagner le processus soient remplis ».