LA DÉMOCRATIE SERA BIEN LA GRANDE ABSENTE DE LA RÉUNION DE PAU
Il faut poser sans détour la question démocratique. Aucun fruit ne sortira d'un arbre pourri. Le soutien français aux dictatures est une politique injuste et de courte vue
Après le décès de 13 soldats français en novembre dernier au Mali, la pertinence et la légitimité de l'intervention militaire française au Sahel ont été remises en question. Dépassé par les événements, Emmanuel Macron a voulu paraître reprendre la main en convoquant les chefs d’État membres du G5 Sahel à Pau. Cette façon arrogante de faire a suscité un tollé en Afrique. De nouveaux massacres au Niger ont obligé à repousser la réunion à janvier. Depuis, la situation sur place a été marqué par une intense activité des forces. On parle d'importantes "victoires tactiques" pour Barkhane mais aussi de nombreuses pertes dans les forces armées du G5.
Répondre au défi politique
Après trois mois, rien n'a fondamentalement changé : six ans d'intervention n'ont pas permis de redresser la situation du Mali et les groupes armés ont essaimé dans tout le sous-continent. La réunion de Pau ne changera rien si elle ne traite du problème que sous l'angle militaire. En Afghanistan, Barack Obama a vainement augmenté les effectifs étasuniens. L'écrasante supériorité militaire des États-Unis n'a rien produit. La supériorité militaire française ne fera pas mieux au Sahel. Il faut répondre au défi politique.
Tout d'abord nous devons reconnaître et prendre acte du fait que l'intervention française est désormais suspecte aux yeux des populations. Dès lors, il est temps de planifier un plan de retrait. Pour autant, il ne peut s'agir de laisser une autre puissance - Arabie saoudite, Turquie ou Russie - s'installer comme maîtresse de la région. Cela implique de remettre en selle les organisations internationales légitimes à agir : le mandat de la Minusma doit être élargi et comporter une dimension nettement plus offensive.
Parallèlement, il faut mobiliser la communauté internationale pour participer à la reconstruction des États, victimes des politiques d'ajustement exigées par le FMI dans les années 1990. Le budget de Barkhane pourrait être réorienté progressivement dans cette direction.
Enfin, il faut poser sans détour la question démocratique. Aucun fruit ne sortira d'un arbre pourri. Le soutien français aux dictatures est une politique injuste et de courte vue. Il discrédite durablement toute action française dans la région et représente un obstacle à tout règlement durable des conflits. En février 2019, l'armée française réprimait l'opposition armée au dictateur tchadien Idriss Déby, façon de récompenser sa participation au G5 Sahel. Comment dans ces conditions prétendre lutter durablement contre les djihadistes et pour la démocratie et les droits de l'Homme ?
Hélas, la démocratie sera bien la grande absente de la réunion de Pau.