L’AFFAIRE KHALIFA SALL HANTE ISMAÏLA MADIOR FALL
Les députés de l'opposition accusent le ministre de la Justice d'être le bras armé d'un régime dictatorial

De passage à l’assemblée nationale samedi dernier, le ministre de la justice a voulu effleurer l’affaire Khalifa Sall prétextant que le dossier est pendant devant la justice mais c’est sans compter sur les députés de l’opposition notamment Mamadou Lamine Diallo et Déthié Fall qui ont ainsi chargé Ismaïla Madior Fall l’accusant d’être le bras armé d’un régime dictatorial.
Les débats sont toujours houleux au Parlement quand cela concerne Khalifa Sall dont l’immunité parlementaire a été levée le 25 octobre dernier. Et la règle n’a pas été dérogée samedi dernier lors du vote du budget du ministère de la Justice. Les députés de l’opposition en ont profité pour déverser leur bile sur Ismaïla Madior Fall venu défendre le budget de son ministère. Même si celui-ci n’a pas voulu trop s’épancher sur le sujet au motif que c’est une affaire pendante devant la justice, les députés lui ont imposé le débat. Tout au moins, ils ont réussi à le faire réagir même si le ministre de la Justice a eu la délicatesse de se limiter sur les principes. Le vice-président de Rewmi a déclenché les hostilités soutenant qu’il n’a pas été surpris de le voir rouler pour le régime en mettant de côté la séparation des pouvoirs. «Vous n’avez plus Montesquieu comme référence. Vous prenez maintenant Macky Sall comme référence. Alors que le président de la République a une justice pour ses partisans et une justice pour ses adversaires politiques», a-t-il lancé contre le ministre de la Justice. Il explique que la célérité avec laquelle le ministre traite le dossier de Khalifa Sall montre que sous Macky Sall la justice est sélective. La preuve, dit-il, on procède «sans respecter les droits à l’arrestation de Khalifa Sall, son élection comme député, la levée de son immunité parlementaire alors que des responsables de l’Apr à la tête de directions nationales ont vu leurs gestions épinglées par les corps de contrôle depuis deux ans sans être inquiétés».
Déthié Fall demande en outre au ministre de dire au Procureur d’arrêter de menacer les citoyens sénégalais qui décrient le mode de fonctionnement de la justice.
A sa suite, le leader du mouvement Tekki est monté au créneau soutenant qu’Ismaïla Madior Fall est «un tailleur constitutionnel» au service du président de la République. «La dictature ne passera pas dans ce pays, car depuis des générations nous nous sommes battus pour la démocratie et pour la citoyenneté. Et ce n’est pas vous qui allez changer ça. Notre règlement intérieur a été piétiné ici rien que pour pouvoir lever l’immunité parlementaire de Khalifa Sall. Donc, nous ne pouvons pas vous faire confiance à la tête de ce département », a tonné Mamadou Lamine Diallo. Il a ensuite soutenu qu’il ne votera pas le budget parce que celui-ci ne fera que renforcer la dictature et opprimer davantage les Sénégalais.
Prenant la parole, le garde des Sceaux s’est défendu soutenant qu’il ne faudrait pas donner trop de pouvoirs au ministre de la Justice. «Le ministère de la Justice ne peut avoir aucune influence juridique sur les magistrats du siège. Aucun ministre de la Justice ne peut manipuler un juge du siège», a martelé Ismaela Madior Fall qui se dit surpris de l’attitude du député Mamadou Lamine Diallo avec qui il a l’habitude de discuter en intellectuel empreint de cordialité, de sincérité et de profondeur. «Continuons à débattre comme ça. N’utilisons pas de mots qui ne sont pas appropriés. Ne parlons pas de dictature dans un pays où il y a une respiration démocratique. Il y a des insuffisances, aucune démocratie n’est parfaite. Identifions les insuffisances, accordons-nous, construisons des consensus pour améliorer notre démocratie», a soutenu le garde des Sceaux.
Pour le ministre de la Justice, agrégé de droit constitutionnel et également spécialiste de la science politique, il n’y a plus de dictature en Afrique au sens rigoureux du terme. «La dictature en tant que catégorie politique n’existe plus en Afrique. Et vous voulez que le Sénégal en soit une», a-t-il renchéri avant de souligner par ailleurs que le député-maire de Dakar va bénéficier d’un jugement qui respecte les règles en vigueur notamment son droit à une présomption d’innocence. Ismaïla Madior Fall rappelle que la question de l’immunité parlementaire est inscrite dans le principe de la Constitution qui consacre le terme d’autorisation de poursuite et de jugement. Non sans assurer qu’il fera garantir les principes généraux qui entrent dans le cadre de la bonne distribution du service public de la justice.
VIE CARCERALE
En outre lors des débats précédant le vote du budget samedi dernier, les députés sont revenus sur la nécessité de revoir les établissements pénitentiaires qu’ils jugent très vétustes. Ils ont aussi plaidé en faveur des Sénégalais détenus dans les prisons à l’étranger en préconisant une coordination entre le ministère des Affaires Etrangères et le ministère de la Justice afin de soulager la souffrance des compatriotes qui souvent, soulignent-ils, ne bénéficient ni d’assistance ni de protection juridique. Ils ont également demandé une réduction des longues détentions qui favorisent le surpeuplement des prisons et entraînent de graves dommages sur l’état psychique des prisonniers. Pour y mettre fin, les députés ont encouragé une application intelligente des dispositions du Code de procédure pénale relatives aux mandats de dépôts qui «sont délivrés de manière systématique ». Ils ont suggéré une réforme privilégiant les placements sous contrôle judiciaire, afin de mieux préserver la présomption d’innocence.
Prenant la parole, le ministre de la justice a estimé qu’à la date du 30 octobre dernier, on adénombré environ 10.313 pensionnaires, dans les 37 établissements
pénitentiaires du Sénégal. Selon lui, l’engorgement des établissements a été accentué par la loi qui a criminalisé le trafic de drogue, sans aucune distinction du degré de trafic ou de l’importance de la qualité. Il informe que pour l’année 2018, tous les 37 établissements pénitentiaires seront réhabilités. Ismaïla Madior Fall annonce également que la prison de Rebeuss ne sera pas fermée lorsque celle de Sébikotane sera fonctionnelle. Les conditions de détention vont être améliorées avec l’augmentation de la prime quotidienne de prise en charge qui passe de 1000 Fcfa à 1035 francs CFA. « Environ 5 milliards Fcfa sont consacrés dans le budget 2018 à l’alimentation dans les prisons», a-t-il indiqué.
Et pour ce qui est des Sénégalais détenus à l’étranger, il explique que seule une convention entre États permet leur transfèrement avec l’accord bien sûr des personnes détenues. A la suite de tous ces échanges, le budget du ministère de laJustice pour la gestion 2018 a été voté par la majorité des députés présents samedi à l’hémicycle. Il est passé de 36.420. 365.780 de francs CFA à 39.416.629.480 CFA, soit une hausse de 2.996.323.780 de francs CFA.