LE DECRET DE LA CONTROVERSE
Le chef de l’Etat aurait-il mis la charrue avant les bœufs dans sa volonté de lutter contre la spoliation foncière en permettant aux gouverneurs d’approuver des délibérations municipales de plus de 50 hectares ?
Le chef de l’Etat aurait-il mis la charrue avant les bœufs dans sa volonté de lutter contre la spoliation foncière en permettant aux gouverneurs d’approuver des délibérations municipales de plus de 50 hectares ? En tout cas, des administrateurs civils qui ont pris langue avec Sud Quotidien marquent leur étonnement, de voir des gouverneurs déjà écartés du contrôle de légalité par la suppression des régions comme collectivité territoriale, dans l’Acte III de la décentralisation, approuver des délibérations dans les circonscriptions administratives où ils n’ont pas la qualité de représentant de l’État ?
Que l’on ne soit pas surpris dans les prochains jours de voir une saisine de la chambre administrative de la Cour suprême d’une requête pour violation du décret n°2020-1773 modifiant le décret 72-1288 du 27 octobre 1972 relatif aux conditions d’affectation et de désaffectation des terres du domaine national !
Et pour cause, c’est un décret qui fait intervenir le gouverneur de région dans l’approbation des délibérations du Conseil municipal sur une assiette foncière dépassant 50 hectares. “Au-delà de cinquante (50) hectares, la délibération ne peut être approuvée que par le gouverneur de région territorialement compétent, par acte réglementaire enregistré au niveau du Secrétariat général du gouvernement”, précise l’alinéa 3 de l’article 2 dudit décret.
Si l’on sait que le pouvoir d’approbation est une manifestation du contrôle de légalité exercé par les représentants de l’État (sous-préfets, Préfets) dans les collectivités territoriales (communes, départements), et avec la suppression de la région comme collectivité décentralisée, le gouverneur ne représente l’État dans aucune collectivité territoriale, toute possibilité accordée à ce dernier de pouvoir approuver une délibération de plus de 50 hectares est jugée «illégale», ont confié à Sud Quotidien plusieurs administrateurs civils qui peinent encore à comprendre la décision prise par le Chef de l’Etat, Macky Sall.
Pis, rappellent-ils, «selon le principe de la hiérarchie des normes, la loi a une valeur supérieure au décret». On peut se demander comment, par une loi, a-t-on pu écarter les gouverneurs du contrôle de légalité par la suppression des régions comme collectivité territoriale, et vouloir revenir par un décret pour leur permettre d’approuver des délibérations dans les circonscriptions administratives où ils n’ont pas la qualité de représentant de l’État ? «Toutefois, l’espoir n’est pas encore perdu», se sont empressés de préciser nos sources. «Il demeure clair que l’on doit aller vers une modification du Code des collectivités territoriales précisément en son article 271 pour intégrer le chef de l’exécutif régional auprès des collectivités territoriales afin qu’ils puissent approuver les délibérations de plus de 50 hectares qui seront prises par les conseils municipaux de la région». Dans le cas contraire, ce décret, s’il est attaqué devant la Cour suprême pourrait faire l’objet d’annulation pour violation de la loi portant Code des collectivités territoriales.
Pour rappel, devant les multiples crises liées à la question foncière dans plusieurs communes, le chef de l’État, Macky Sall, a modifié le décret 72-1288 relatif aux conditions d’affectation et de désaffectation des terres du domaine national en précisant que les Sous-Préfets et les Préfets ne seront plus les seuls à approuver les délibérations des Conseils municipaux.
Désormais, les Sous-Préfets pourront approuver les délibérations ne dépassant pas 10 hectares dans les communes de leur arrondissement, et lorsque les délibérations des terres sont comprises entre 10 et 50 hectares, seuls les Préfets de département pourront approuver, et si les délibérations dépassent 50 hectares, le pouvoir d’approbation est du ressort du gouverneur de région territorialement compétent.