DÉLIVRANCE DES AUTORISATIONS PAR LES AUTORITÉS ADMINISTRATIVES
Il a paru nécessaire pour le gouvernement de procéder à la modification de l’article R207 du décret n°2009-1450 du 30 décembre 2009 portant partie règlementaire du code de l’urbanisme
A la demande du requérant, le représentant de l’Etat territorialement compétent signe et délivre, sous huitaine, l’arrêté portant autorisation de construire. C’est la nouveauté apportée par le chef de l’Etat dans le décret n°2009-1450 du 30 décembre 2009 portant partie règlementaire du code de l’urbanisme. Mais elle n’est pas sans conséquence dans la mesure où les maires voient leur pouvoir réduit.
Face aux lenteurs constatées dans la procédure de délivrance d’autorisation de construire, il a paru nécessaire pour le gouvernement de procéder à la modification de l’article R207 du décret n°2009-1450 du 30 décembre 2009 portant partie règlementaire du code de l’urbanisme.
Ainsi, à en croire le rapport de présentation du décret signé le 10 juin dernier par le président de la République, en cas de silence de l’autorité compétente, le représentant de l’Etat peut signer et délivrer l’autorisation de construire. Cette modification règlementaire a pour objectif de garantir l’effectivité de l’autorisation de construire réputée accordée dans ces conditions ainsi que de la célérité de la procédure de délivrance du permis de construire par les communes, conformément aux directives du président de la République.
CHEIKH DIENG ATTEND LA REACTION DE L’AMS
Le maire de Djiddah Thiaroye Kaw, Cheikh Dieng, estime que c’est parce que le gouvernement se trouve dans une impasse par rapport à l’accaparement et à la prédation des terres du littoral qu’il se fraye une porte de sortie. «Face au réveil citoyen inattendu du peuple sénégalais, l’Etat procède à une diversion en soulevant un problème qui n’est pas à l’ordre du jour», déclare Monsieur Dieng. Ensuite, il relève une atteinte à l’Acte 3 de la décentralisation qui consacre une plus grande responsabilité aux maires élus démocratiquement et dépositaires de la légitimité au même titre que le président de la République. Ce qui est tout le contraire des autorités administratives qui sont assujetties au commandement, signale le maire libéral. Il est convaincu que le fait de retirer les prérogatives des maires élus démocratiquement au profit de personnes simplement nommées constitue un recul démocratique historique dont le Président Macky Sall porte la responsabilité. Ce qui, d’après lui, va à l’encontre de la marche du monde et de la démocratie au moment où l’on consacre de plus en plus des responsabilités et des transferts de compétence aux entités décentralisées. Cheikh Dieng attend la réaction de l’Association des Maires du Sénégal(AMS) qui est l’instance censée défendre les intérêts moraux des élus locaux. Selon lui, c’est parce que les maires jouent leur rôle de vigie démocratique en refusant de signer des actes illégaux d’autorisation de construire que cette mesure a été prise.
A l’en croire, l’Etat crée des voies de contournement pour mettre en avant une administration qui a souvent plus des préoccupations «clientélistes» que le souci de respecter les règles de construction. «La loi de 1976 sur la protection du domaine public maritime, le Code de l’environnement qui exige des études d’impact préalable pour ces types d’aménagement, entre autres textes, ont été allègrement violées par les autorités administratives en délivrant des papiers de bail, de titre foncier qui ne peuvent être attribués au titre individuel sauf en cas d’intérêt public», explique Cheikh Dieng.
UN ACTE ILLEGAL !
Par ailleurs, selon Cheikh Sadibou Sèye, chercheur en gouvernance publique, contacté par Seneweb, cet acte du chef de l’Etat est illégal dans la mesure où sur les termes de l’article 319 de la loi portant Code général des collectivités territoriales, les communes ont la compétence de délivrer «des autorisations de construire à l’exception de celles délivrées par le ministre chargé de l’Urbanisme».
Or, il indique que le décret pris par le Président Macky Sall confère au représentant de l’Etat la latitude de délivrer des autorisations de construire sans base légale». En effet, toujours selon le chercheur rapporté par Seneweb, la loi n°2008-43 du 20 août 2008 portant code de la construction dispose en son article L4 que «nul ne peut élever une habitation, restaurer ou augmenter un bâtiment existant ou encore creuser un puits distant de moins de 100 mètres des nouveaux cimetières transférés hors des communes sans obtenir préalablement une autorisation délivrée par le maire». Et l’article 68 de la loi portant Code de l’urbanisme dispose également que «l’autorisation de construire est délivrée au propriétaire ou à son mandataire, après instruction par les services chargés de l’urbanisme, par le maire dans les conditions définies dans la partie règlementaire du présent code».
DR ADAMA DIOUF, PRESIDENT DE L’UNION DES ASSOCIATIONS D’ELUS LOCAUX (UAEL) : «C’est parce que dans les collectivités locales, il n’y a pas souvent le personnel qualifié»
«Je voudrais rappeler deux principes. Le premier, c’est que la collectivité locale est un démembrement de l’Etat. Et cela signifie que les compétences sont partagées en l’espèce. Le deuxième principe est celui de la subsidiarité. Cela signifie que l’action publique doit être exercée par l’acteur le plus proche et au lieu le plus approprié. C’est cela qui fonde la responsabilité qui a été donnée aux maires de donner l’autorisation de construire. Parce que c’est le maire qui vit la réalité au quotidien.(…) Cependant, il a été constaté des lenteurs de la part de certains collègues maires. C’est parce que dans les collectivités locales, il n’y a pas souvent le personnel qualifié nécessaire et suffisant pour s’acquitter de ces questions administratives dans le délai requis. Donc, au regard de la prégnance de la question, des revendications multiples qui atterrissent auprès des plus hautes autorités, il est tout à fait fondé que l’Etat prenne une décision comme celle-ci consistant à ce que l’autorité administrative territorialement compétente puisse signer l’autorisation de construire etla délivrer au citoyen. C’est cela la diligence, la célérité et l’efficience de l’action publique. Je rappelle que la collectivité locale est un démembrement de l’Etat. Donc, il est normal que ce dernier trouve des solutions s’il y a des difficultés quelque part dans l’échelon comme c’est le cas aujourd’hui au niveau d’un maire. Donc, je n’ai pas de problème par rapport à ça. Il faut, à chaque fois qu’il y a défaillance c’est-à-dire une lenteur, trouver une solution. Cela ne signifie pas que l’Exécutif local est dessaisi. C’est juste une mesure alternative, au cas où il y a des difficultés pour délivrer une autorisation de construire. A cet égard, je pense que le chef de l’Etat a tout le droit de le faire par le biais de son ministre en charge des questions de l’Urbanisme. Ici les compétences sont partagées. Et l’autorité centrale peut prendre une décision pertinente et alternative pour faire face à la défaillance de l’autorité qui est le maire ou le Président du Conseil départemental. Il faut dire également que nous n’avons pas le droit en tant que collectivité locale de bloquer les actions publiques et les actions de développement par une lenteur qui ne se justifie pas.»