LE DÉLUGE AU SEIN DE LA MAJORITÉ PRÉSIDENTIELLE
En tant qu’allié du chef de l’État, Idrissa Seck a, pourrait-on dire, posé un casus belli en abordant sa candidature à la présidentielle, un sujet considéré comme tabou dans le camp du pouvoir
Vendredi dernier, Idrissa Seck a annoncé sa candidature pour la présidentielle de février 2024. Une sortie qui a suscité de vives réactions au sein du Conseil Économique Social et Environnemental (CESE) dont il est le président. Une trentaine de conseillers de l’institution, membres de la coalition au pouvoir, Benno Bokk Yaakar, ont aussitôt demandé sa démission. Des responsables de la majorité présidentielle ont formulé la même exigence l’invitant à aller jusqu’au bout de sa logique. Une chose est sûre, à travers cette déclaration de candidature, l’ancien Premier ministre du président Abdoulaye Wade a, une nouvelle fois, fait parler de lui et a alimenté les doutes quant à la sincérité de son compagnonnage avec le président Macky Sall.
Le compagnonnage est-il toujours sincère entre Idrissa Seck et le président Macky Sall ? Une question peut trouver sa pertinence à la lumière de plusieurs actes posés par le leader de Rewmi ces dernières semaines. Déjà, juste après le défilé du 4 Avril dernier, le président du Cese avait écrit ce qui suit : «Macky vous a donné la Coupe d’Afrique des Nations (CAN), êtes-vous prêts à m’accompagner pour vous donner la Coupe du monde?». Avant cela, il avait convoqé la presse pour faire une importante déclaration avant d’annuler la rencontre au dernier moment. Depuis lors, tout le monde se demandait ce qu’il avait de si important à dire. Finalement, il a fixé un nouveau rendez-vous aux journalistes dans son fief de Thiès vendredi dernier. Une rencontre au cours de laquelle il a annoncé sa candidature pour la présidentielle de 2024 tout en disqualifiant l’actuel président de la Répblique pour cette échéance électorale majeure.
En tant qu’allié du dhef de l’État qui l’a nommé à la tête du Conseil Économique, Social et Environnemental (CESE), une institution prestigieuse dotée d’un important budget, Idrissa Seck a, pourrait-on dire, a posé un casus belli en abordant un sujet considéré comme tabou dans le camp du pouvoir. Alors que personne, dans la mouvance présidentielle, n’avait jusque-là osé manifester ouvertement son désir d’être candidat à l’élection présidentielle de février 2024 — ce alors que ce ne sont pas les ambitions qui y manquent ! — le président du CESE a pris son courage à deux mains pour se déclarer. ‘’On ne peut pas imaginer une élection présidentielle sans moi, Idrissa Seck, alors que je suis bien portant. Je serai candidat’’. Telle est sa réponse à l’une des questions qui lui ont été posées lors de sa conférence de presse. En fait, c’étaitsurtout là la réponse à la question que tout le monde se posait et pas seulement les journalistes venus nombreux à ce face à face.
Une sortie qui a secoué le CESE
Au lendemain de la déclaration de candidature de l’ancien opposant arrivé deuxième à la présidentielle de 2019, les réactions se sont multipliées du côté de la mouvance présidentielle. Les unes plus acerbes que les autres. De véritables tirs groupés contre Idrissa Seck qui dit pourtant toujours appartenir à la grande coalition Benno Bokk Yaakar. Parmi ces réactions outrées, celles de membres du CESE, l’institution que dirige Idrissa Seck. Sans tourner autour du pot, ils ont demandé la démission d’Idrissa Seck de la tête du Conseil Économique, Social et Environnemental. L’un d’entre eux, Woula Ndiaye, qui portait leur parole, n’a pas mâché ses mots. Le vice-président du CESE n’a pas raté celui qui est encore son « patron » au sein de cette institution : «Connaissant l’homme, ce n’est vraiment pas une surprise de le voir faire cette sortie politique. Maintenant, nous, membres de Benno Bokk Yaakar et du CESE, demandons, à l’unanimité, sa démission. Sinon, s’il n’a pas la dignité de démissionner, nous demandons au président Macky Sall de le démettre le plus rapidement possible. C’était pour l’aider que ce dernier lui a confié l’institution’’.
M. Ndiaye n’est pas le seul à fustiger l’attitude d’Idrissa Seck. Un autre conseiller a embrayé dans ce registre :»Nous n’avons jamais pensé qu’Idrissa Seck pouvait se permettre de faire une telle sortie. Il l’a calculée, mais, cela a été très malheureux pour lui. Cette sortie n’est qu’une envie d’exister pour lui et de redorer un blason déjà terni. Alors, pour plus de cohérence, nous l’invitons à démissionner de son poste’’, a martelé Sadia Faty. Le rapporteur de la commission Communication Santé et Affaires sociales au CESE a poursuivi en soutenant que le président Macky Sall a nommé Idrissa Seck à la tête de cette institution ‘’pour lui permettre d’exister physiquement et financièrement’’. Ah bon ?
Des dames du CESE sont aussi montées au créneau. À l’instar de leurs collègues hommes, elles ont déversé leur colère sur l’ancien Premier ministre sous le régime d’Abdoulaye Wade. En plus de réclamer la démission de M. Seck, Asta Walo Kane l’a même traité de nullard et de dupeur:’’Qu’il soit honnête en démissionnant. Il doit arrêter ses jeux de dupe. Il est le plus nul parmi tous ceux qui ont eu à diriger le CESE. On ne le voit jamais, il ne reçoit personne en audience. Il s’en fout de tout le monde. Il dit être candidat à l’élection présidentielle mais il ignore que les Sénégalais ne lui font plus confiance’’ a-t-elle cogné.
Un coup envoyé à la figure du président Sall
De toute évidence, Idrissa Seck a envoyé un direct au président Macky Sall. En effet, ce dernier, qui a toujours entretenu le flou autour d’une possible troisième candidature, n’a jamais voulu que la question soit évoquée dans son camp. Le leader de Rewmi a bravé cette consigne. Une dernière sortie qui n’est qu’une suite logique d’un certain nombre d’actes posés par Idrissa Seck et qui, sûrement, ont déplu au président Macky Sall.
À la veille de la fête du 4 Avril, date de l’accession du Sénégal à la souveraineté internationale, Idrissa Seck s’est rendu au domicile d’Ousmane Sonko, le principal et farouche opposant du régime actuel. Ça veut tout dire. À travers cette visite sur laquelle l’ancien maire de Thiès a daigné apporter des éclairages, certains compatriotes voient cela comme un couteau planté sur le dos du président de la République. Ce même si le président du CESE dit l’avoir effectuée en parfait accord avec le président Macky Sall qu’il aurait informé la veille de son initiative. En effet, comme l’a analysé un homme qui a parlé sous le couvert de l’anonymat, ‘’Idrissa Seck a accordé plus de succès à Ousmane Sonko, à travers cette visite’’.
À la lumière des propos de ce citoyen, on peut se demanderce qu’a ressenti le leader de l’Alliance Pour la République (APR) en apprenant cette visite. Du point de vue politique, Ousmane Sonko est l’adversaire à abattre pour le parti au pouvoir. Lequel estime qu’il est hors de question de rendre visite au leader de Pastef pour de quelconques négociations. En expliquant subtilement que ‘’cette rencontre a servi à quelque chose’’, notamment à faire annulait les manifesttions que l’opposition projetait pour le 03 avril, le candidat arrivé deuxième lors de la présidentielle de 2019 laisse beaucoup de gens sur leur faim.
Aussitôt nommé à la tête du CESE en novembre 2020, Idrissa Seck avait remercié le président Macky Sall ‘’pour sa confiance’’. Toutefois, au regard de sa sortie de vendredi dernier marquée par sa déclaration de candidat et la disqualification de celle du président de la République, ne pourrait-on pas dire que cette confiance a été trahie ?